C’est avec une grande tristesse que nous apprenons le décès de l’émissaire Mme Dvora a’h Greenberg, âgée de 85 ans. Elle était l’épouse de feu Rav Moshe Greenberg a’h, directeur des Jeunes de Habad à Bnei Brak, et la mère de 17 enfants travaillant en tant qu’émissaires du Rabbi dans le monde entier. Elle est la fille du Rav Aharon Hazan a’h.

Elle laisse derrière elle une famille nombreuse, dix-sept fils et filles, pour la plupart des Chlou’him du Rabbi dans le monde entier:

  • Rav Naftali Greenberg – Lod.
  • Rav Israel Greenberg – Texas.
  • Rav Yosef Its’hak Greenberg – Alaska.
  • Rav Zusha Greenberg – Ohio.
  • Rav Chaim Greenberg – Beitar Illit.
  • Rav Shalom Dovber Greenberg – Chine.
  • Rav Shneur Zalman Greenberg – Michigan.
  • Rav Shmuel Greenberg – Washington.
  • Rav Barou’h Greenberg – Californie.
  • Rav Abraham Greenberg – Chine.
  • Mme Rachel Levertov – Texas
  • Mme Haya Wolf – Odessa.
  • Mme Rivka Azimov – Neuilly sur Seine.
  • Mme Sterna Sarah Wolf – Hanover
  • Mme Batya Shemtov – Crown Heights.
  • Mme Esther Sheykovitz – Kfar Habad.
  • Mme Hava Kastel – Bnei Brak.

 

 

VIDÉO : Dans l’après-midi, les funérailles de Mme Dvora Greenberg, de mémoire bénie, ont eu lieu à Bnei Brak. Le Rav Yoseph Its’hak Belinov, a demandé le pardon au nom de la communauté et a mentionné les grandes actions de la famille dans la ville.

 

 


Kol Nidrei au Goulag : Le Ma’hzor manuscrit du Rav Moché Greenberg, z’l

Rav Zushé Greenberg dirige le Chabad Jewish Center de Solon, Ohio. Il raconte ce récit édifiant sur le Messirout Nefesh de son père, le Rav Moché Greenberg a’h, prisonnier dans le camp de Omsk en Sibérie en 1951  :

Le jour de Kippour 1951, mon père, Rav Moché Greenberg, récita avec ferveur toutes les prières de la fête. Toutes, exceptée une, celle qui est souvent considérée comme la plus solennelle : le Kol Nidrei.

Il avait à l’époque vingt ans. Il était prisonnier dans un camp de travaux forcés soviétique en Sibérie. Son crime avait été de tenter de s’enfuir de Russie.

Il avait rêvé de quitter le pays pour rejoindre la terre d’Israël, mais il avait été arrêté et condamné à 25 ans de travail. À son arrestation, il fut séparé de ses parents et de ses deux sœurs. Il avait un frère qui était déjà prisonnier dans un autre camp pour un « crime » similaire.

Il y avait à peu près mille prisonniers dans le camp de mon père. Ils travaillaient tous sur le chantier d’une centrale électrique. Sur ces mille hommes, seule une vingtaine étaient juifs.

Alors que l’été tirait à sa fin, les prisonniers juifs se demandaient comment ils allaient célébrer les jours solennels de Roch Hachana et Yom Kippour. Ils savaient qu’il leur manquerait un choffar (corne de bélier), un rouleau de la Torah et des Talitoth (châles de prière), mais ils espéraient trouver un ma’hzor, un rituel de prières des fêtes.

Mon père remarqua un homme qui était « de l’extérieur », un ingénieur qui travaillait pour le camp sur certains projets. Il se pouvait bien, d’après lui, que cet ingénieur fût juif.

Il attendit donc le moment propice pour approcher cet homme. « Kenstou mir efsher helfen? », lui murmura-t-il en Yiddish (« Peut-être pouvez-vous m’aider? »).

À cette époque, tous les Juifs de Russie parlaient le Yiddish couramment. Mon père vit dans son regard que l’homme avait compris.
« Pourriez-vous amener un ma’hzor pour moi, pour les Juifs ici? » lui demanda-t-il. L’ingénieur hésita. Une telle affaire mettrait leurs deux vies en danger. Malgré cela, il accepta d’essayer.

