Une soirée Melavé Malka particulière s’est tenue récemment pour les émissaires de Paris et de la Galilée, organisée au au Beth Habad de Saint-Brice par le Bureau d’Aide aux Émissaires. En préparation des journées commémoratives du Youd et du Kaf-Beit Chevqt, près d’une centaine d’émissaires se sont réunis pour entendre des paroles d’inspiration.

 

Dans l’atmosphère chaleureuse du Beth Habad de Saint-Brice, une centaine d’émissaires se sont réunis pour un Melavé Malka exceptionnel. Cette soirée, organisée par le Bureau d’Aide aux Émissaires, a rassemblé les Chlou’him de Paris et de la Galilée dans un moment de communion spirituelle intense.

Le timing de cette rencontre n’était pas fortuit : à l’approche du Youd et du Kaf-Beit Chevat, dates cruciales du calendrier hassidique, les émissaires ont ressenti le besoin de se retrouver pour puiser ensemble force et inspiration.

Le Beth Habad de Saint-Brice, transformé pour l’occasion en un havre de ressourcement spirituel, a accueilli cette assemblée remarquable. Les murs semblaient vibrer au rythme des discussions profondes et des chants traditionnels qui ont ponctué la soirée.

L’invité d’honneur, le Rav Chmouel Raskin, a profondément ému l’assemblée en évoquant le sentiment de « Ashrénou ma tov helkénou » – « Heureux sommes-nous, combien notre part est bonne ». Son intervention a mis l’accent sur la gratitude et le privilège d’être émissaire du Rabbi.

La soirée s’est conclue par la distribution d’une « teshoura » spéciale (cadeau commémoratif) dédiée au Rav Moshé Harson, rendant hommage à son legs spirituel et à son impact sur la communauté.

Intervention du Rav Chmouel Raskin

« Fraier », lance le Rav Nechemia, utilisant ce terme hébreu qui désigne celui qui donne sans attendre de retour. Sa voix porte une sagesse née de l’expérience : « Quand je bénis mes enfants maintenant, je leur souhaite de devenir des émissaires ‘fraier’. Car donner sans voir de reconnaissance immédiate est difficile, mais le Divin ne reste jamais redevable. »

Le Rav Raskin, lui, choisit « amour » – un mot qui allait définir toute son approche à Budapest. Un amour multidimensionnel : pour le Divin, pour le Rabbi, pour la mission elle-même, et surtout pour chaque personne rencontrée sur ce chemin. Cette philosophie allait être mise à l’épreuve lors d’un soir mémorable de Rosh Hashana.

Ce soir-là, sept cents personnes remplissent la salle du Marriott de Budapest. La tension est palpable. Un homme s’approche du Rav Raskin, le ton autoritaire d’un commandant militaire : « Rabbi, pourquoi ne commencez-vous pas ? Il est déjà 20h22. » La tentation de répondre sèchement est forte, mais le Rav prend dix secondes – dix longues secondes qui changeront tout.

Cette pause s’avère providentielle. Le lendemain, sous la pluie battante de Budapest, près du célèbre pont des Lions, cet homme autoritaire révèle son histoire. Asher Shahar, lieutenant-colonel de la marine en retraite, porte le deuil de son fils Omri, mort au service de Tsahal. Depuis cinq ans, sa famille n’a plus célébré aucune fête juive, fuyant chaque année vers une destination différente pour échapper à leur douleur.

Le son du Shofar ce jour-là, résonnant sous la pluie de Budapest, perce le voile de leur chagrin. Pour la première fois depuis la tragédie, la famille Shahar retrouve un semblant de paix dans la chaleur de la communauté. Ce moment marque le début d’une transformation profonde : bientôt, leur terrasse de Kfar Saba, longtemps silencieuse, résonnera à nouveau de chants et de rires lors des fêtes.

L’importance de l’accueil chaleureux trouve une autre illustration saisissante dans l’histoire d’Avi Kalodibov. Un vendredi soir, voyant le Rav sans son sourire habituel, il quitte la synagogue en expliquant simplement : « Je viens pour votre sourire, Rabbi. Sans lui, ce n’est plus pareil. » Cette remarque apparemment anodine cache une vérité profonde sur le pouvoir de l’authenticité dans les relations humaines.

Ce pouvoir se manifeste de manière encore plus dramatique à travers l’histoire d’un homme au bord du gouffre. Souffrant d’une maladie débilitante qui lui fait perdre foi et espoir, il trouve une raison de vivre dans l’atmosphère chaleureuse du Beth Habad. « Vous avez sauvé ma vie sans le savoir », écrit-il plus tard au Rav Raskin.

