Chabad.org, traduit par Hassidout.org

 

Lorsque les étudiants rabbiniques, Mendel Kastel et Mendel Lipskier, 20 ans, sont arrivés à Katmandou au Népal, pour quelques semaines en avril 1989, ils savaient qu’ils avaient du pain sur la planche. Mais ils étaient prêts.

 

 

Mendel Kastel en 1989

 

 

Préparer un grand Seder communautaire est un défi logistique dans n’importe quel endroit, mais plus particulièrement à Katmandou au Népal, où un mélange de routards et d’hommes d’affaires de toute l’Asie et du monde entier, convergent chaque année depuis 30 ans pour participer au « plus grand Seder du monde ».

 

 

Mendel Lipskier en 1989

 

 

 

Les deux étudiants, qui fréquentaient la Yechiva en Australie, devaient s’assurer que tout soit soigneusement nettoyé et cachérisé, que le Hametz soit vendu, que les Matsot Chemourot et le vin soient fournis, que chaque juif dans la région soit invité. Faire tout cela à des milliers de kilomètres de la communauté juive la plus proche à une époque où Internet n’existait pas encore, semblait presque impossible.

 

Quelques semaines plus tôt, l’ambassadeur d’Israël au Népal, Chmouel Moyal, avait accroché une feuille d’inscription dans un restaurant populaire annonçant un Seder à l’ambassade d’Israël, s’attendant à ce que 30 ou 40 israéliens y participent. Mais lorsque près de 100 personnes se sont inscrites trois semaines avant Pessah, il s’est tourné vers le Rabbi de Loubavitch, pour obtenir de l’aide.

 

« J’ai envoyé un télégramme au Rabbi, que je connaissais lorsque j’étais consul à New York », a déclaré Moyal à Chabad.org en 2011. Le Rabbi a répondu par un message, de ne pas s’inquiéter, qu’il enverrait des étudiants rabbiniques afin d’aider.

 

En arrivant à Katmandou, Mendel Kastel, originaire de Brooklyn, se souvient avoir vu « des vaches se promener dans les rues, et l’eau devait être bouillie avant de la boire et de cuisiner ».

 

Faire passer le mot était encore plus difficile. « Non seulement il n’y avait pas d’Internet, mais même les appels téléphoniques devaient être planifiés à l’avance », dit Kastel à Chabad.org . Voulant atteindre le plus de juifs possible, les étudiants rabbiniques ont commencé à diffuser des annonces dans toute la ville.

 

 

 

 

 

Avant d’arriver au Népal, ils espéraient pouvoir ajouter 150 personnes à la liste des 100 invités inscrits par l’ambassade israélienne. Mais la rumeur s’est rapidement répandue et la liste des personnes qui se sont inscrites au Seder, a commencé à déborder, il était évident que beaucoup d’autres juifs voulaient venir.

 

D’abord, ils devaient trouver un endroit pour le repas. Kastel et Lipskier trouvèrent un établissement local dont le propriétaire permettait que le Seder ait lieu dans son arrière-cour car il n’y avait pas assez d’espace pour accueillir une foule de plus de 100 personnes. Ils ont acheté tous les légumes au marché local et ils se sont mis à construire un four en briques pour cuisiner.

 

« Pendant ce temps, le nombre attendu d’invités ne cessait de croître », se souvient Kastel, « et les Matsot, le vin cacher et le poisson en provenance d’Israël ont été soumis à un embargo à cause d’un conflit entre l’Inde et le Népal ». Il y avait un autre problème, ils n’avaient pas de tables.

 

 

 

 

L’ambassade israélienne a aidé  a debloquer l’expédition de nourriture, et un tracteur a voyagé deux heures au-dessus des cols de montagne avec des tables trop petites pour les tables du Seder. Un constructeur qui construisait un hôtel leur a prêté des portes à disposer sur les tables et des caisses pour agrandir les tables.

 

Dans la nuit du Seder, 500 juifs venus de tous les coins du monde – Israël, Royaume-Uni, États-Unis, France, Amérique du Sud et ailleurs – se sont rassemblés dans un jardin au Népal pour célébrer un rituel vieux de 3 300 ans à l’ombre du monde. Les montagnes les plus hautes, sous la lumière de la pleine lune, entourées de centaines de Népalais alignés le long des murs voulaient voir ce que signifiaient les chants et les acclamations.

 

L’année suivante, Rabbi Asi Spiegel, alors âgé de 21 ans, et ses amis – Rabbi Dovid Bisk et Rabbi Chaim Baruch Alevsky – dirigèrent le Seder de Katmandou sous les auspices de Merkos L’Inyonei Chinuch, le bras éducatif de Chabad-Loubavitch . La direction du Rav Moshe Kotlarsky, son vice-président, continue d’envoyer de jeunes etudiant rabbins dans le monde entier. (Cette année, quelque 700 étudiants rabbiniques Habad ont aidé à organiser des centaines de Sédarim dans des dizaines de pays à travers le monde.)

