À qui le Rabbi a-t-il demandé de protester lorsqu’il a été décidé d’enrôler les étudiants des Yéchivot ? Comment le Rabbi a-t-il annulé le décret de conscription aux États-Unis ? Quand le Rabbi a-t-il averti qu’un étudiant qui quitte la Yéchiva est un « déserteur » et met en danger la sécurité? Qu’a répondu le Rabbi à un étudiant de Yéchiva qui voulait s’enrôler? Quand a-t-on demandé au Rabbi si les Hassidim de Habad s’enrôlaient dans Tsahal? Et que faut-il répondre à la question « Pourquoi les étudiants de Yéchiva ne vont-ils pas à l’armée? » ?

Il y a un jugement clair selon lequel il ne faut pas enrôler les étudiants de Yéchiva dans l’armée – leurs études protège.

Il semble que depuis la création de l’État, l’une des questions les plus brûlantes dans les relations entre religion et État a été la conscription des étudiants des Yéchivot dans l’armée. Et comme sur toute question et sujet public, l’opinion du Rabbi était claire, nette et sans compromis. Alors que les militaires ont reçu du Rabbi une attitude chaleureuse et bienveillante, en particulier le rabbinat militaire, sur la question des étudiants des Yéchivot et de leur statut constitutionnel inattaquable, les choses étaient tranchées et claires : il ne faut rien céder sur ce sujet.

La position claire et tranchée du Rabbi concernant la régulation du statut des étudiants de Yéchiva apparaît déjà dans une lettre où le Rabbi a été interrogé au 1er Eloul 5721 :

« En réponse à votre lettre du 25 Menahem Av, demandant si un étudiant de Yéchiva en Terre d’Israël est obligé de s’enrôler dans l’armée – je m’étonne que vous en doutiez et que vous deviez le demander de loin, alors qu’est connu et même publié le jugement clair des rabbins d’Israël, évidemment fondé sur notre Torah, Torah de vie, que les étudiants de Yéchiva ne doivent pas être enrôlés dans l’armée. Car leur étude de la Torah protège et sauve. Il est donc clair qu’il faut faire tout son possible pour qu’ils ne soient pas dérangés dans leur étude et service de Dieu. »

Le Rabbi demande de protester contre un tract visant les étudiants de Yéchiva

Au lendemain de la guerre des Six Jours, Israël se trouvait dans une situation ambivalente. D’une part, la victoire éclair de Tsahal face aux armées arabes avait suscité un immense élan de sympathie et de fierté nationale envers les forces armées. Mais d’autre part, certains milieux profitèrent de cette conjoncture pour remettre en cause l’exemption de service militaire dont bénéficiaient traditionnellement les étudiants des yeshivot.

C’est dans ce contexte tendu qu’un tract fut publié par le mouvement de jeunesse sioniste-religieux Bnei Akiva. Ce dernier y appelait ouvertement à l’enrôlement des étudiants de yeshiva dans l’armée, au nom de l’égalité devant l’effort de défense nationale. Cette prise de position tranchée allait à rebours de la ligne défendue par les autorités rabbiniques orthodoxes, le Rabbi de Loubavitch en tête, qui considéraient l’étude de la Torah comme un engagement prioritaire et intangible pour les jeunes des yeshivot.

Le tract du Bnei Akiva jeta ainsi une lumière crue sur les profondes divergences qui traversaient le monde religieux israélien sur cette question épineuse. Il illustrait la fracture béante entre une frange sioniste, prête à une intégration pleine et entière de la jeunesse orthodoxe dans l’armée, et les tenants d’une ligne plus conservatrice, arc-boutés sur la défense du régime dérogatoire accordé aux yeshivot.

C’est justement durant cette période troublée que le Gaon Rabbi Tzvi Neriah, éminent Rosh Yeshiva de ‘Kfar Haroeh’, se rendit chez le Rabbi de Loubavitch pour une visite de haute importance. Cette rencontre historique eut lieu dans la nuit du lundi 2 Kislev 5728, soit le 4 décembre 1967.

