Dans l’histoire récente du judaïsme français, certaines figures se distinguent par leur impact extraordinaire sur leurs communautés. Parmi elles, le Rav ‘Haïm Morde’haï Pevzner, affectueusement connu sous le nom de Mottel, occupe une place toute particulière. Son parcours, marqué par le miracle dès son plus jeune âge et couronné par seize années de service dévoué à Perpignan, incarne l’essence même de la mission ‘hassidique : apporter la lumière du judaïsme là où elle est le plus nécessaire.
Dans la pittoresque ville de Perpignan, au cœur du sud-ouest de la France, une communauté juive modeste a eu le privilège de bénéficier pendant 16 ans de la présence extraordinaire de Rav ‘Haïm Morde’haï Pevzner. Connu affectueusement sous le nom de Mottel, cet homme remarquable a transformé la vie spirituelle de cette région, laissant un héritage qui continue d’inspirer bien au-delà des frontières de sa communauté.
Une enfance marquée par le miracle
Né en 1980 à Paris, Mottel était le fils de Rav Yossef Yits’hak et Rivka Pevzner, émissaires dévoués du Rabbi de Loubavitch. Sa vie fut marquée dès son plus jeune âge par un événement qui allait façonner son destin. À seulement trois ans, le jeune Mottel contracta une méningite grave qui le plongea dans le coma pendant deux semaines. Face au pronostic pessimiste des médecins, qui conseillaient même aux parents de ne pas prier pour sa guérison en raison des séquelles potentiellement invalidantes, la famille se tourna vers le Rabbi de Loubavitch.
Le Rabbi, dans sa sagesse, accorda sa bénédiction et demanda qu’on imprime le livre du Tanya dans l’immeuble où résidait la famille Pevzner. Ce qui suivit fut décrit par beaucoup comme un miracle : non seulement Mottel se réveilla, mais en quelques jours, il était capable de réciter par cœur des versets de la Torah. Bien que cette épreuve lui laissa une claudication permanente, elle forgea en lui une résilience et une foi inébranlables qui allaient caractériser toute sa vie.
Un parcours d’érudition inspirant
Dès son plus jeune âge, Mottel manifesta un amour profond pour l’étude de la Torah. Son père, Rav Yossef Yits’hak, directeur de la Cité de l’Éducation Sinaï, raconte : « Il chérissait l’étude de la Torah comme peu d’autres. Même enfant, il passait des heures plongé dans les textes sacrés. »
Son parcours académique le conduisit dans les prestigieuses Yechivot de Brunoy, Brooklyn et Melbourne. Dans chacune de ces institutions, Mottel laissa une empreinte indélébile. À Melbourne, malgré la barrière de la langue – il ne parlait alors que le français et le yiddish – il devint rapidement un mentor pour de nombreux étudiants australiens anglophones, les inspirant par sa foi simple et son humour contagieux.
Sa soif de connaissance ne se limitait pas à la salle d’étude. Mottel publiait fréquemment des articles dans divers fascicules de Yechivot et annotait méticuleusement les ouvrages de sa vaste bibliothèque personnelle, témoignant d’une érudition rare pour son âge.
Un mariage et un appel au service
En 2004, Mottel unit sa vie à celle de Ra’hel Itkin, issue d’une famille d’émissaires Loubavitch d’Hamilton, Ontario. Ce mariage marqua non seulement l’union de deux âmes, mais aussi le début d’une nouvelle aventure. Alors que ses problèmes de santé auraient pu justifier un emploi confortable à Paris, le couple choisit courageusement de partir en Chli’hout (mission) dans la petite ville de Perpignan.
Un Chalia’h hors du commun à Perpignan
Dès son arrivée à Perpignan, Rav Morde’haï Pevzner se distingua par son sourire radieux et son enthousiasme contagieux. Il avait un don particulier pour découvrir des Juifs dans les coins les plus reculés de la campagne française, souvent des personnes qui se croyaient seules de leur foi dans leur région.
Son approche était unique : il refusait catégoriquement de s’engager dans des querelles politiques locales. Au contraire, il endossait fréquemment le rôle de médiateur dans les conflits communautaires. Sa méthode de résolution de conflit était empreinte d’amour et de compassion, se concluant invariablement par sa phrase devenue célèbre : « Quoi que vous pensiez de moi, je vous aime ! »
Un dévouement sans limites
Les anecdotes sur le dévouement extraordinaire de Rav Morde’haï Pevzner sont nombreuses et touchantes. Une fois, il donna toutes les matsot qu’il possédait à de parfaits étrangers qui passaient Pessa’h dans un hôtel voisin. On le voyait souvent sortir en pleine nuit, bravant les intempéries et sa propre fatigue, pour visiter, nourrir et réconforter ceux qui en avaient besoin.
