(Discours du Rabbi, à l’issue du Chabbat Parchat Béréchit et du Chabbat Parchat Noa’h 5738-1977)

Traduit par le rav ‘Haim Mellul

 

Les maîtres de ‘Habad, en chaque génération, ont respecté un usage qu’il convient de définir et dont on doit comprendre la signification. En effet, à l’issue du Chabbat Parchat Béréchit, qui conclut le mois de Tichri, ils proclamaient, avec enthousiasme : « Et, Yaakov avança sur son chemin », une phrase qui est une partie d’un verset de la Torah, figurant dans le livre de Béréchit(1).

Cette déclaration est, en quelque sorte, la synthèse finale des événements moraux, riches en contenu, qui ont jalonné ce mois de Tichri, tout au long duquel les enfants d’Israël ont reçu des bénédictions spirituelles d’une grande richesse, une large influence morale leur permettant d’atteindre la grandeur d’esprit et la satiété morale.

Quelle est donc la signification de cette déclaration ? Quel est son contenu profond ? Quelle incidence concrète peut avoir l’expression : « et, Yaakov avança sur son chemin » ? On le comprendra en rappelant un enseignement de la Loi écrite : « en toutes tes voies, connais-Le »(2) et un autre de la Loi orale : « toutes tes actions seront pour le Nom de D.ieu »(3).

Il est souligné qu’il s’agit bien, en l’occurrence, de : « tes voies » et « tes actions », pas nécessairement de celles qui sont directement liées au service de D.ieu, comme l’étude de la Torah, la prière et la pratique des Mitsvot.

Ces enseignements soulignent qu’un Juif se consacrant à ce qui ne sont, en apparence, que ses « voies » à lui, ses « actions » à lui, dans les domaines matériels, celui qui mange, boit, gagne sa vie, par exemple, doit aussi le faire pour le Nom de D.ieu. Bien plus, ces « voies » doivent lui permettre de connaître D.ieu et de Le servir(4).

Il y a bien là une idée nouvelle(5), qui est précisément ce qui définit un Juif, à chaque instant de la journée, pendant tous les six jours de la semaine. En effet, celui-ci ne sert pas D.ieu uniquement quand il étudie la Torah ou bien quand il prie. Il le fait, tout autant, en mangeant, en buvant, en dormant et en gagnant sa vie.

De fait, telle est bien la mission essentielle d’un Juif, pour laquelle son âme divine a été envoyée dans son corps. Il doit mettre en évidence la Divinité également dans les domaines profanes et matériels, leur apporter l’élévation et les affiner.

Le comportement juif ne se limite pas au domaine restreint de la synagogue et de la maison d’étude, ni au temps restreint du Chabbat, des fêtes, des moments de prière et d’étude. Il doit pénétrer les jours et les domaines profanes. C’est précisément là qu’il est nécessaire de mettre ces Injonctions en pratique : « toutes tes actions seront pour le Nom de D.ieu » et, bien plus : « en toutes tes voies, connais-Le ».

Telle est donc la signification de cette déclaration : « et, Yaakov avança sur son chemin », faite à l’issue du mois de Tichri, quand on s’apprête à vivre les jours profanes du mois de ‘Hechvan(6). Pendant le mois de Tichri, un Juif baigne dans l’élévation morale des grandes fêtes. Il est alors en contact direct avec la sainteté, comme s’il ne quittait pas l’enceinte de la synagogue et de la maison d’étude.

Puis, quand arrive le mois de ‘Hechvan, il réintègre, pour ainsi dire, le monde profane, celui de l’action. Il avance alors sur son propre chemin et c’est pour cette raison qu’on lui annonce : « et, Yaakov avança sur son chemin ».

On souligne à un Juif, par ces mots, qu’il existe un chemin qui lui est propre, celui du Judaïsme le plus pur, pénétrant la vie profane et l’action concrète de la Lumière de la sainteté et de la Divinité. Ainsi, Yaakov va de l’avant et, pour cela, il emprunte une voie qui lui est spécifique, qui le distingue de tout son entourage, des nations qu’il côtoie, y compris en ses voies et en ses accomplissements matériels.

Yaakov avance donc sur son chemin, muni de cette grande richesse morale qu’il a accumulée tout au long du mois de Tichri, durant ce mois de la satiété. Dès ce mois de ‘Hechvan, il se sert de cette richesse pour sanctifier son existence quotidienne, avec ses réalisations matérielles et parfois même grossières.

Il convient donc de méditer à la signification profonde de ces quelques mots : « et, Yaakov avança sur son chemin », qui mentionne bien : « Yaakov » et non : « Israël », terme qui représente, pourtant, une plus haute élévation morale et cette proclamation évoque un avancement, car c’est précisément de cette façon que l’on peut aller de l’avant, d’une prouesse vers l’autre. De fait, ce « chemin » présente également de nombreuses autres significations(7).

En tout état de cause, cette proclamation, « et, Yaakov avance sur son chemin », s’applique parfaitement aux jours de ce mois de ‘Hechvan, puis à toute l’année qui lui fait suite. Elle est un appel à avancer, à progresser, y compris dans les domaines de l’action profane(8), selon la voie spécifique et profonde de la Tradition d’Israël et de notre père Yaakov, avec l’impulsion profonde et l’héritage qu’il légua à sa descendance, jusqu’à la fin des jours.

Conformément à la bénédiction de notre père Yaakov, la réussite est assurée à quiconque emprunte cette voie. Elle se manifestera en tout ce qui le concerne, à la fois spirituellement et matériellement, en sa manière de gagner sa vie, en sa santé et lui permettra d’avoir une vie agréable, emplie d’un contenu digne de ce nom, procurant la satisfaction, à chaque jour, à chaque heure et à chaque instant.

 


Notes

(1) Béréchit 32, 2.
(2) Michlé 3, 6.
(3) Pirkeï Avot, chapitre 2, Michna 12.
(4) De cette façon, elles deviennent des actes du service de D.ieu, à part entière, au même titre que la prière ou l’étude de la Torah.
(5) Le fait que le service de D.ieu ne soit pas limité aux actes qui lui sont directement liés.
(6) Le seul mois de l’année qui ne compte pas une seule fête.
(7) Qui sont développées par les textes de la ‘Hassidout.
(8) Pour en faire des actes du service de D.ieu, comme on l’a expliqué au préalable.