Rabbi Israël Baal Chem Tov ‘se perdit’ un jour sur l’infini bleu de la mer quand il entreprit avec sa fille Odèle et son Sofer Rabbi Tsvi un voyage en Terre sainte. Ils ‘échouèrent’ un beau jour sur une île déserte et là-bas il se passa une chose étrange. Le Baal Chem Tov perdit la mémoire. En un clin d’œil il oublia toute la Torah qu’il connaissait. Il ne savait plus rien, pas un seul verset, pas une seule Michnah. Le Baal Chem Tov réagit en demandant à son élève Rabbi Tsvi de lui réapprendre l’Aleph-Beïth. Ainsi, assis tous les deux sur le sable de l’ile, les deux hommes étudièrent. Rabbi Tsvi enseigna une par une toutes les lettres de la langue sainte à son maître. Le Baal Chem Tov réapprit ainsi chacune des lettres et à la fin de leur étude la mémoire lui revint, avec peut-être encore plus de force.

Cette histoire n’est pas sans nous rappeler un enseignement rapporté dans le traité Nida. Il est écrit qu’avant sa naissance, Hachem enseigne toute la Torah à l’enfant dans le ventre de sa mère. Cependant, lorsque celui-ci vient au monde un ange le touche sur le haut des lèvres afin qu’il oublie tout ce que D.ieu lui a enseigné. Dans ce cas pourquoi lui avoir enseigné toute la Torah si finalement un ange lui fait tout oublier ?

En réalité l’enfant n’oublie pas tout ce qu’il a appris car il garde une trace de toute la Torah que l’Eternel lui a enseigné. De fait, sans cette marque indélébile l’enfant ne pourrait pas par la suite apprendre et retenir le moindre enseignement. L’Eternel a gravé dans l’âme de chaque juif, avant même que celui-ci ne vienne au monde Sa Parole bénie. L’Aleph, le Beïth, et toutes les autres lettres restent éternellement vivantes dans son âme.

Dans notre Paracha, nous lirons avec l’aide d’Hachem les 10 Commandements, lesquels commencent par le mot Ano’hi qui lui-même commence par la lettre Aleph. Cela s’accorde avec l’enseignement du Rabbi sur la raison pour laquelle chaque enfant juif commence son étude de la Torah par l’étude de l’Aleph car de manière profonde cette lettre représente l’Essence d’Hachem. Aleph contient donc en elle-même toute l’essence de la Torah, et lorsqu’il apprend la lettre Aleph chaque enfant juif éveille le lien qui unit son âme au Saint béni soit-Il.

Nous pouvons dés-lors comprendre la raison pour laquelle le Baal Chem Tov demanda à son Sofer de lui réapprendre l’Aleph-Beïth’ quand il oublia toute la Torah. Il lui fallait en fait réveiller le lien profond et immutable qui le lie à D.ieu. Il n’est donc pas étonnant que le Rabbi insiste sur la présence des enfants lors de la lecture des 10 Commandements que nous récitons le jour du Chabbat Vaèt’hanan. D’une certaine manière cela vient nous rappeler le moment pendant lequel l’enfant se trouve dans le ventre de sa mère et apprend chaque lettre de la Torah de la bouche du Saint béni soit-Il. Ce moment qui précède la naissance correspond à la formation de l’âme divine, à la création du lien qui unit chaque enfant d’Israël à son Père qui est dans le ciel.

Le Rabbi enseigne qu’Aleph est composée par deux Youde, un Youde qui est en-haut et un Youde qui est en-bas, ainsi un axe qui relie les deux. Le Youde supérieur symbolise le Saint béni soit-Il, car Il est au-dessus de toutes les limites. Le Youde inférieur symbolise l’enfant d’Israël, car un juif ne s’unit à Hachem que lorsqu’il est ‘en-bas’, c’est-à-dire quand il ressent de l’humilité et qu’il est totalement soumis à Hachem.

Plus encore, d’après les enseignements du Rabbi Rachab, le Youde supérieur représente l’Essence de l’âme enracinée dans l’Essence divine (l’âme qui est ‘en-haut’) et le Youde inférieur représente l’âme qui s’habille dans le corps (l’âme qui est ‘en-bas’). Quant à l’axe qui relie les deux, il symbolise la Téfilah, du fait que c’est par la Prière qu’un Juif parvient à atteindre l’Essence de son âme, à dévoiler le lien qui l’unit à son Père Qui est dans le ciel.

