Le mariage du Rabbi et de la Rabbanite constitua, sans nul doute, un événement marquant dans l’histoire de Loubavitch. Organisé à Varsovie, il rassembla tous les ‘hassidim et les amis de la maison du Rabbi ainsi que les maîtres, les sages et les justes de la ville et, plus largement, de toute la Pologne.

 

A chassidisher Derher

Avec le recul, on n’a guère de difficultés à percevoir toute l’importance de l’événement. Mais, même alors, ce fut là un sentiment partagé par tous bien que nul n’ait pu envisager qu’ici se mettait en place l’avenir de Loubavitch et des actions qui, bien des années plus tard, allaient révolutionner le monde juif.

Cette dimension historique venait aussi d’un autre fait. L’année 5689-1928/29 fut une année de reconstruction de Loubavitch sous la direction du Rabbi Précédent, après toutes les tribulations vécues et tous les coups reçus, avec tous les Juifs d’URSS, de la Yevseksia, la section juive du parti communiste, acharnée à détruire l’héritage spirituel ancestral. Le Rabbi Précédent avait donc entrepris cette reconstruction, cette fois hors de Russie. Une des expressions les plus fortes de cette véritable renaissance était l’ouverture de la Yechiva Tom’hei Temimim à Varsovie et ce mariage renforçait encore le sentiment d’une joie et d’une liberté retrouvées. Du reste, c’est dans la cour de la Yechiva que le mariage proprement dit devait se dérouler.

Les «Tenaïm»

Les « Tenaïm » se déroulèrent à Riga la veille au soir du 6 Kislev 5689-1928. La fiancée, la Rabbanite ‘Haya Mouchka, se trouvant déjà à Varsovie pour préparer le mariage, son père, le Rabbi Précédent, lui fit savoir par une lettre datée de ce même 6 Kislev dans la journée que la cérémonie avait eu lieu:

« …Mazal Tov à toi, ma chère fille, Mazal Tov. Hier soir, nous avons fait les Tenaïm en un moment bon et propice en présence de quelques personnes seulement.
Que D.ieu béni soit-Il aide que cela soit avec Mazal dans tous les sens, matériellement et spirituellement, et que le mariage soit le jour fixé en un moment bon et de réussite avec beaucoup de bonheur et de satisfaction dans tous les détails, du bonheur en tout…»

La date et le lieu du mariage furent fixés seulement un mois environ avant la cérémonie, donc assez peu de temps auparavant.

La raison en était l’espoir que les parents du Rabbi, Rabbi Lévi Its’hak et la Rabbanite ‘Hanna, réussiraient à obtenir des autorités soviétiques la permission de sortir du territoire pour assister au mariage de leur fils. On avait donc attendu leur réponse avant toute décision définitive. C’est devant le refus absolu qui avait été opposé à cette demande que la date avait finalement été choisie.

Les ‘hassidim racontent que, dans la maison des Rabbis de Loubavitch, on avait l’habitude de poser trois conditions aux fiancés : ne pas dormir la nuit de jeudi à vendredi (la nuit précédant le Chabbat), ne pas dormir la nuit de Chabbat et ne pas avoir recours à des fausses dents. Pour le Rabbi, les deux premières conditions n’étaient pas une nouveauté, c’était ainsi que son père l’avait éduqué : étudier la Torah pendant ces nuits-là sans dormir.

L’invitation A l’approche du mariage, le Rabbi Précédent envoya plusieurs types de cartes d’invitation, différentes par leur forme comme par leur contenu.

Une invitation, formulée de façon spéciale, fut envoyée aux ‘hassidim qui se trouvaient encore en URSS. Ces derniers n’avaient aucune possibilité de sortir du territoire pour assister au mariage ni même d’envoyer un télégramme de Mazal Tov malgré toute leur volonté et leurs efforts.