Quelques jours passèrent. « Y a-t-il du nouveau? », demanda mon père.
« De bonnes et de mauvaises nouvelles », répondit l’ingénieur. Il avait trouvé un ma’hzor avec difficulté, mais c’était le seul que possédait le père de sa fiancée et l’homme s’était vigoureusement mis en colère quand sa fille lui avait demandé d’y renoncer. Peut-être lui avait-elle dit pourquoi elle le lui demandait, peut-être pas.

Mais mon père n’était pas résolu à abandonner son projet. Peut-être, suggéra-t-il, ce monsieur voudrait bien lui prêter le livre. Il pourrait alors le recopier et le lui rendre avant Roch Hachana.

L’ingénieur fit passer clandestinement le ma’hzor à l’intérieur du camp et le donna à mon père.

Pour pouvoir le recopier, mon père construisit une grande caisse en bois dans laquelle il se cachait plusieurs heures par jour. Là bas, à l’abri des regards, il recopia le livre de prières, ligne après ligne, dans un cahier. Au bout d’un mois, il avait recopié l’ouvrage dans sa totalité. Il manquait cependant une page, celle du Kol Nidrei, la première prière récitée le soir de Kippour.

Mon père rendit le livre et l’automne arriva. Les prisonniers juifs connaissaient les dates des fêtes grâce au courrier de leurs familles et, le jour de Roch Hachana, ils soudoyèrent les gardes, probablement avec des cigarettes, pour que ceux-ci les laissent se rassembler dans le baraquement pour prier.

Avec son rituel écrit à la main, mon père fit office de ‘hazane (chantre), récitant chacune des prières qui étaient ensuite reprises par les voix basses et solennelles de l’assemblée. Sept jours plus tard, ils se rassemblèrent de nouveau pour Kol Nidrei. Cependant, malgré leurs efforts, aucun des fidèles ne parvenait à se rappeler des tous les mots de cette prière.

Au bout de près de sept ans, mon père fut libéré avec tous les autres prisonniers politiques suite à la mort de Staline. La seule chose qu’il emporta avec lui de ce camp fut son ma’hzor.

Il retrouva sa famille près de Moscou et, plus tard, se maria. Je n’étais qu’un nourrisson lorsque, en 1967, quinze ans après sa libération, ma famille fut autorisée à émigrer en Israël. Le ma’hzor fut aussi du voyage.

Mon père, qui vit encore à Bnei Brak, n’aime pas évoquer ces années douloureuses en Sibérie. Mais, les rares fois que je l’entends raconter un épisode de cette époque, il déclare avec émotion qu’il n’a jamais participé à des prières aussi ferventes que celles que lui et ses compagnons faisaient au Goulag.

En 1973, il rendit visite au Rabbi de Loubavitch à New York et lui remit le ma’hzor en cadeau.
Il y a quelques mois, j’ai visité la bibliothèque du Rabbi et j’y ai trouvé le ma’hzor de mon père. J’ai contemplé le cahier usé avec ses pages si fragiles, écrites à la hâte avec tant de respect et de détermination. J’en ai fait une copie… à la photocopieuse.

Ce Yom Kippour, lorsque je dirigerai les offices au Beth ‘Habad de Solon dans l’Ohio, j’aurai auprès de moi la copie du ma’hzor de mon père, avec sa page de Kol Nidrei manquante.
Mon père n’avait pas pu réciter le Kol Nidrei durant ses années de détention. Cette année, je demanderai à ma communauté, et à chacun d’entre nous, de le réciter pour lui et pour tous ceux qui n’ont pas la possibilité de le faire. Chabad.org

 


« La lutte et la victoire : l’histoire fascinante du Rav Aharon Hazan a’h en Russie soviétique

Le Rav Aharon Hazan a’h (qui a quitté ce monde le 4 Av 5768-2008, à l’âge de 96 ans) est le père de Mme Dvorah Greenberg a’h qui a quitté ce monde le 21 Av 5783

 

Le matin du 10 avril 1960, la veille de la Pâque de l’an 5720, le Rav Aharon Hazan de la ville de Boulchovo, un faubourg de Moscou, a découvert qu’il était mal vu dans les médias. Dans l’une des colonnes de la ‘Pravda’, l’organe officiel du Parti communiste au pouvoir, une lettre agitée adressée à la rédaction du journal était publiée, dans laquelle de graves accusations étaient portées contre le Rav Hazan. Selon ces accusations, il ne permettait pas à ses enfants d’aller à l’école locale le Chabbat.