La question de l’authenticité prend une dimension particulière face aux défis de la modernité. À Budapest, la communauté néologue propose une version « allégée » du judaïsme, arguant qu’un judaïsme plus souple serait plus attractif. La réponse vient d’une source inattendue : le directeur non-juif d’un festival local qui déclare : « Si je peux avoir un judaïsme à 100%, pourquoi me contenterais-je de 20-30% ? »

Cette conviction se reflète dans l’approche du Seder de Pessah. Initialement tenté d’abréger la cérémonie pour un public moderne, le Rav Raskin apprend d’un participant déçu que l’authenticité est précisément ce que les gens recherchent. Depuis, même avec mille participants, il maintient l’intégralité du service, trouvant des moyens créatifs d’engager chacun dans la célébration.

Cette leçon d’authenticité trouve un écho particulier dans une histoire ancienne du Baal Shem Tov. Un soir de shabbat, une veuve éplorée vient demander de l’aide pour nourrir ses enfants affamés. Au lieu de résoudre le problème lui-même par un miracle, le Baal Shem Tov demande à chaque hassid présent de mettre la main dans sa poche. Miraculeusement, chacun y trouve une pièce de monnaie.

Les discussions qui suivent sur la nature du miracle révèlent trois niveaux de compréhension. Certains voient le miracle dans l’apparition même des pièces dans les poches de shabbat. D’autres le perçoivent dans l’obéissance confiante des hassidim. Mais la compréhension la plus profonde voit le véritable miracle dans le choix du Baal Shem Tov d’impliquer sa communauté plutôt que d’agir seul.

Cette sagesse ancestrale trouve sa résonance moderne dans les rues de Budapest. Le Rav Raskin l’applique quotidiennement, comprenant que sa mission n’est pas simplement de servir la communauté, mais de l’élever en la faisant participer activement à sa propre renaissance spirituelle.

L’humour aussi joue son rôle dans cette mission. Le Rav raconte l’histoire d’un homme désireux d’intégrer une communauté hassidique fermée. Préparé mécaniquement aux questions du Rabbi, il répond de travers, transformant un entretien sur l’étude de la Torah en une conversation surréaliste sur des heures passées au mikveh. Cette anecdote souligne l’importance d’être authentique plutôt que de chercher à correspondre à des attentes imaginées.

Après vingt-trois ans de mission, le message du Rav Raskin reste limpide : l’authenticité, combinée à un amour sincère pour chaque individu, constitue le cœur d’une mission réussie. Son expérience démontre que dans un monde en quête de sens, ce n’est pas en diluant le message qu’on touche les cœurs, mais en le transmettant dans toute sa profondeur, avec chaleur et sincérité.

Cette approche transforme non seulement les vies individuelles mais régénère des communautés entières. À travers les rues de Budapest, des familles autrefois éloignées de leurs traditions retrouvent le chemin de leur héritage, non par obligation mais par désir authentique de connexion.

 

Le Rav Chmouel Raskin : Portrait d’un Émissaire Visionnaire à Budapest

Né le 28 avril 1979 (2 Iyar 5739), le Rav Chmouel Raskin incarne une nouvelle génération d’émissaires Loubavitch, alliant tradition et modernité dans sa mission à Budapest. Son parcours illustre parfaitement la synthèse entre érudition rabbinique classique et engagement dans le monde contemporain.

Formation et Parcours

Fils du Rav Yehoshua (Heishke) et de Mme Henia Rivka Lipsker, il grandit à Nachalat Har Chabad à Kiryat Malachi. Après des études à la Yeshiva Tomchei Tmimim de Kiryat Gat, il poursuit sa formation à la Yeshiva Ohel Torah de New York.

En 1999, sa première expérience en Hongrie comme étudiant émissaire marque le début d’une relation profonde avec la communauté de Budapest. Après son mariage avec Devorah Dreyfus et l’obtention de son diplôme rabbinique de « Rav Tefoutsot » du Grand Rabbinat d’Israël, il s’installe définitivement à Budapest en 2001 comme émissaire officiel.

Réalisations Majeures

– Fondation du Beth Habad Keren-Or en 2004, devenu un centre communautaire majeur dans le 5e arrondissement de Budapest
– Professeur d’éthique juive à l’Université Semmelweis de Médecine
– Conférencier international en pensée juive, Kabbale, Hassidout, Bible, Talmud et Halakha
– Production hebdomadaire de contenus vidéo sur la Paracha et l’actualité juive, largement diffusés sur les réseaux sociaux

Son approche unique combine leadership spirituel traditionnel et engagement moderne, faisant de lui une figure centrale du judaïsme contemporain en Hongrie.

 

Photos et Vidéo : Mordehai Lubecki