Au cours de cette yehidut (entretien privé), le Rabbi aborda avec son invité un vaste éventail de sujets, notamment la situation de sa propre yeshiva. Mais il souleva également, de son propre chef, la question épineuse du tract diffusé par le mouvement Bnei Akiva, qui appelait les étudiants des yeshivot à rejoindre les rangs de Tsahal.

Le Rabbi exprima sans détour son profond mécontentement face à cette initiative et exhorta Rabbi Neriah à trouver un moyen de s’élever publiquement contre ce texte polémique. L’éminent Rosh Yeshiva tint toutefois à préciser que le tract incriminé n’engageait nullement la direction nationale du Bnei Akiva, dont il était lui-même l’une des figures tutélaires, mais relevait de la seule initiative d’un individu isolé qui lui était totalement inconnu.

Cette conversation capitale, rapportée par Rabbi Tzvi Neriah en personne et fidèlement consignée par écrit par Rabbi David Druckman à l’issue de l’entretien (Bisod Siach p.256), illustre de manière saisissante la volonté inflexible du Rabbi de préserver coûte que coûte le régime d’exemption accordé aux étudiants de yeshiva. Elle révèle également sa capacité à se saisir des dossiers les plus brûlants de l’actualité pour faire entendre la voix de la Torah, par-delà les clivages politiques et les pressions de l’opinion.

Renforcer ceux qui étudient la Torah et les yeshivot aide la sécurité d’Israël

« …Avant tout, du point de vue de la confiance dans le Maître du monde qui « ne dort ni ne sommeille, le Gardien d’Israël » – il faut s’efforcer de renforcer l’étude de la Torah et l’observance des mitsvot. Cela doit être la première priorité. Renforcer les sujets de Torah aide aussi à la sécurité des enfants d’Israël au sens simple, car un jeune homme qui étudie la Torah protège le pays encore plus que celui qui se tient à la frontière et met sa vie en danger… En tout cas, puisque les deux ont un mérite, il est clair que ceux qui en ont la responsabilité doivent veiller avant tout à la sécurité des enfants d’Israël qui habitent en Terre d’Israël, d’une part en apportant une aide appropriée aux yeshivot, et d’autre part en prenant les décisions appropriées en matière de sécurité. » (Torat Menahem Hitvaaduyot 5743, vol.2 p.646)

Le Rabbi livre une réflexion lumineuse sur les véritables fondements de la sécurité d’Israël. Selon lui, la clé ultime de la protection divine réside avant tout dans une confiance inébranlable en D.ieu, ce « Gardien d’Israël qui ne dort ni ne sommeille ».

Fort de cette conviction spirituelle, le Rabbi appelle de ses vœux à placer l’étude de la Torah et l’observance scrupuleuse des mitsvot au sommet des priorités nationales. Il affirme sans détour que le renforcement de la vie juive, dans toutes ses dimensions, constitue la meilleure garantie pour la sécurité du pays. Car, dit-il, « un jeune homme qui étudie la Torah protège le pays encore plus que celui qui se tient à la frontière et met sa vie en danger ».

Cette déclaration audacieuse, qui peut surprendre au premier abord, ne vise nullement à minimiser le courage et le dévouement exemplaires des soldats qui risquent quotidiennement leur vie pour défendre la patrie. Le Rabbi prend d’ailleurs soin de souligner que « les deux ont un mérite ». Mais il entend rappeler avec force que la sécurité véritable d’Israël ne se joue pas uniquement sur le plan militaire, stratégique ou diplomatique.

Aussi lance-t-il un vibrant appel aux décideurs et aux responsables politiques pour qu’ils veillent en priorité absolue à la sécurité spirituelle du peuple juif en Terre Sainte. Cela passe, selon lui, par une aide matérielle conséquente aux yeshivot, véritables boucliers spirituels du pays, mais aussi par des décisions politiques courageuses, toujours conformes aux impératifs éternels de la Torah.