« Le public entier est appelé à s’insurger contre ce qui se passe dans notre ville, Boulchovo », commençait la lettre signée par deux enseignants de l’école. Elle détaillait ensuite : « Les enfants de la famille Hazan, qui étudient dans notre école, ne viennent pas le Chabbat pour des raisons religieuses. Leurs parents leur ont si profondément enraciné leur foi que les enfants eux-mêmes ne sont pas prêts à venir à l’école ce jour-là. De plus, ce jour-là est désigné pour les travaux manuels selon la nouvelle loi, et les enfants de Hazan violent aussi cette loi. »

La lettre concluait par la déclaration suivante : « Hazan ne devrait pas penser que ses enfants sont sa propriété privée. Ils appartiennent à l’ensemble du public soviétique, et nous ne devons pas tolérer une telle chose chez nous ! »

La rédaction de la ‘Pravda’ a bien sûr réagi immédiatement et très sérieusement à ce scandaleux incident de Boulchovo.

« Les faits rapportés dans la lettre de Mikhailova et Sharimov (les deux enseignants concernés, N.D.L.R.), doivent attirer l’attention du public. Ils montrent qu’au sein de la famille de A. Hazan, un employé de l’usine « Votorsibio » à Mitishi, des traits sont formés chez les enfants qui sont contraires à ceux requis pour un membre de la société communiste. L’éducation des enfants ne peut pas être considérée comme une affaire privée du père et de la mère. A. Hazan nuit à ses enfants, perturbe la vie normale de l’école, et sème la discorde parmi les élèves. Son comportement mérite une sévère condamnation de la part des organisations publiques de l’usine où il travaille et des parents. »

Ledit journal a également montré sa capacité à mener une enquête journalistique digne de ce nom et à fournir par la même occasion des informations personnelles sur le père diffamé, enseignant ainsi à ses lecteurs une leçon sur l’amour du prochain et les valeurs exemplaires.

Ce même jour, le Rav Hazan a été convoqué pour un interrogatoire dans les bureaux des autorités, où la preuve irréfutable de ses méfaits était posée sur la table – à savoir la page de la ‘Pravda’ en question. Cette attaque médiatique a en réalité marqué l’apogée d’une longue et acharnée bataille que le Rav Hazan et sa femme ont menée contre l’administration scolaire et d’autres autorités qui tentaient d’obliger leurs enfants à aller à l’école également les Chabbats et les jours de fête.

Après une longue série de menaces et d’intimidations envers le Rav Hazan et sa famille, un compromis a été atteint : chaque Chabbat, l’un des six enfants de la famille « volontaire » devait aller à l’école pour représenter tous ses frères et sœurs. Cela a donné aux autorités un sentiment d’accomplissement et la pression sur la famille Hazan a diminué. Il était évident que même cet enfant évitait d’écrire ou de faire toute autre action interdite le Chabbat.

Le premier Chabbat, Bitya Hazan, qui avait alors douze ans, s’est portée volontaire pour cette tâche désagréable. Lorsqu’elle est rentrée chez elle, elle a décrit ce qui s’était passé en classe. L’enseignante de mathématiques a écrit un exercice sur le tableau et l’a invitée à le résoudre. « Je ne peux pas écrire le Chabbat », a-t-elle dit à l’enseignante. L’enseignante a crié, sans succès, puis elle a rapidement fait appel à la directrice et à son adjointe. En leur présence, Batya est restée ferme, déclarant qu’elle ne écrirait pas le jour du Chabbat. Les élèves de la classe ont observé la situation avec une grande tension.