A Riga, où demeurait le Rabbi Précédent, trois types d’invitation furent envoyés ; leur contenu était identique mais leur forme différait. Les ‘hassidim mariés reçurent une carte imprimée, les anciens élèves de la Yechiva Tom’hei Temimim en reçurent une imprimée à partir d’un texte manuscrit du Rabbi Précédent avec le nom du destinataire sur l’enveloppe tandis que les vieux ‘hassidim en reçurent une semblable mais le Rabbi Précédent y avait ajouté, de sa main, le nom du destinataire ainsi que sa signature.

La montée à la Torah La montée à la Torah du Rabbi avant son mariage eut lieu le 11 Kislev 5689-1928, le Chabbat Parachat Vayétsé. Rav Eliahou ‘Haïm Althoiz raconta, dans une lettre adressée à sa famille restée en Russie, tout ce qu’il lui fut donné de voir :

« La montée à la Torah a eu lieu dans la maison du Rabbi avec largesse et abondance ainsi qu’avec beaucoup d’ordre. Après la prière du matin, vers une heure, à l’étage inférieur, la Rabbanite Chterna Sarah (la femme du Rabbi Rachab, grand-mère de la fiancée) avait préparé un grand Kidouch chez elle pour tous les présents, environ dix Minyanim.

En tête de table, était assis le Rabbi (Précédent) avec le fiancé. Tous les présents étaient assis sur les côtés de la table dans un grand silence avec des verres de vin pleins. Et chacun bénit le Rabbi (Précédent) avec un grand amour du profond du cœur. A ce moment, chacun fut béni par le Rabbi (Précédent) en particulier, également du plus profond de son cœur pur…

Après le Kidouch qui dura environ une heure et demie, uniquement dans des chants du cœur et avec une joie profonde, on fit la prière de Min’ha et les présents, joyeux et contents, montèrent à l’étage pour le repas de Chabbat. Là, dans la maison du Rabbi (Précédent), il y avait une table mise pour tous les invités au repas, environ sept Minyanim…

Au milieu du repas, entre le poisson et la viande, le Rabbi (Précédent) dit un Maamar « Ve’hol Banaï’h… – tous tes enfants seront les disciples de D.ieu », un discours extraordinaire, compréhension intellectuelle et service de D.ieu et la grandeur de la sainteté des lettres de la Torah Ecrite comme elles sont… et c’est pour cela qu’on appelle le fiancé à la Torah le Chabbat avant son mariage…

Ce repas dans toute sa beauté devant le Rabbi (Précédent) et ses ‘hassidim dura jusqu’à une heure avancée de la nuit. Seule l’obligation de se préparer pour le voyage du dimanche suivant à Varsovie conduisit à terminer avant minuit…»

Lorsque le fiancé monta à la Torah ce Chabbat-là et qu’ensuite on le bénit d’un « Mi Chébéra’h », à la demande de son père, Rabbi Lévi Its’hak, exprimée dans une lettre, on utilisa la formule particulière suivante : « …pour le fait que son père et sa mère ont donné la charité pour lui et ont ordonné de le bénir etc. Amen.»

Le Chabbat terminé, le Rabbi Précédent envoya un télégramme à Varsovie pour qu’on prépare un repas spécial le soir précédant le mariage pour les étudiants de la Yechiva.

De Riga à Varsovie C’est le dimanche 12 Kislev à 13h que le Rabbi Précédent et son entourage quittèrent Riga, en Lettonie, pour Varsovie, en Pologne. Les journaux locaux ayant annoncé les horaires de départ et d’arrivée du Rabbi et de sa famille, c’est une foule très nombreuse qui se pressa à la gare de Riga pour le saluer à son départ. Dans le wagon où se trouvait le Rabbi Précédent voyageaient également le fiancé, la Rabbanite Chterna Sarah, le gendre du Rabbi Précédent – Rav Chmaryahou Gurary – avec sa femme et son fils, et la jeune fille du Rabbi – Cheina.