Celui qui quitte la Yéchiva n’aide pas à la victoire mais est un « déserteur » qui ouvre le front devant l’ennemi

Deux mois avant la visite de Rabbi Moshe Tzvi Neriah, le Rabbi a prononcé un discours percutant où il a longuement expliqué le mérite des étudiants de Yéchiva et de l’étude de la Torah qui est un élément décisif dans la victoire d’Israël sur ses ennemis.

« Exactement comme un « déserteur » est celui qui fuit le front si on l’y a placé, de même un « déserteur » est celui qui est assis à la Yéchiva où son rôle est d’étudier la Torah jour et nuit, car c’est grâce au mérite de la Torah qu’on est sauvé, c’est grâce à l’étude de la Torah que « Yoav remporte la victoire à l’armée », et s’il ferme le Talmud et s’enfuit parce qu’il veut montrer que lui aussi combat et mérite des décorations etc., alors non seulement il n’aide pas à la victoire, au contraire, il déserte son poste et ouvre le front devant l’ennemi ! »

Le Rabbi de Loubavitch établit un parallèle saisissant entre le soldat qui déserte le champ de bataille et l’étudiant de yeshiva qui délaisse la Torah pour rejoindre l’armée. Avec une formule choc, il affirme sans ambages que « de même qu’un déserteur est celui qui fuit le front si on l’y a placé, de même un déserteur est celui qui est assis à la yeshiva où son rôle est d’étudier la Torah jour et nuit ».

Le Rabbi rappelle ainsi avec force que l’étude assidue de la Torah n’est pas un passe-temps ou une option facultative, mais bien une mission sacrée et un devoir imprescriptible pour les jeunes des yeshivot. Car, souligne-t-il, « c’est grâce au mérite de la Torah qu’on est sauvé, c’est grâce à l’étude de la Torah que Yoav remporte la victoire à l’armée ».

En d’autres termes, le véritable combat pour la survie d’Israël se joue d’abord sur le front spirituel, à travers l’engagement total des étudiants dans l’étude de la parole divine. Selon le Rabbi, c’est cet investissement sans faille dans la Torah qui garantit la protection céleste et la victoire finale sur les ennemis d’Israël.

À l’inverse, l’étudiant qui « ferme le Talmud et s’enfuit parce qu’il veut montrer que lui aussi combat et mérite des décorations » commet une terrible erreur. Non seulement il n’apporte aucune aide concrète à la victoire, mais pire encore, « il déserte son poste et ouvre le front devant l’ennemi ».

Par cette analogie audacieuse, le Rabbi entend démontrer que l’étude de la Torah n’est en rien une forme de désertion ou d’esquive face au devoir national. Bien au contraire, elle constitue le plus précieux service que les étudiants de yeshiva puissent rendre à leur peuple et à leur pays. Car en se consacrant corps et âme à la parole divine, ils attirent sur Israël un flot de bénédictions célestes et repoussent les forces du mal.

C’est pourquoi le Rabbi exhorte les étudiants à résister à la tentation de troquer leur place à la yeshiva contre un uniforme militaire. Car leur véritable bravoure, leur plus grand acte de patriotisme, c’est de persévérer sans relâche dans l’étude de la Torah, seul bouclier efficace pour défendre la nation d’Israël contre tous ses ennemis, visibles et invisibles.

L’exemption pour les étudiants de Yéchiva avec l’accord du fondateur de Tsahal

Dans une lettre du Rabbi (traduite de l’anglais) à un juif de Californie datée du 26 Iyar 5740, à propos de la question de savoir si les Hassidim de Habad servent dans Tsahal, le Rabbi a pris la peine de lui expliquer la signification de l’exemption de conscription pour les étudiants de Yéchiva :

« Permettez-moi de mentionner quelques exemples en relation avec vos questions. Vous demandez pourquoi les Hassidim de Habad ne servent pas dans Tsahal ? – Bien sûr, vous avez des informations erronées, car beaucoup d’entre eux servent effectivement dans Tsahal, et beaucoup ont atteint des grades élevés dans les forces de défense dans un rôle actif ; et pas seulement dans le rabbinat militaire, comme vous le pensiez. Concernant ceux qui servent dans le rabbinat militaire, il est clair que c’est là qu’ils contribuent le plus à Tsahal et à la sécurité du pays, car maintenir le moral des forces de défense au plus haut niveau est d’une importance primordiale ».