Lorsque l’Eternel dit à Avraham ‘Lè’h-Lé’ha !’, Il ordonna à Avraham de quitter sa terre natale pour se rendre sur ‘la Terre qu’Il lui montrerait’. Le Rabbi précédent a expliqué que de manière profonde ‘Lèh-Léha !’ signifie ‘Va vers l’Essence de ton âme !’. Or, du fait que l’Essence de l’âme Juive est enracinée dans l’Essence divine il est possible de dire (sous la forme d’un ‘Hidouch) que ‘Lè’h-Lé’ha !’ signifie ‘Viens vers Moi !’ car chaque Juif ‘fait Un avec D.ieu’, et dans ce cas aller vers le plus haut niveau de soi-même c’est aller vers D.ieu, plus précisément vers ‘l’endroit’ ou l’âme de l’homme est enracinée dans L’Essence divine. Le Rabbi définit l’endroit de cette fusion comme l’étincelle du Machia’h qui se trouve en chacun d’entre-nous.

L’union de l’âme Juive avec D.ieu est aussi au centre du Dvar Mal’hout sur la Paracha Vaèthanan. Le Rabbi reprend le principe selon lequel un dévoilement atteint la perfection lorsqu’il unit la limite à l’illimité, c’est-à-dire lorsque la lumière divine s’unit à la lumière qui provient du travail de l’homme.

A ce sujet le Rabbi explique la raison pour laquelle les 10 Commandements sont dits à deux reprises dans la Torah. Une première fois dans la Paracha Yitro, et une seconde fois dans la Paracha Vaèt’hanan.
La Paracha Yitro met en valeur le fait que le monde et tout ce qu’il contient se soumirent totalement à la Lumière divine qui fut dévoilée au Mont-Sinaï, ainsi qu’il est écrit : ‘il y eut du tonnerre et des éclairs et une nuée lourde sur la montagne, et le son du Choffar était très fort, tout le peuple trembla’ (Yitro, 19, 16).
Face au dévoilement divin l’homme s’annule, se tient en retrait, ainsi qu’il est dit (Yitro, 20, 15) : ‘Le peuple vit et ils tremblèrent et se tinrent debout, de loin’.

A l’opposé, la Paracha Vaèt’hanan exprime que le but de tout dévoilement divin consiste à ce que l’homme parvienne à intérioriser de manière profonde la Parole divine, ainsi qu’il est dit (Yitro, 20, 19) :’Vous avez vu que ce sont des cieux que Je vous ai parlé’.

Aussi, le Rabbi nous enseigne que la répétition des ’10 Commandements’ (la première fois dans la Paracha Yitro, et la seconde, dans la Paracha Vaèt’hanan) représente l’union de ces deux niveaux.

Le premier niveau, de la Paracha Yitro, correspond au dévoilement de la Lumière qui vient de D.ieu, ‘d’En-haut’, à l’exemple du Youde supérieur du ‘Aleph’ ; et le niveau de la Paracha Vaèt’hanan correspond au dévoilement de la lumière qui provient du travail de l’homme, ‘d’En-bas’, à l’exemple du Youde inférieur du ‘Aleph’. Ce travail consiste à intégrer la Parole de D.ieu de manière profonde dans ses pensées ses paroles et ses actions.

C’est précisément l’union de ces deux Lumières qui représente l’aboutissement de notre service divin, car selon le Rabbi cette union est liée au dévoilement de l’Essence divine. Le Rabbi souligne donc que le chiffre 2, comme ces ‘deux Lumières’, ne représente pas seulement la répétition d’une chose car il exprime en réalité ‘la multiplication d’une chose à l’infini’.

C’est la raison pour laquelle le Rabbi explique que la Haftarah que nous lisons ce Chabbat intitulée ‘Na’hamou Na’hamou’ n’exprime pas seulement le fait que L’Eternel consolera Ses enfants lors de la Délivrance finale. De fait, la répétition du mot ‘Na’hamou’ exprime le caractère infini des évènements qui auront lieu dans les Temps messianiques. La reconstruction du troisième Temple et le dévoilement de l’Essence de la Torah : ‘Une Torah nouvelle sortira de Moi’, par l’intermédiaire du Machia’h.

Il est écrit (Mikets, 41, 32) : ‘Quant à la répétition du rêve à Pharaon par deux fois, c’est que la chose est prête par D.ieu, et que D.ieu se hâtera de l’accomplir’.
Rachi explique, au sujet de ce verset, que ‘si le rêve s’est répété deux fois, c’est que l’évènement est imminent’, et ‘ce que D.ieu prépare (‘les sept bonnes années’) Il le montre à Pharaon’.