La femme du Rabbi et la fiancée les avaient précédés à Varsovie pour veiller aux préparatifs du mariage. Parmi les ‘hassidim qui vivaient à Riga, seul une dizaine put se rendre à Varsovie. A cette époque, même une « petite » frontière comme celle entre la Lettonie et la Pologne était difficile à franchir et plusieurs ‘hassidim se virent interdire son passage.

Le voyage déroula des instants d’émotion inoubliables à chacun de ses arrêts. C’est ainsi que, le train s’arrêtant à Dvinsk pour un court instant, une foule nombreuse y attendit le Rabbi. La frontière polonaise se trouvait à trois quarts d’heure de là, c’est à cet endroit que ceux qui n’avaient pas eu l’autorisation d’entrer en Pologne quit tèrent le train. Celui-ci continua ensuite jusqu’à Vilna où l’importance de la foule venue bénir les voyageurs et recevoir les bénédictions du Rabbi fut telle qu’elle laissa une marque sur chacun.

Le train entra en gare de Varsovie le lundi 13 Kislev à sept heures du matin. Des milliers de personnes – hommes, femmes, enfants – avec les étudiants de la Yechiva étaient venus accueillir le Rabbi Précédent.

La foule était si grande et si pressante que les ‘hassidim qui avaient voyagé dans ce train se trouvèrent dans l’impossibilité d’en sortir. Sur l’ordre du Rabbi Précédent, le fiancé vint trouver Rav Althoiz pour lui demander de l’aider à rejoindre son hôtel. Ensemble, ils parvinrent à fendre la foule en dissimulant l’identité du fiancé que tous recherchaient pour lui souhaiter Mazal Tov.

Comme il a été déjà dit, le père du fiancé, Rabbi Lévi Its’hak ne pouvait être présent au mariage mais il écrivit à son fils à plusieurs reprises. Dans une première lettre, après avoir souligné la grandeur du mois de Kislev, du chiffre 14 – date du mariage – et de la Paracha lue cette semaine-là et en bénissant son fils, sa fiancée et le foyer qu’ils allaient fonder, il dit:

« …Donc mon fils, précieux au profond de mon cœur et de mon âme, je te donne ma bénédiction, la bénédiction d’un Juif en tous cas, qui sort de la vérité de mon cœur. N’aie pas de souci que nous, ton père et ta mère, ne soyons pas avec toi matériellement à ton mariage. Nous sommes avec toi dans notre cœur et notre âme. Aucun éloignement ne peut nous séparer. Nous sommes avec toi, ensemble vraiment. Et nous donnons notre bénédiction à toi et à la fiancée dont D.ieu t’a béni… Réjouissez-vous donc le jour de votre mariage pour un Mazal Tov, en une heure bonne et propice éternellement. Vos parents, ton père et ta mère, qui te sont attachés dans leur âme vraiment, verront tout cela et ils se réjouiront avec vous ici dans cette grande fête et dans cette grande joie…»

Puis, dans une nouvelle lettre, Rabbi Lévi Its’hak lui transmit des directives:

« …Le jour du mariage, trempe-toi au Mikvé avec attention et, tout de suite après le milieu de la journée, étudie le chapitre 25 du Tanya avec une très grande concentration (pas en approfondissant, seulement avec concentration etc.). Immédiatement après cela, fais la prière de Min’ha avec Al ‘Hèth avec la grande concentration nécessaire et celui qui pleure davantage en ce jeûne considéré comme Yom Kippour, c’est mieux.

Sous la ‘Houpa, mets un Kitel neuf sur le vêtement, un Sirtouk en soie… et, tout de suite après la ‘Houpa, si tu le désires, tu pourras mettre un autre vêtement. Te tenant sous la ‘Houpa, pense constamment à la crainte de D.ieu… et que tu aies des enfants qui craignent D.ieu, une génération de justes qui sera bénie, de ta fiancée dont D.ieu t’a béni. …Après le mariage, fais toutes les prières (ainsi que les bénédictions du matin) avec un Gartel.»