Soudain, le maire de la ville lui-même est entré dans la classe. « Quoi de neuf? L’élève Hazan est-elle venue aujourd’hui? », a-t-il demandé. « Elle est là, debout près du tableau, mais elle refuse de résoudre l’exercice », a répondu l’enseignante. Le maire a voulu jeter un œil au carnet de Batya. Après avoir brièvement parcouru et vu que ses notes étaient bonnes, il a pris une craie et lui a dit : « Dis-moi comment résoudre l’exercice et je vais écrire ». Batya a répondu correctement, et le maire a écrit la solution sur le tableau. « Laissez-la s’asseoir à sa place et écouter les leçons », dit-il avant de quitter la salle.

La jeune Batya, ses frères et ses parents courageux ont résisté face aux puissantes forces qui menaçaient.

« Près d’un demi-siècle s’est écoulé depuis ces jours-là, et le Rav Aharon Hazan, âgé de quatre-vingt-quinze ans (pour une longue vie et de bonnes années), est assis chez lui à Bnei Brak et est toujours capable de reconstituer ces événements. « Pour nous, il était clair et évident que nos enfants ne profaneraient pas le Chabbat », dit-il, « cela n’était même pas sujet à débat ».

Le Rav Hazan est né en 1912 à Krasnostav en Volhynie, fils de son père, le Rav Mordechai Hazan, qui était le Rav de la ville. La majeure partie de son enfance a été vécue après la révolution communiste, et il a ressenti ses persécutions de première main, bien avant d’avoir à s’occuper de l’éducation de ses enfants.

« Pendant plusieurs années, je suis resté à la maison et j’ai étudié la Torah avec mon père. À cette époque, les sanctions n’étaient pas encore sévères pour ceux qui refusaient d’envoyer leurs enfants à l’école. Plus tard, à l’hiver 1928, j’ai rejoint une ‘petite yeshiva’ créée par les Hassidim de Habad à Krasnostav. À la tête de la yeshiva se trouvait le génie Hassid, le Rav Haïm-Shaoul Brook (plus tard à la tête de la yeshiva ‘Ahi Temimim’ à Tel Aviv et ensuite à Rishon Letsion). La yeshiva était située dans la grande synagogue.

« La loi permettait d’étudier la Torah de manière privée et indépendante, mais interdisait de le faire de manière organisée et publique. Lorsque le chef de la yeshiva donnait des cours devant nous, des mesures de précaution particulières étaient prises. Un des garçons se tenait à la fenêtre donnant sur la rue. S’il voyait une figure suspecte approcher, il alertait tout le monde et le chef de la yeshiva sautait par la fenêtre dans la cour où se trouvait l’abattoir de volailles et commençait à aiguiser le couteau du sacrifice comme s’il s’agissait de son métier ».

Les membres de l’Yevsektsia (la section juive du Parti communiste) étaient au courant de l’existence de la yeshiva. Ils ont joué au « chat et à la souris » avec le chef de la yeshiva et ses élèves, essayant maintes fois de l’attraper pendant qu’il donnait un cours. Un jour, ils ont réussi. Le garçon qui surveillait par la fenêtre était distrait et n’a pas remarqué un homme de l’Yevsektsia, Kropotnik (un juif qui avait « changé et trahi », bien sûr), approchant soudainement de la synagogue.

« Aha, Rav! Enfin, je t’ai attrapé en flagrant délit! », a crié Kropotnik triomphalement. En fin de compte, le Rav Brook a été expulsé de la ville et plus tard condamné à neuf mois de travaux forcés. Néanmoins, malgré toutes les persécutions, la yeshiva a continué à exister secrètement, dans une maison privée, et le Rav Brook lui-même a continué à donner des cours de Torah.