Ici encore, la répétition (le chiffre 2) signifie que la chose est vraie, qu’elle est sur le point d’être accomplie par D.ieu. Or, la ‘Hassidout définit la Vérité en mettant l’accent sur le fait qu’elle ne connaît pas d’interruption, qu’elle ne s’interrompt jamais. Ainsi, il apparaît à l’évidence que la signification profonde de ‘la répétition du rêve à Pharaon par deux fois’ s’accorde à l’enseignement du Rabbi selon lequel le chiffre ‘2 ‘est une évocation de l’infini, car la Vérité n’a pas de fin.

Il est écrit (Yitro, 19, 16) : ‘il y eut du tonnerre et des éclairs et une nuée lourde sur la montagne’.
A la lumière des enseignements du Rabbi ‘la montagne’ est une allusion à la réalité physique et matérielle de ce monde, et le fait qu’elle soit recouverte d’une épaisse ‘nuée’ exprime l’idée de la réalité qui s’efface face au dévoilement de la Parole divine (imagée par la masse du nuage). Le son du Choffar qui ‘va en grandissant’ accentue cette idée, car en fait, qu’il s’agisse de la vision ‘du tonnerre et des éclairs’, ou d’entendre ‘le son du Choffar qui était très fort’, tous nos sens étaient alors soumis au dévoilement divin au point que nous percevions plus comme auparavant le monde physique car celui-ci était devenu imperceptible. L’apparence de la réalité s’était estompée pour ne laisser apparaître que ce qu’elle dissimule à l’intérieur d’elle-même, c’est-à-dire la Parole divine qui la crée et la vivifie à chaque instant. Cela s’exprime par le fait qu’il est dit (Yitro, 20, 15) : ‘Ils tremblèrent et se tinrent debout, de loin’.

Cependant la possibilité nous est donnée d’assister au dévoilement de D.ieu sans ‘se tenir debout, de loin’ et c’est précisément par notre attachement au Rabbi que l’on y parvient, ainsi qu’il est dit (Yitro, 19, 17) : ‘Moché fit sortir le peuple à la rencontre de D.ieu’.

Les enfants d’Israël demandèrent à Moché d’être leur intermédiaire, ainsi qu’il est dit (Vaèt’hanan, 5, 21-24) : ‘Aujourd’hui nous avons vu que D.ieu parle à l’homme et celui-ci peut vivre, tout ce que dira l’Eternel notre D.ieu à toi, nous écouterons et nous ferons’. Un Juif peut entendre la Parole de D.ieu et vivre.

Dans le Dvar Mal’hout de la Paracha Dévarim le Rabbi enseigne que lorsque les trois semaines d’affliction commencent par un Chabbat le jour du 17 Tamouz, et se terminent par un Chabbat le jour du 9 Av, alors il brille Durant ces trois semaines les 3 Mo’hin (‘Ho’hmah, Binah, Daat). Par ailleurs, durant le Chabbat ‘Hazon du 9 Av chaque Juif a une vision du Beït-Ha-Mikdache, il voit le Temple ‘de loin’. Enfin, le Rabbi nous enseigne qu’après le Chabbat ‘Hazon du 9 Av viennent les 7 Chabbat de consolation, lesquels correspondent aux sept Midots (‘Hessed Gvurah Tiférèth Nétsa’h Hod Yessod).

A la lumière de cet enseignement du Rabbi, il est possible de dire que la vision du Temple, du fait qu’elle soit une vision ‘de loin’, est un dévoilement ‘d’En-haut’ (conformément au niveau de la Paracha Yitro), et les 7 semaines qui suivent cette vision correspondent à un travail ‘d’En-bas’ (conformément au niveau de la Paracha Vaèt’hanan). De fait, la perfection est réalisée par l’union de ces deux niveaux, et dans ce cas, durant la période des 7 semaines, un Juif fera tout ce qui est en son pouvoir pour s’attacher aux enseignements du Rabbi et les mettre en pratique de manière concrète afin que sa vision du Temple ne soit plus ‘de loin’, mais que celle-ci pénètre dans son cœur, de manière profonde, pour finir par se cristalliser par un acte qui aura pour effet de provoquer les dévoilements infinis de la Délivrance finale, très bientôt et de nos jours avec l’aide de D.ieu.