La journée du mariage

Avant la cérémonie Rav Eliahou ‘Haïm Althoiz, qui accompagnait le Rabbi en ce jour du mariage jusqu’au moment de la cérémonie, raconte comment il perçut ce dont il fut témoin en ces instants :

« …Le mardi, jour du mariage, le matin avant la prière, nous sommes allés au Mikvé. Après la prière, il étudie et je mange. Quand l’heure de la prière de l’après-midi arrive, le fiancé se lève pour faire le dernier Min’ha avant le mariage et dire ses fautes devant Celui Qui connaît tous les secrets, le grand Vidouï, avec une grande concentration et un épanchement de l’âme dans le silence. Cette vision et cette image bouleversantes et effrayantes, il n’y a personne que moi et lui, très, très loin l’un de l’autre, aussi loin que l’est de l’ouest, car ses pensées ne sont pas mes pensées…

Et je me suis dit dans mon cœur que je dois louer et remercier D.ieu pour ce que mes yeux voient.

Le passé et le présent me suffisent, devant moi se tient Mendel fils de Levik, connu de tous comme né et éduqué dans la pureté, la sainteté et que la crainte de D.ieu est sur lui tout le jour et, comme en ce jour, seule la crainte de D.ieu est son trésor.

J’ai recherché dans ses actes, à l’intérieur et àl’extérieur. Grâce à D.ieu, je n’ai trouvé aucune tache ni faille. Il est entier dans tous les degrés de son âme, il a son étude dans la main avec les actes de ses pères craignant D.ieu… »

Dans le même sens, Rav Leïb Raskin, qui habitait Varsovie à cette époque, retraça le déroulement de cette journée dans une lettre à son frère. Il souligne :
« L’homme qui accompagnait le Rabbi en cette journée raconta qu’il avait essayé d’observer constamment ses comportements, son attention extraordinaire portée à l’accomplissement de chaque Mitsva. Mais lui se ‘dissimulait’ de telle sorte qu’il ne laissa apparaître presque rien de ‘nouveau’. Pourtant, quand il observa la prière de Min’ha du Rabbi – qu’il fit seul à l’hôtel – et en particulier la prière de Al ‘Hèt, il eut la certitude que le fiancé ne pourrait pas se cacher des ‘hassidim… Ils verraient tout de suite que c’était un homme au-dessus du commun. »

Rav Eliahou ‘Haïm Althoiz continue son récit :
« Après avoir terminé de prier, il se retourna du mur vers moi. J’ai regardé son visage blanc comme de la chaux et son corps faible du fait du jeûne et de l’immense effort spirituel de la journée. J’ai éprouvé beaucoup de miséricorde pour lui et je lui ai demandé d’aller se reposer un peu. Mais il ne m’a rien répondu car, toute la journée, il ne m’avait pas dit ne serait-ce qu’un mot profane… Il ouvrit le livre Réchit ‘Ho’hma et se mit à étudier. »

Puis le téléphone sonna et on fit savoir que le moment était venu de se préparer. Le Rabbi alla s’habiller pour le mariage et, quelques instants plus tard, le premier gendre du Rabbi Précédent, Rav Chmaryahou Gurary, et son oncle, Rav Moché Orenstein, vinrent le chercher.

La Ketouva ne fut pas rédigée juste avant la cérémonie mais alors qu’il faisait encore jour.

La Kabbalat Panim

Devant la porte de la cour de la Yechiva, des policiers montaient la garde, chargés de filtrer les entrées. Seuls le pouvaient ceux qui étaient en possession d’une carte spéciale portant le tampon de la Yechiva.

La salle de la Yechiva était comble. On pouvait remarquer la présence de nombreux Rabbis ‘hassidiques, de Rabbanim et d’érudits de grand renom ainsi que de tous les responsables et les notables communautaires. Des correspondants de tous les journaux juifs, très lus à l’époque, étaient là pour rendre compte de l’événement.

