Dans les plis du temps ancestral, une histoire se révèle, issue de la Paracha de notre peuple. Les Explorateurs, ces agents du doute, ont jadis porté un regard sombre sur la Terre d’Israël.

« Cette terre est celle qui dévore ses enfants », ont-ils murmuré, « et le peuple que nous y avons aperçu est d’une stature colossale. Les Nefilim, ces enfants d’Anak, y règnent, faisant de nous, simples mortels, de pâles sauterelles dans leur regard. » Ces paroles, inscrites dans le sillage du temps, résonnent encore dans le verset treize du chapitre Chela’h.

Au cœur de ces mots se dessinent les Nefilim, ces géants de l’ancienne époque. Enfants des princes et des juges, selon certaines interprétations, ou bien envoyés divins selon d’autres, ils étaient connus pour leur stature imposante et leur grandeur. Mais derrière ce grand nom se cache une autre vérité. Le terme « Nefilim » en hébreu signifie « ceux qui sont tombés », allusion à leur chute de la grandeur et à la chute qu’ils ont infligée à l’humanité.

Et la question se pose, au cœur de l’encre et du parchemin : pourquoi ces Explorateurs mentionnent-ils à nouveau ces géants? Ils décrivent déjà une terre peuplée d’ennemis puissants, de cités fortifiées, et de descendants d’Anak, le géant. Cependant, dans leur deuxième discours, ils ajoutent une information cruciale, transformant la nature de ces géants. Ces Nefilim ne sont plus seulement des géants de chair et d’os, mais des êtres d’un genre différent, descendants des anges tombés du ciel.

Calev, lui, tente de faire taire le tumulte, de réconforter le peuple en rappelant les miracles accomplis par Moché. « Montons, prenons possession de cette terre, car nous serons vainqueurs », clame-t-il. Pourtant, ces paroles sont balayées par le vent du doute, car ces hommes voient dans ces géants des adversaires plus puissants qu’eux, plus puissants même que Dieu, si l’on ose prononcer de telles paroles.

Ces anges révoltés, ceux qui ont osé défier la volonté divine, étaient liés à la génération d’Enoch. Dans cette époque, les hommes rendaient un culte idolâtre, élevant les mortels au rang de dieux. Ces anges tombés du ciel, descendants des Nefilim, furent épargnés du déluge qui a éradiqué toute existence, une preuve supplémentaire de leur puissance colossale. Même une punition divine n’a pu les atteindre.

Ces Nefilim, nommés Chem’hazaï et ‘Azael, portent des noms qui évoquent destruction et férocité. Ils sont liés à l’histoire des Explorateurs, à leur préférence pour une vie d’isolement dans le désert, consacrée uniquement au service divin, à l’écart des tracas matériels. C’est là que réside leur erreur, cette croyance erronée que la matérialité et la spiritualité sont intrinsèquement opposées, qu’une vie dévouée à Dieu ne peut pas coexister avec les obligations matérielles.

Ces Explorateurs, dans leur rapport terrifiant, ont évoqué la présence des Nefilim, non par hasard, mais en raison du précédent que ces êtres divins déchus avaient établi. En dépit de leurs nobles intentions initiales lors de leur descente sur terre, ces Nefilim n’avaient pas réussi à maîtriser la matérialité de ce monde, causant leur chute. C’est ce même sort que les Explorateurs redoutaient pour eux-mêmes s’ils venaient à entrer en Terre d’Israël.

Cependant, Yehochoua et Calev ont répliqué avec force et foi. « Si l’Éternel nous désire, Il nous fera entrer dans ce pays et nous le livrera! … Ne craignez pas le peuple de ce pays, car ils seront notre pâture… » Proclame-t-ils. Contrairement aux anges déchus, les enfants d’Israël ont une place spéciale dans le cœur de Dieu. L’âme juive, étant une « partie du D.ieu suprême, littéralement », possède une puissance qui surpasse celle des anges. Elle a le pouvoir de relier les contraires, le matériel et le spirituel, la matière et l’esprit.

Ainsi, les enfants d’Israël n’ont pas à craindre le « peuple de ce pays ». Au contraire, « ils seront notre pâture », car ils ont le pouvoir non seulement de survivre dans ce monde, mais aussi de le transformer, de le raffiner, d’en faire une demeure digne de Dieu. Les enfants d’Israël ne sont pas des anges tombés, mais des serviteurs ascendants, déterminés à unir le matériel et le spirituel en une harmonie divine.

Ce récit, avec ses nuances de crainte et d’espérance, de doute et de foi, est en fait plus qu’une histoire d’explorateurs et de géants. C’est une histoire de l’humanité et de sa quête de l’équilibre entre le matériel et le spirituel, la terre et le ciel.

Au fond de nous, il se trouve un explorateur, une âme qui a été envoyée dans le désert de ce monde pour y chercher une Terre Promise. Mais en chemin, nous sommes confrontés à des défis qui peuvent sembler aussi insurmontables que des géants.

Nous avons tous nos propres « Nefilim » : des obstacles qui semblent trop grands pour être surmontés, des problèmes qui paraissent démesurés, des craintes qui nous rabaissent à la taille d’insectes. Les Nefilim peuvent être des problèmes matériels, des luttes spirituelles, des doutes personnels ou des peurs collectives. Ils sont les géants qui nous font douter de notre capacité à conquérir notre Terre Promise.

Comme les Explorateurs, nous pouvons être tentés de céder à la peur, de croire que ces géants sont trop grands pour nous. Nous pouvons être tentés de penser que notre mission est impossible, que notre Terre Promise est hors de portée. Mais nous devons nous rappeler les paroles de Yehochoua et Calev. Nous devons nous rappeler que nous sommes désirés par l’Éternel, que nous avons en nous la puissance de Dieu pour relever tous les défis.

Nous sommes plus que des explorateurs. Nous sommes plus que des conquérants. Nous sommes des âmes divines envoyées dans ce monde pour le transformer, pour en faire une demeure digne de Dieu. Nous sommes des âmes juives, dotées de la capacité de relier le matériel et le spirituel, la matière et l’esprit. Nous sommes appelés à être les maîtres de ce monde, non par la domination, mais par la transformation, en raffinant la terre et en faisant d’elle une demeure pour Dieu.

Alors, ne craignons pas les géants de notre vie. Ne permettons pas à la peur de nous réduire à la taille de sauterelles. Souvenons-nous que nous avons la puissance de Dieu en nous. Souvenons-nous que nous sommes désirés par l’Éternel. Et avec cette conviction, marchons avec courage vers notre Terre Promise.