Son épouse, Ra’hel, raconte une histoire particulièrement émouvante : peu avant son décès, alors qu’il souffrait terriblement, Mottel reçut l’appel d’un Juif hospitalisé qui demandait de la nourriture. Sans hésiter, il se déplaça sous la pluie pour lui apporter de quoi manger, pour découvrir que l’homme était en bien meilleure santé que lui. Cet acte de bonté pure laissa l’homme abasourdi, lui qui avait en vain contacté plusieurs organisations de bienfaisance et services sociaux.
Face à l’adversité : une foi inébranlable
Il y a six ans, une tumeur fut découverte dans sa colonne vertébrale. Trois ans plus tard, elle se métastasa agressivement, paralysant le bas de son corps. Face à cette épreuve, Mottel fit preuve d’un courage extraordinaire. Il décida, selon ses propres mots, de « cracher sur l’Ange de la Mort » en intensifiant encore ses actions pour sa communauté et sa famille.
Même confiné à une chaise roulante motorisée, il continuait à parcourir des kilomètres pour rencontrer des Juifs et partager avec eux la beauté de leur héritage. Aucune distance ne le dissuadait, aucune personne n’était insignifiante à ses yeux.
Un père dévoué et un ami fidèle
Malgré son engagement intense envers sa communauté, Rav Morde’haï Pevzner était un père aimant et attentif. Son père témoigne : « Il se dévouait pour ses enfants et, même dans ses moments les plus difficiles, veillait à réserver des moments pour étudier avec chacun d’entre eux. » Les sept enfants Pevzner, dont la plus jeune n’a que deux ans, étaient éduqués à la maison, les plus grands suivant leurs études via le système international Shluchim Online School.
Sa mémoire prodigieuse et son amour du prochain se manifestaient aussi dans sa capacité à se souvenir des anniversaires de ses amis et des dates de décès des parents de ses connaissances. Il était toujours le premier à envoyer ses pensées affectueuses, renforçant ainsi les liens au sein de sa communauté élargie.
Les derniers jours : un héritage assuré
Conscient que sa fin approchait, Rav Morde’haï Pevzner fit preuve d’une lucidité et d’un dévouement remarquables. Il exprima le souhait d’être enterré dans sa ville d’adoption, Perpignan, plutôt qu’à Jérusalem avec les autres membres de sa famille, y compris son jeune frère bien-aimé Schnéour Zalman, décédé en 2015 à l’âge de 22 ans.
Plus important encore, il s’assura de la continuité de son œuvre en trouvant un successeur. Le vendredi précédant son décès, il finalisa l’arrivée de Rav Chmouël Bensoussan et son épouse, qui devinrent le second couple d’émissaires Loubavitch dans la ville.
Un adieu émouvant
Rav ‘Haïm Morde’haï Pevzner s’éteignit le mardi matin, veille de Yom Kippour 5783 (2022). Conformément à ses vœux, il fut enterré le jour même à Perpignan, entouré d’une foule nombreuse venue lui rendre un dernier hommage. Chaque personne présente réalisait qu’elle avait perdu bien plus qu’un rabbin – elle avait perdu son meilleur ami.
Un héritage d’amour et de service
L’héritage de Rav Morde’haï Pevzner perdure à travers sa femme, ses enfants, et tous ceux dont il a touché la vie. Son exemple de foi inébranlable face à l’adversité, son amour inconditionnel pour chaque être humain, et son dévouement sans faille à sa communauté continuent d’inspirer bien au-delà des frontières de Perpignan.
Comme le résume si bien son père : « Il était toujours joyeux et mettait tout en œuvre pour que les autres le soient aussi ». Cette phrase capture l’essence même de la vie extraordinaire de Rav Mottel Pevzner – une vie consacrée à apporter la lumière, la joie et la spiritualité à tous ceux qu’il rencontrait.
La petite communauté juive de Perpignan, et bien au-delà, se souviendra longtemps de cet homme exceptionnel qui a transformé chaque défi en opportunité de croissance spirituelle et chaque rencontre en occasion d’exprimer l’amour divin. L’histoire de Rav ‘Haïm Morde’haï Pevzner restera un témoignage inspirant de ce qu’une vie de dévouement et de foi peut accomplir, même face aux plus grands défis.