C’est à six heures que le Rabbi Précédent fit son entrée, accompagné des Rabbis de Radzin, de Zlotpolna et de Novominsk ainsi que du Rav Zemba, du Rav de Pieterkov etc.

Un silence absolu si fit dans la salle. Ils s’installèrent derrière une table sur laquelle étaient disposées des bougies, une ‘Halla et une tarte mais, conformément à la tradition, personne n’y toucha. La nombreuse assistance chantait.

Subitement, le visage du Rabbi Précédent changea, devenant d’une blancheur totale tandis que de ses yeux, des étincelles de lumière semblaient s’échapper. Il prononça alors les mots suivants :
« On sait que, au moment de la joie d’un mariage, les âmes des ancêtres viennent du monde de vérité. Jusqu’à trois générations en arrière, c’est pour tous les Juifs et il y en a certains pour qui bien plus viennent ; il y a ici des degrés différents. En tant qu’invitation aux âmes des Justes, nos saints ancêtres et Rabbis qui vont venir au mariage et vont bénir le couple, on dira maintenant un discours ‘hassidique dont une partie est de l’Admour Hazakène, une partie de l’Admour Haèmtsaï, une partie du père de mon grand-père, une partie de mon grand-père, l’arrière-grand-père de la fiancée, une partie de l’arrière arrière-grand-père du fiancé, une partie de mon père, le grand-père de la fiancée. Celui qui dit ce qu’il a entendu au nom de son auteur le verra comme s’il se tenait devantlui. »

Puis le Rabbi Précédent prononça le discours ‘hassidique introduit par la phrase « Lé’ha Dodi Likrat Kala » qui dura environ une demi-heure.

En 5713-1953, le Rabbi souligna qu’il convient que, « dans tout mariage Loubavitch, de ceux qui y sont attachés et ont un rapport etc., avant la ‘Houpa, on répète le discours ‘hassidique ‘Lé’ha Dodi’ où se trouve une partie de tous nos Rabbis, nos maîtres. »

Recouvrir le visage de la fiancée

Après le discours ‘hassidique, tous se levèrent et le fiancé, avec ses accompagnateurs, se dirigèrent vers la seconde salle où, entourée de toutes les femmes, la fiancée attendait.
En chemin, le Rabbi Précédent entra avec le fiancé dans une petite pièce, non loin du lieu où se tenait la fiancée. Il lui mit personnellement le Kitel qui avait été fait à partir d’une chemise du Rabbi Rachab ainsi que le Gartel de soie qu’il lui avait préparé. Avant de l’en ceindre, il lui dit :
« En réalité, j’aurais voulu dire la bénédiction ‘Qui ceint Israël de force’ mais, puisque je l’ai déjà dite aujourd’hui, je ne vais pas la répéter. » Puis il mit le Gartel au Rabbi et lui déclara : « Je t’attache à moi dans ce monde et dans l’autre. » Ensuite il lui donna la bénédiction d’un père à son enfant quand celui-ci va se marier. Tous les Rabbis qui étaient présents furent également invités par le Rabbi Précédent à venir bénir le fiancé. Ils se conformèrent à sa demande. Après toutes ces bénédictions, le fiancé et ses accompagnateurs entrèrent dans la salle de la fiancée et le Rabbi lui recouvrit le visage.

La ‘Houpa Les accompagnateurs – le Rabbi Précédent et Rav Moché Orenstein – conduisirent alors le Rabbi sous la ‘Houpa tandis que, comme le veut la coutume, s’élevait le Nigoun de l’Admour Hazakène appelé « chant en quatre mouvements. » Laissant le fiancé sous la ‘Houpa, ils allèrent ensuite chercher la fiancée qui arriva accompagnée par sa mère et la femme de Rav Orenstein. Tous ensemble, avec la grand-mère de la fiancée, ils firent les sept tours traditionnels autour du fiancé.