La vie du Rav Hazan, comme celle de tous ceux qui insistaient pour traiter des commandements mineurs comme s’ils étaient majeurs, était difficile, marquée par des souffrances et des persécutions. Ces défis ont évolué avec le temps. Les synagogues ont été fermées, les bains rituels ont été fermés et les objets sacrés ont été persécutés. Les Mohalim, par exemple, ont cessé de circoncire d’autres enfants de peur des sanctions. Mais ce n’était pas seulement les Mohalim qui avaient peur de faire leur travail, mais aussi des gens ordinaires qui craignaient de circoncire leurs enfants. C’était principalement des membres du parti et des officiers qui, dans leur cœur, sont restés fidèles à leur Dieu mais avaient peur de perdre leurs emplois. Celui qui était pris en commettant cette « grave offense » était expulsé du parti et perdait son emploi.

Le Rav Hazan raconte une telle histoire qui s’est produite dans sa ville: « Un jeune couple, tous deux membres du parti et tous deux enseignants dévoués à l’école soviétique, a eu un fils. Ils l’ont circoncis en secret. Pour plus de sécurité, ils ont répandu la rumeur qu’ils avaient eu une fille et non un fils. Quelques mois plus tard, une amie de la mère est venue leur rendre visite. Soudain, l’amie a réalisé que ce n’était pas une fille mais un garçon et qu’il avait même été circoncis. L’amie n’a pas pu résister et a révélé le secret à un certain homme qui était membre de la cellule du parti. Inutile de dire que le père et la mère ont été rapidement expulsés du parti ».

« La fin du tourmenté »

Un autre problème central auquel le Rav Hazan a dû faire face est, comme mentionné, la question du travail le jour du Chabbat. Il témoigne lui-même que pendant toutes ses années en Union soviétique, il n’a jamais violé le Chabbat, pas même une fois.

Un incident lié à cette stricte observance du Chabbat lui est particulièrement mémorable. Les fidèles de la grande synagogue « Archipova » au centre de Moscou se connaissaient tous. Ils n’aimaient pas les surprises ni les invités inconnus. Chaque fois qu’un « nouveau visage » apparaissait à la synagogue, les fidèles habituels devenaient méfiants et particulièrement prudents. Tout invité était immédiatement suspecté d’être un espion pour les autorités, jusqu’à preuve du contraire.

Un jour, un vieil homme juif inconnu avec une longue barbe blanche est apparu à la synagogue. L’homme était discret et ne parlait pas beaucoup. « Salut », « Chabbat Shalom », « Merci beaucoup » et des mots similaires de politesse étaient tout ce qu’il prononçait. Au début, l’homme a éveillé la suspicion des fidèles, mais avec le temps, sa présence est devenue habituelle et ils s’y sont habitués.

Le Rav Hazan, l’un des fidèles de la synagogue, a également remarqué ce nouveau venu et, comme les autres, voulait savoir qui il était. Au fil des jours, tout ce qui a été découvert, c’est que son nom était Shalom Feigin.

Un jour, le Rav Hazan a eu l’occasion de parler à un autre fidèle de la synagogue, un érudit juif respecté, nommé Rav Sandlar. « Voulez-vous savoir qui est Shalom Feigin? », a demandé ce dernier au Rav Hazan, qui a bien sûr répondu par l’affirmative. « Eh bien, écoutez l’histoire qu’il m’a racontée lui-même il y a quelque temps. » Rav Sandlar a commencé à raconter une histoire que le Rav Hazan a vite réalisé qu’il connaissait bien, il la connaissait personnellement. Et voici ce qui s’est passé.

Tout a commencé quelques années auparavant. Pendant plusieurs années, le Rav Hazan a changé d’emploi car il n’était pas prêt à travailler dans un emploi qui violait le Chabbat.

Il était donc très heureux quand un jour, il a trouvé un emploi dans une grande usine de tissage. La raison de sa joie était qu’il avait réussi à conclure un accord avec le directeur de l’usine, un juif membre du Parti, nommé Sasha, pour être absent du travail les jours de Chabbat. En échange, le Rav Hazan s’était engagé à venir à l’usine chaque dimanche, le jour officiel de repos, pour rattraper le travail manqué.

Très vite, le Rav Hazan s’est révélé être un ouvrier diligent et dévoué. Une relation de confiance et d’appréciation s’est développée entre lui et le directeur de l’usine. Cette relation lui a permis d’obtenir des emplois pour d’autres Juifs, y compris ceux qui n’avaient pas les bons documents et licences, comme requis. Le directeur de l’usine les employait malgré les risques, uniquement grâce à la relation spéciale qu’il avait avec le Rav Hazan.