« Puisque nous abordons ce sujet, permettez-moi de mentionner un autre point, bien que vous ne vous y référiez pas explicitement, à savoir l’exemption des étudiants de Yéchiva du service militaire. Comme vous le savez peut-être, cette exemption a été reconnue et approuvée par le fondateur de Tsahal, feu David Ben Gourion. Elle est basée sur le fait qu’un étudiant de Yéchiva peut accomplir davantage pour la sécurité du pays en poursuivant son étude de la Torah plutôt que par un rôle militaire. Quiconque connaît la section Behukotai, sans avoir besoin d’être savant, peut le constater clairement. » (Moreh LeDor Navoukh, vol. 3, p. 4)

Ceux qui étudient la Torah n’ont pas le droit d’aller à la guerre et c’est ainsi qu’ils amèneront la victoire

« Certains prétendent : que signifie que celui-ci reste assis à étudier la Torah ? Qu’il aille à l’armée, cela ajoutera un soldat de plus, et c’est justement ainsi qu’on parviendra à la victoire ! – Cet argument est comme s’ils prétendaient envers le roi David qu’il aurait dû aller au front au lieu d’étudier la Torah – cela aurait ajouté un soldat… David savait que son rôle était d’étudier la Torah et c’est ainsi qu’il a amené la délivrance et la victoire ! »
(Torat Menahem Hitvaaduyot 5728, vol.1, p.160)

« C’est comme s’ils prétendaient qu’un commandant assis seul dans une pièce à planifier les tactiques de guerre devrait tout abandonner pour aller se battre au front, car cela ajouterait un soldat de plus. Il est pourtant clair qu’une telle chose pourrait détruire toute l’armée ; il en va de même dans notre cas : ceux qui sont assis à étudier la Torah en permanence n’ont pas le droit de négliger leur étude pour partir à la guerre, mais doivent absolument rester assis à étudier la Torah, et c’est justement ainsi qu’ils amèneront la victoire ».
(Sihot Kodesh 5732, vol.1, p.258)

L’étude assidue de la Torah renforce la protection de ceux qui défendent physiquement

« De même que le but de l’armée est de défendre les Juifs, de même ceux qui étudient la Torah sont l’armée spirituelle qui défend aussi concrètement au sens littéral… Au point que c’est une décision effective, qu’un Juif dont la Torah est le métier ne doit pas être enrôlé dans l’armée pour défendre les Juifs, et au contraire, quand on le retire de l’étude de la Torah, cela nuit à la défense. Et en ajoutant à son étude assidue de la Torah, cela renforce la protection de ceux qui défendent physiquement au sens littéral ; car il doit y avoir un revêtement dans les habits de la nature, puisque la volonté de D.ieu est que pendant l’exil il y ait un revêtement dans les habits de la nature ».
(Sihot Kodesh 5737, vol.1, p.182)

L’étude de la Torah cause la réussite de ceux qui sont à la guerre

À l’époque de l’opération du Sinaï, un étudiant de Yéchiva voulait s’enrôler pour aider dans la situation de guerre et a demandé au Rabbi quoi faire. Le Rabbi lui a répondu : « Tu étudies sûrement assidûment tant le Talmud que la ‘Hassidout, et tu influences aussi tes amis en ce sens, cela convient particulièrement au début de ta lettre concernant la situation actuelle (opération du Sinaï), et comme on sait les paroles de nos Sages sur le verset (Samuel II 8:15) que l’étude de la Torah par ceux qui sont à l’intérieur cause la réussite de ceux qui sont à la guerre, en particulier l’étude de la Torah de la ‘Hassidout, Torah de vie où il n’y a pas etc. du côté du mal ».
(Igrot Kodesh vol.14 p.161)