C’est le Rabbi Précédent lui-même qui procéda au mariage et qui fit ensuite les sept bénédictions dans leur intégralité. Il les dit d’une voix forte mais en même temps si douce et si pleine d’une intense concentration, où s’entendait l’union absolue avec D.ieu, que cela émut profondément tous les présents. L’anneau qui fut utilisé pour le mariage était en or et le Rabbi Précédent avait veillé à ce qu’il soit parfaitement lisse, au point qu’il avait même demandé qu’on efface le poinçon qui s’y trouvait.

Après que les mariés aient goûté du verre sur lequel les bénédictions avaient été dites, on donna à une autre personne le soin de le finir et c’est ce même verre que le marié cassa sous la ‘Houpa.

Un grand tumulte éclata alors tant les souhaits de Mazal Tov qui montaient de la foule étaient nombreux. Puis la musique s’éleva et des danses enthousiastes commencèrent devant les jeunes mariés…

La pièce prévue pour l’isolement des jeunes mariés se trouvait dans une des chambres de la Yechiva tandis que la ‘Houpa avait été organisée dans la cour, à ciel ouvert.

Sur le seuil de cette pièce, une cuillère en argent avait été posée. L’ordre fut donné de ne pas la piétiner mais uniquement de l’enjamber. Bien que cette pièce soit dénommée « pièce d’isolement », les parents entrèrent également puis, sur les indications du Rabbi Précédent, ils en sortirent l’un après l’autre. Le Rabbi Précédent lui-même servit aux jeunes mariés un verre de thé à chacun pour casser le jeûne dans lequel ils se trouvaient puis il quitta la pièce à son tour.

Le banquet

Pendant ce temps, la foule qui avait assisté à la ‘Houpa se rendit à la salle où le banquet du mariage avait été préparé. Le Rabbi, les parents, les proches arrivèrent environ une heure plus tard. A son arrivée, le Rabbi Précédent demanda qu’on installe un siège pour son père, le Rabbi Rachab. Puis il fit le tour des nombreuses tables, distribuant à chacun un peu de Lé’haïm et donnant sa bénédiction. Lorsqu’il parvint à l’endroit où avaient été installés les élèves de la Yechiva, il ordonna au surveillant, Rav El’hanan Sim’hovitch, de distribuer à chaque élève du Lé’haïm. Il s’adressa alors directement à eux :
« Temimim ! …L’accomplissement de la Torah vient par l’effort, l’étude de la Torah vient par l’effort… Etudiez la Torah avec effort, également son aspect révélé. De même étudiez les enseignements ‘hassidiques et pas que cela reste de la compréhension intellectuelle seulement mais que cela se traduise concrètement… Alors je vous bénis que vous soyez sauvés dans tout ce qui vous est nécessaire et que vous ayez de longs jours et de longues années etc.»

Puis le Rabbi Précédent dansa avec les responsables de la Yechiva. Un peu plus tard, il s’assit et commença à dire le discours ‘hassidique introduit par la phrase « Acher Bara Sasson Vésim’ha » qu’il interrompit au milieu pour danser avec les Rabbis polonais présents, faisant une ronde à la manière polonaise.

Quand les différents Rabbis se rassirent pour se reposer, le Rabbi Précédent prit son gendre et dansa avec lui à la manière russe, la main sur l’épaule. Les Rabbis polonais partirent alors et le Rabbi Précédent s’assit, entouré par les ‘hassidim qui chantèrent pendant une demi-heure. Puis il continua le discours ‘hassidique interrompu. Il n’avait pas encore fini quand arriva dans la salle le Rabbi de Mamchinov. Le Rabbi Précédent s’interrompit encore pour l’accueillir puis, s’excusant, il poursuivit et conclut le discours.

Tout cela se termina vers minuit, c’est seulement après que les invités allèrent se laver les mains pour le repas.

Au milieu du repas, le Rabbi Précédent dit à un des étudiants de la Yechiva de distribuer de sa part, à chacun des convives, un cadeau-souvenir particulier. Celui-ci était constitué d’une photocopie d’une lettre manuscrite de l’Admour Hazakène et de quelques mots de la main du Rabbi Précédent où il expliquait en particulier qu’il offrait cette lettre à l’occasion du mariage de sa fille.