L’usine était située dans la ville de Kuntsevo près de Moscou. Entre l’usine et la maison du Rav Hazan (qui vivait alors à Kliazma) se trouvait un trajet de trois heures en train. Chaque vendredi à midi, il quittait l’usine pour rentrer chez lui. En hiver, le Chabbat commençait à Moscou et ses environs à trois heures et demie.

Un vendredi, Sasha l’a appelé dans son bureau et lui a clairement annoncé qu’il devrait rester jusqu’à la fin de la journée de travail. « Nous avons une inspection gouvernementale dans l’usine demain et nous n’avons pas encore atteint notre quota de production », a expliqué Sasha, « je ne peux me permettre de perdre un seul travailleur, surtout un travailleur aussi assidu que vous ».

Le Rav Hazan a poliment écouté Sasha. « Monsieur le directeur, je suis désolé, mais aujourd’hui aussi, je quitterai l’usine précisément à midi », a-t-il annoncé.

Le directeur de l’usine a eu du mal à accepter cette réponse rebelle. « Vous devez comprendre que si le quota n’est pas atteint à temps, et qu’en plus de cela, il s’avère que je vous ai autorisé à être absent les Chabbats, nous paierons tous les deux un lourd tribut ».

Le Rav Hazan n’a pas été convaincu par cet argument. « Avec tout le respect que je dois à votre quota de production et à l’inspection à venir », dit-il, « le Chabbat est infiniment précieux à mes yeux.

À ce stade, Sasha était réellement en colère. « Que ce soit clair pour toi, Aaron », dit-il d’un ton haut et ferme, « si tu quittes aujourd’hui à midi, tu perdras ton emploi ».

Le Rav Hazan n’a pas pris à la légère la menace du directeur. Dans ces jours de pauvreté et de grave pénurie, il n’était pas facile d’abandonner un emploi, surtout un emploi qui ne violait pas le Chabbat. « Il a violé un Chabbat pour observer de nombreux Chabbats », se dit-il. Néanmoins, malgré tout, il était déterminé à quitter l’usine précisément à midi. Et il l’a fait.

Le dimanche matin, comme à son habitude, le Rav Hazan quitta sa maison en direction de l’usine. À son arrivée, il rencontra uniquement le gardien à l’entrée. Ne sachant rien de la dispute animée du vendredi entre lui et le directeur, le gardien le laissa entrer, et le Rav Hazan commença à rattraper ce qui avait été omis à cause du Chabbat.

Le lundi matin, le Rav Hazan retourna à l’usine comme tous les autres employés. Entre lui et Sasha régnait une tension, et ils évitèrent de se parler. Sasha ne l’a pas licencié, mais à partir de ce moment, leur relation s’est assombrie.

Après un certain temps, Sasha a quitté l’usine et un nouveau directeur est arrivé. Les employés de l’usine ne savaient pas si Sasha, alors âgé de 70 ans, avait pris sa retraite ou si le parti l’avait placé dans un autre poste de direction.

Entre-temps, tout cela avait été oublié par le Rav Hazan. D’ailleurs, après un certain temps, lui aussi a quitté l’usine. Les voyages quotidiens entre sa maison et l’usine l’avaient épuisé. Il a trouvé une nouvelle source de revenus.

Des années ont passé. La barbe grise qui ornait maintenant le visage de Shalom Feigin a effacé toute ressemblance avec le directeur de l’usine, Sasha. Ainsi, le Rav Hazan n’a pas pu le reconnaître.

C’est ce que le Rav Sandler a raconté au Rav Hazan, au nom de Shalom Feigin, en présentant le juif obstiné qui refusait de violer le Chabbat, comme un homme anonyme. Pour un instant, il n’avait aucune idée qu’il s’agissait du Rav Hazan lui-même.

