Deux cents adolescents de communautés juives à travers l’Europe ont célébré leur Bar-Mitsvah lors d’une cérémonie historique à la grotte de Sédécias à Jérusalem, organisée par le Centre des Rabbins d’Europe. Pour beaucoup, qui n’avaient jamais eu l’occasion de marquer ce rite de passage, ce voyage en Israël représente une réponse forte à l’antisémitisme croissant et un moment décisif de connexion avec leur héritage juif.
Dans un lieu chargé d’histoire millénaire, caché sous les rues de la Vieille Ville de Jérusalem, s’est déroulée une célébration exceptionnelle qui restera gravée dans la mémoire de 200 jeunes juifs européens. La grotte de Sédécias, également connue sous le nom de « carrière de Salomon », a servi de cadre majestueux à cette cérémonie collective de Bar-Mitsvah organisée par le Centre des Rabbins d’Europe.
Un lieu symbolique au cœur de Jérusalem
Nichée sous le Quartier musulman de la Vieille Ville, cette immense caverne artificielle de 20 000 m² représente bien plus qu’une simple grotte. C’est de cette carrière monumentale que fut extraite la pierre de Jérusalem, ce calcaire doré qui a servi à la construction de la ville sainte à travers les âges. La tradition associe ce lieu au roi Sédécias, dernier souverain du royaume de Juda avant la destruction du Premier Temple, qui aurait tenté d’y fuir lors de la conquête babylonienne.
Choisir cet endroit pour une célébration de Bar-Mitsvah revêt une symbolique particulièrement forte : ces jeunes adolescents franchissent le seuil de la maturité religieuse dans un lieu qui incarne la continuité historique du peuple juif et son attachement à Jérusalem. Les mêmes pierres qui ont construit la cité de David et les deux Temples témoignent aujourd’hui de l’engagement d’une nouvelle génération envers leur héritage.
Un voyage initiatique en temps de crise
Le parcours qui a mené ces 200 jeunes jusqu’à Jérusalem n’a pas été sans obstacles. Initialement prévu l’année précédente, ce voyage a dû être reporté en raison de la guerre déclenchée par l’attaque du 7 octobre. Malgré les tensions persistantes et les restrictions de vol, les organisateurs ont tenu à maintenir cet événement, conscients de son importance cruciale pour ces jeunes dont beaucoup n’avaient jamais eu l’occasion de célébrer leur Bar-Mitsvah.
Venus des quatre coins de l’Europe – France, Allemagne, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Slovaquie, Russie, Ukraine, Azerbaïdjan, Pologne, Monténégro – et même d’Ouganda, ces adolescents ont commencé leur périple par la Galilée, explorant Tibériade et Safed, hauts lieux de la spiritualité juive. Pour la plupart d’entre eux, il s’agissait d’une première découverte d’Israël, un baptême culturel et spirituel qui prend une résonance particulière dans le contexte actuel de montée de l’antisémitisme en Europe.
Le Rav Aryeh Goldberg, directeur général du Centre des Rabbins d’Europe, a d’ailleurs souligné cette dimension : « Particulièrement en ces temps où l’antisémitisme relève la tête, c’est la réponse la plus décisive que de renforcer l’identité juive partout. » Cette affirmation identitaire collective constitue en effet une puissante réponse aux hostilités croissantes que rencontrent les communautés juives européennes.
Une cérémonie entre tradition et émotion contemporaine
Le moment central du voyage s’est déroulé en deux temps symboliquement forts. D’abord, une montée collective à la Torah au Mur Occidental, dernier vestige du Second Temple et lieu le plus sacré du judaïsme actuel. Puis, la célébration principale dans la grotte de Sédécias, où ces jeunes ont été accueillis par plusieurs personnalités éminentes : le Grand Rabbin d’Israël Kalman Bar, le ministre de Jérusalem et des Traditions d’Israël Meir Porush, le ministre de la Diaspora Amichai Chikli, et le maire de Jérusalem Moshe Leon.
L’événement a pris une tournure particulièrement émouvante lors de la rencontre avec Danny Miran, père d’Omri Miran, l’un des otages encore retenus à Gaza. Danny Miran, qui faisait partie des soldats ayant libéré le Mur Occidental en 1967, a partagé son histoire personnelle et a demandé aux jeunes de s’unir dans la prière pour la libération de son fils. Ce moment a créé un pont saisissant entre l’histoire ancienne représentée par le lieu et les défis contemporains d’Israël.
Un impact durable sur les jeunes participants
Les témoignages recueillis auprès des participants et des responsables communautaires témoignent de l’impact profond de cette expérience. « Je n’avais jamais réalisé qu’il y avait tant de Juifs dans le monde, » a confié l’un des adolescents, révélant ainsi la prise de conscience que peut générer un tel rassemblement pour des jeunes souvent isolés dans leurs communautés d’origine.
Le Rav Levi Hefer de Düsseldorf (Allemagne) a souligné l’exceptionnalité de cette initiative : « Ce n’est pas la première fois que nous participons à ce voyage, mais ce n’est toujours pas quelque chose que nous tenons pour acquis, et cela suscite l’admiration chaque fois. Le fait que tant d’argent, de temps, de réflexion et d’efforts soient investis dans les adolescents d’Europe est spécial et émouvant. »
De son côté, le Rav Moshe Raskin d’Ouganda a évoqué les amitiés qui se sont nouées : « C’était réjouissant de voir les nouvelles amitiés qui se sont formées entre les enfants. Des enfants qui ne disent pas un mot ont trouvé des amis selon leur cœur et se sont ouverts. »
Un pont entre les générations et les communautés
Cette cérémonie collective de Bar-Mitsvah, au-delà de sa dimension religieuse traditionnelle, représente un puissant vecteur de transmission et de continuité pour le judaïsme européen. Dans des pays où les communautés juives sont parfois réduites et fragiles, offrir à ces jeunes l’opportunité de vivre ce moment fondateur dans un cadre aussi significatif que Jérusalem constitue un investissement dans l’avenir du peuple juif.
La diversité des origines des participants – de l’Europe occidentale à l’Azerbaïdjan en passant par l’Ouganda – témoigne également de la richesse et de la pluralité du judaïsme contemporain. Cette mosaïque de cultures et d’histoires réunies sous les voûtes millénaires de la grotte de Sédécias incarne parfaitement le caractère à la fois universel et particulier de l’identité juive.
Ainsi, entre les pierres ancestrales qui ont bâti Jérusalem et une nouvelle génération qui affirme son attachement au judaïsme, s’est tissé un lien précieux qui transcende le temps et l’espace. Dans cette carrière souterraine d’où ont été extraites les pierres de la Ville Sainte, ces jeunes ont à leur tour extrait quelque chose d’infiniment précieux : un sentiment d’appartenance et de continuité qui les accompagnera toute leur vie.