Nombreux furent les Rabbanim, les érudits et les maîtres du temps qui participèrent à la joie de ce mariage. Le Rabbi lui-même en parla à quelques reprises plus tard. C’est ainsi qu’il cita Rav Méir Shapira, le Rav de Lublin, qui lui offrit son livre « Or Haméir », indiquant que son beau-père l’aimait beaucoup et qu’il avait parlé de Torah avec lui. Le ‘hassid, Rav Chmouel Zalmanov, alors jeune étudiant à la Yéchiva, participa au mariage. Il raconte à ce sujet :

« J’ai eu le mérite de prendre part à la joie du mariage et, plus encore, j’ai eu le mérite d’être chargé de la responsabilité de la table d’honneur où étaient assis le jeune marié, son beau-père le Rabbi (Précédent) et, à leurs côtés, les Rabbis et les Rabbanim importants de Varsovie en ce temps-là.

En tant que jeune étudiant, il n’était pas poli que je reste prés de la table. Mais, dans mes fonctions de responsable, je m’en suis approché plusieurs fois et j’ai pu voir comment le Rabbi (Précédent) a suggéré au célèbre érudit, Rav Méir Shapira, le Rav de Lublin, de parler de Torah avec le jeune marié. Rav Shapira s’est donc adressé au Rabbi et lui a dit : « Alors, dis
quelque chose.»

Entretemps je me suis écarté de la table par politesse mais j’ai continué à regarder de loin ce qui se passait. Et j’ai vu comment, pendant une grande heure, le Rabbi a parlé à Rav Shapira. Le Rabbi parlait tranquillement et, tout ce temps, Rav Shapira écoutait avec attention…

A la fin, Rav Shapira s’est retourné vers le Rabbi (Précédent) et lui a dit : « Rabbi de Loubavitch, vous avez pris un jeune marié qui est un géant. »

Ensuite, Rav Shapira demanda encore au Rabbi de continuer et de lui faire entendre des nouvelles paroles de Torah. Mais le Rabbi refusa avec délicatesse en disant : « Jusqu’à présent, j’avais reçu un ordre et je l’exécutais mais, si je continue, ce sera de ma propre initiative…»

Le lendemain du mariage, j’avais été désigné pour accompagner le jeune marié et j’étais donc à l’hôtel où demeurait le Rabbi. J’ai été témoin de la visite de Rav Shapira qui vint apporter son livre « Or Haméir » en cadeau au Rabbi. Il demanda encore une fois à discuter avec le Rabbi et celui-ci ne refusa pas. Ils allèrent dans une pièce à part et y restèrent plusieurs heures. Quand Rav Shapira sortit, il n’essaya même pas de dissimuler son émerveillement… »

Le mariage se poursuivit dans la plus grande joie. Les ‘hassidim chantèrent beaucoup, accompagnés par l’orchestre et le banquet continua jusqu’à sept heures du matin, au milieu des chants et des danses. Le Birkat Hamazon fut dit à haute voix par le Rabbi de Sokolov qui l’introduisit par « Avec l’autorisation de notre maître, notre guide et notre Rabbi » en référence au Rabbi Précédent.

Pendant ce temps, les parents du Rabbi, qui n’avaient pas pu quitter Yekatrinoslav, firent une fête en l’honneur du mariage et, malgré la distance, y participèrent de toute leur âme avec tous les Juifs présents auprès d’eux, le père encourageant son fils par delà les kilomètres et les frontières :

« Ne te fais pas de souci que nous, ton père et ta mère, ne sommes pas avec toi à l’endroit matériel de ton mariage. Nous sommes avec toi dans notre cœur et notre âme. Aucun éloignement de l’espace ne peut séparer en cela. Nous sommes vraiment avec toi…»