Voici la confession personnelle dramatique de Feigin aux oreilles du Rav Sandler. Il a dit : « Après avoir calmé ma colère contre l’ouvrier juif prêt à risquer à la fois sa propre sécurité et la mienne pour le Chabbat, une idée complètement opposée m’est venue à l’esprit. Soudain, j’ai réalisé qu’un jeune homme, père de famille, était prêt à renoncer à son gagne-pain et à risquer ainsi l’avenir de sa famille – tout cela pour ses principes ».

« Cette pensée m’a choqué profondément et a évoqué des souvenirs oubliés. J’ai repensé à mon enfance, chez mes parents. Aux moments heureux où je pouvais accompagner mon père à Loubavitch et rencontrer le Rabbi Rashab Rabbi Shalom-DovBer ».

« Cela a continué à me tourmenter, jusqu’à ce que je me dise un jour : ‘C’est assez. J’en ai assez de cette vie de mensonges et de tromperie. Il est temps de revenir à une vie authentique, une vie juive’. J’ai pris ma retraite et ai commencé à vivre en tant que juif. Petit à petit, ma foi s’est renouvelée et, avec l’aide de quelques bons juifs que je connais, je suis revenu à une vie de Torah et de commandements ».

Ce n’est qu’après que le Rav Sandler ait raconté toute l’histoire que le Rav Hazan lui a révélé l’identité du travailleur juif obstiné, prêt à renoncer à son emploi plutôt que de violer même un seul Chabbat.

Un incident embarrassant lors d’une cérémonie.

Étonnamment, sa persévérance obstinée à suivre la Torah, qui ne permet aucune compromission, tout en étant personnellement prêt à en faire preuve avec fierté, malgré les risques, est ce qui a conduit le Rav Hazan à quitter la Russie avec toute sa famille – contre toute attente.

« En 1974 », raconte le Rav Hazan, « nous avons décidé dans notre famille de demander l’autorisation de quitter l’Union soviétique. Nous savions dès le départ que les chances que notre demande soit approuvée étaient minces, mais nous avons tout de même essayé et espéré. J’ai soumis une demande au ‘Ovir’ (ministère soviétique de l’immigration) et après quelques mois d’attente, elle a été refusée. J’ai fait une deuxième demande, qui a également été refusée. Le même sort a été réservé à mes demandes suivantes.

Voyant que je n’obtiendrais pas l’autorisation de partir par les voies normales, j’ai décidé d’adopter une approche originale et audacieuse pour attirer une attention particulière sur moi et ma demande.

Dans un premier temps, j’ai demandé à inscrire mes trois enfants dans la seule yeshiva officielle qui avait été créée (après la mort de Staline) et qui opérait à Moscou. Le but de cette yeshiva était purement propagandiste. Officiellement, elle permettait aux Juifs de l’Union soviétique de vivre selon leurs convictions, mais en réalité, il y avait très peu d’étudiants dans la yeshiva et ceux qui y étaient étaient persécutés.

J’ai présenté cette demande au chef de la yeshiva, qui était légalement interdit d’accepter des étudiants de moins de dix-huit ans. Mes enfants avaient alors onze, quatorze et seize ans. Je me suis rendu au bureau du vice-ministre des Affaires religieuses et lui ai exposé ma demande. Il l’a bien sûr refusée immédiatement. Mais je n’ai pas abandonné et j’ai augmenté la pression en envoyant des lettres à toutes les parties concernées. Je savais que j’étais en conflit direct avec les autorités.

L’événement suivant a porté ce conflit à son comble. Au début de l’été 1975, je suis allé à la grande synagogue de Moscou et j’ai appris d’un bon ami que les responsables de la synagogue prévoyaient d’y organiser une célébration pour le 9 mai – le jour où les forces alliées ont vaincu l’Allemagne nazie. Les responsables souhaitaient montrer aux autorités que les Juifs religieux aussi participaient à cette célébration.

Mon ami a ajouté qu’il avait entendu dire que les responsables de la synagogue ne voulaient pas de jeunes Juifs à cette célébration car des membres de l’ambassade d’Israël et d’autres ambassades y seraient invités. Selon la version soviétique, la jeune génération juive avait complètement rompu avec la religion juive et n’y était pas du tout intéressée.