 

 

 

 

« L’ambassade envisageait d’annuler le Seder », se souvient Spiegel, ajoutant que le Rabbi leur avait donné une bénédiction et les avait exhortés à aller de l’avant. Le matin avant le Seder, le roi Birendra du Népal a accepté certaines des demandes des manifestants, levant l’interdiction des partis politiques au Népal, permettant la première possibilité de réforme démocratique dans le royaume de montagne et ouvrant la voie au Séder.

 

Plus de 700 personnes sont venues pour le Seder. Spiegel se souvient du sentiment de joie et de connexion que tout le monde a vécu. « J’ai grandi en Israël », dit-il. « Les réunions entre les étudiants de Yéchiva et les Israéliens non pratiquants à Tel Aviv, n’étaient pas toujours aussi amicales. Mais au Népal, soudain tout le monde était super sympa. Les routards étaient ravis de nous rencontrer. Tout de suite, tous les problèmes d’Israël ont juste disparu ».

 

Spiegel et Bisk se sont arrangés pour organiser le Seder à l’ambassade israélienne. Malgré l’aide du personnel de l’ambassade, il y a eu de nouveaux défis. Le pays était en pleine guerre civile et quelques jours avant Pessah, 50 manifestants marchant sur le palais ont été tués.

 

Ces premiers Seders ont véritablement transformé la vie de nombreux jeunes routards qui y ont participé. « Le Seder m’a vraiment ouvert les yeux », a déclaré Sarah Goren au service de presse de Lubavitch en 1991. Native de Tel Aviv, elle était venue au Népal pour étudier les religions orientales. « C’est la première fois que le judaïsme a un sens pour moi, dit-elle, je n’ai jamais su que le judaïsme était si spirituel ».

 

Les sentiments de Goren ont été partagés par des milliers de personnes qui ont fréquenté les premiers Séders, et les nouvelles se sont répandues en Israël par le bouche-à-oreille à travers des histoires dans les médias israéliens. Spiegel et Bisk ont ​​continué à accueillir six autres Séders au cours des huit années suivantes.

 

Eitan Levi, second à l’ambassade d’Israël en 1995, une année où Spiegel ne pouvait pas participer, a pris l’initiative de faire durer la tradition et de réaliser le Seder. « Nous savions que Habad se trouve partout dans le monde. Si nous voulions que le Seder soit casher, Habad pourrait nous aider en envoyant des provisions d’Israël pour les 1200 personnes attendues. Ils ont fini par nous envoyer des colis énormes par courrier diplomatique, vin, Matsa et autres produits cacher, en plus de quelques jeunes émissaires », a-t-il dit.

 

 

 

 

Pendant le Seder, Mme Levi se souvient: « Ma fille avait environ deux ans et demi. Elle se tenait sur la table et récitait le Ma Nichtana (les quatre questions), et chaque fois qu’elle finissait de chanter une partie, 1 200 personnes chantaient le refrain. C’était quelque chose de vraiment magnifique. Une immense tente a été érigée sur le terrain de l’ambassade avec l’aide de l’armée et de la police népalaises. Ensuite, M. Lévi et sa femme ont demandé à 50 routards de les aider à préparer la fête. « Même ma belle-mère, ma belle-soeur et mon beau-frère étaient là pour nettoyer les légumes ».

 

 

 

 

Le Rav Hezki et Hanni Lifshitz ont codirigé le centre de Habad du Népal et dirigé le Seder depuis l’année 2000. Pour le Seder de cette année, ils ont commandé plus de 1500 kg de Matsot et 1000 bouteilles de vin. Ils font eux aussi face à des défis chaque année. La livraison au Népal est difficile: « Une fois, le camion est tombé en panne en Inde et un hélicoptère a dû rappatrier le matériel », explique Lifshitz. « Une autre fois, la cargaison est arrivée par erreur en Malaisie et n’est arrivée au Népal qu’une semaine après Pessa’h ». Il y a un mois, les Lifshitz ont commencé à fabriquer leur propre vin, juste au cas où. Ils ont déjà produit plus de 1000 litres.

 

Tout au long de l’année, les Lifshitz donnent des cours d’étude de Torah tous les jours et Chabbat. Ils gèrent deux restaurants cacher et doivent servir les nombreux besoins matériels et spirituels des randonneurs juifs tout au long de l’année, en leur fournissant des téléphones satellites afin qu’ils puissent être en contact en cas d’urgence. Le couple a été une présence importante dans le pays pendant et après les tremblements de terre dévastateurs.

 

Et les Séders ne se déroulent pas seulement dans la capitale népalaise. Cette année, des équipes de « rabbins itinérants » assisteront les Lifshitz en conduisant des Séders à plusieurs endroits dans le pays.

 

S’étendant bien au-delà du Népal, le Seder annuel de Katmandou a planté les graines de ce qui est devenu un réseau croissant de centres Habad permanents en Asie du Sud-Est, offrant aux touristes juifs, une maison juive toute l’année. Aujourd’hui, ce réseau s’étend jusqu’en Amérique du Sud et en Australie, avec des dizaines de centres servant de points d’ancrage pour la vie juive aux milliers de touristes qu’ils atteignent chaque année.