Par exemple, un article écrit par le rédacteur en chef, Aharon Vergelis, dans le magazine Yiddish « Einigkeit » (Unité), critiquait le lord Russell de Grande-Bretagne, qui accusait les autorités soviétiques de ne pas permettre aux Juifs de donner une éducation religieuse à leurs enfants. « Pourquoi vous souciez-vous, lord Russell, de défendre la religion juive ? Les jeunes juifs ne s’intéressent pas du tout à la religion juive », écrivait Vergelis.

En entendant cela, j’ai su que le moment était venu de sanctifier le nom de Dieu et de montrer à tous qu’il y avait en URSS des enfants éduqués selon la Torah. J’ai décidé d’amener mes enfants à la synagogue pour la célébration. Quand je suis rentré chez moi, j’en ai parlé à mes enfants et ils ont accueilli ma suggestion avec enthousiasme. J’ai également suggéré à mon neveu, Rav Israel Friedman, de venir avec ses enfants à la célébration prévue. Il avait dix enfants, tous élevés dans la Torah et le hassidisme. Il a accepté ma suggestion.

Nous sommes tous les deux venus avec nos enfants à la célébration. Sur la scène à côté de l’Arche Sainte, il y avait une place pour le Rav. L’autre côté de la scène était réservé aux invités, c’est-à-dire aux membres des ambassades et aux touristes juifs étrangers, afin qu’ils n’entrent pas en contact, Dieu nous en préserve, avec les fidèles. Mon neveu Rav Israel et moi sommes restés dans l’assemblée en bas, et nous avons dit à nos enfants de monter sur scène et de se tenir à côté du Rav. Nous avions apporté des livres de prières et nous les avons donnés à nos enfants. Nous leur avons dit que pendant les prières de Minha et Maariv, ils devraient prier à haute voix.

Une grande foule a rempli la synagogue jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de place. Tous les yeux étaient tournés vers l’estrade – où se trouvaient le Rav et les invités honorables, et c’est là que devait se tenir la cérémonie principale de la célébration. C’est alors qu’un spectacle inhabituel se dévoila aux yeux des spectateurs : des enfants et des adolescents âgés de huit à dix-sept ans se tenaient sur l’estrade avec des prières dans leurs mains.

En voyant cela, le responsable de la synagogue (qui servait également de messager pour le pouvoir en place) fut rempli de colère et tenta de faire descendre les enfants de l’estrade. Les enfants ne l’écoutèrent pas. Il ne pouvait pas user de trop de violence sous les yeux des ambassadeurs. Il s’est donc tourné vers le Rav et lui a demandé d’ordonner aux enfants de descendre. Ce dernier lui a répondu, mais les enfants ont également ignoré l’ordre du Rav. Le responsable a crié avec colère contre eux : « Que font ces juifs ici ?! Je vais les juger ! ». Les enfants sont restés malgré lui et sa colère, attirant l’attention de toute l’assemblée, qui n’aurait jamais imaginé qu’il y avait encore à Moscou des enfants et des adolescents attachés à la Torah d’Israël.

La célébration s’est terminée et nous en sommes sortis avec des sentiments mitigés. D’une part, nous étions heureux d’avoir pu montrer une fierté juive et ainsi sanctifier le nom divin. D’autre part, une inquiétude nous a laissés une marque concernant la réaction des autorités.

Celle-ci ne tarda pas à arriver. Peu de temps après la célébration, mon neveu, R’ Israël Friedman, reçut un permis de quitter l’Union soviétique. Environ neuf mois plus tard, nous avons également reçu l’autorisation de quitter le pays. Tous les signes indiquaient que nous étions tout simplement devenus indésirables aux yeux des autorités soviétiques et qu’elles préféraient se débarrasser de nous une fois pour toutes.

En 1976, le Rav Hazan est monté en Israël avec toute sa famille. Les valeurs d’éducation à la dévotion qu’il a assimilées en Union soviétique donnent et continuent de donner leurs beaux fruits à ce jour, parmi ses nombreux descendants – qui suivent tous le chemin de la Torah et de la Hassidout.

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