(Discours du Rabbi de Loubavitch, Pourim 5716-1956)

Amalek fit la guerre contre Israël à trois reprises:
1) Tout de suite après la sortie d’Egypte.
2) Pendant les dernières années que les enfants d’Israël passèrent dans le désert. Juste avant l’entrée en Terre Sainte, alors qu’Amalek était travesti en Cananéen.
3) Durant les premières années de leur installation en Erets Israël. Après la nomination du roi Chaoul et avant la construction du Temple.  En effet, les enfants d’Israël, lorsqu’ils pénétrèrent en Terre Sainte, durent, dans l’ordre, nommer un roi, faire la guerre contre Amalek et construire le Temple.
4) Enfin, il y aura une quatrième guerre contre Amalek à l’époque du roi Machia’h.

On distingue deux périodes de l’histoire juive, depuis que les enfants d’Israël se constituèrent en tant que peuple, lorsqu’ils quittèrent l’Egypte pour aller recevoir la Torah.

1) La première période fut celle du désert.
Les Juifs n’avaient alors aucun contact avec le monde physique. Leurs besoins matériels, leur nourriture, leurs vêtements et leur logement, étaient satisfaits par la manne, le puits de Myriam et les colonnes de nuée.

2) La seconde période fut celle de la prise de possession du territoire des sept peuples de Canaan pour en faire Erets Israël.
Le temps de l’exil y est inclus également, lorsque les Juifs sont disséminés parmi les nations afin de préparer l’accomplissement de la promesse selon laquelle «Erets Israël se répandra dans tous les pays», qui seront aptes à devenir un Sanctuaire pour la Divinité.

Les quatre guerres contre Amalek définis plus haut se répartissent donc de la manière suivante :
Les deux premières guerres eurent lieu au début et à la fin de la première période.
Les deux dernières guerres eurent lieu au au début et à la fin de la seconde période.

Il existe une différence entre les deux guerres de la première période du désert:
Pour la période du désert, Amalek mena la première à visage découvert
Pour la période de l’entrée en Erets Israel il se fit passer pour un Cananéen.

On peut en conclure qu’il en est de même pour la seconde période de l’entrée en Terre d’Israel : 
La première guerre, à l’époque de Chaoul, se déroula alors qu’Amalek révéla qui il était.
La seconde guerre, qui aura lieu dans notre génération, celle de la venue du roi Machia’h, très bientôt et de nos jours, sera mené contre un Amalek caché.

Faisant référence au premier combat d’Amalek, au début de la première période dans le désert, le verset dit: « il te rencontra sur le chemin ». Le Midrach donne une autre lecture de ce verset: « il te refroidit sur le chemin ».

Ainsi, Amalek ne chercha pas à faire disparaître physiquement les enfants d’Israël, ce qu’à D.ieu ne plaise, mais plutôt à calmer leur ardeur. Les enfants d’Israël s’apprêtaient à recevoir la Torah, à proclamer: «Nous ferons et (ensuite) nous comprendrons », à mettre en pratique toutes les injonctions qu’ils recevraient, qu’ils en perçoivent le sens ou non. Amalek se fixa donc comme objectif d’arrêter leur élan.
Amalek ne leur demanda pas de refuser la Torah, ce qu’à D.ieu ne plaise. N’était-il pas lui-même un descendant d’Avraham et d’its’hak? Son discours fut, en fait, le suivant:
«Pourquoi tant d’enthousiasme? Pourquoi se passionner au point de crier ‘nous ferons et (ensuite) nous comprendrons’? comment s’engager avant même de savoir ce qu’il faudra faire? N’êtes-vous pas des hommes sensés? Du reste, il s’agit bien, en l’occurrence, de vous donner la Torah qui est ‘votre sagesse et votre entendement aux yeux des nations’. celui qui est doué de discernement doit savoir modérer son enthousiasme, ne pas dépasser le cadre de ses propres limites et de son intellect. comment pouvez-vous accepter de mettre des Préceptes en pratique, que vous les compreniez ou non? ».

Amalek était effectivement un descendant d’Avraham et d’its’hak. il acceptait donc le principe de l’étude de la Torah, mais non l’attitude de Yaakov, « homme intègre, résidant dans la tente ». il disait: «Que l’on ‘réside dans la tente’ et que l’on se consacre à l’étude, soit. mais, pourquoi être un ‘homme intègre’, ne s’interrogeant pas sur ce qu’il accepte, ni sur ce que l’on attendra de lui? Pourquoi dire ‘nous ferons et (ensuite) nous comprendrons’? ».

Amalek ne pouvait accepter une telle attitude, car il suivait l’exemple d’Esav, un «homme qui savait chasser». ce dernier réfléchit, détermine ce qu’il peut accepter, ce qu’il est capable de mener à bien. Son analyse lui permet d’évaluer ses propres forces. il sait ce qu’il est capable d’apprendre et de mettre en pratique. il s’en tient donc à la règle inverse, « nous comprendrons et nous ferons ». c’est après avoir compris qu’il pourra déterminer si l’action est envisageable ou non.

Bien plus, poursuit Amalek, la Torah est vérité. elle est sage et il n’est donc pas nécessaire de l’accepter avant de la mettre en pratique. car, au final, il ne fait pas de doute qu’on en appliquera effectivement les dispositions. La logique première permet d’établir qu’il doit en être ainsi.

La Torah met en garde contre une telle conception en proposant une troisième lecture de ce verset, s’ajoutant à la seconde, qui a été citée auparavant, «il te refroidit sur le chemin». elle dit encore: «il t’a provoqué des pertes séminales sur le chemin». en effet, la vitalité profonde de l’homme, s’exprimant par ce liquide séminal, doit permettre de mettre en pratique l’injonction «croissez, multipliez, emplissez la terre et conquérez la», afin d’en faire un Sanctuaire pour D.ieu. or, elle est, en l’occurrence, utilisée pour renforcer le domaine du mal, ce qu’à D.ieu ne plaise.

L’origine de cette impureté est la lecture précédente de ce même verset, c’est- à-dire la froideur. on est « un homme qui sait chasser » et l’on devient ainsi «un homme du champ», fuyant la tente de l’étude, celle de Chem et d’Eber, où l’on étudie la Loi Ecrite et la Loi orale.

il est donc indispensable d’adopter le comportement de «Yaakov, homme intègre» pour se maintenir sur le droit chemin. commentant le verset «la probité de ceux qui sont droits les guide», la Guemara souligne que celui qui agit avec intégrité se maintiendra nécessairement sur le bon chemin.

A l’opposé, certains refusent l’approche découlant du principe «nous ferons et (ensuite) nous comprendrons». ils prétextent que la Torah possède une sagesse particulièrement élevée et que l’on ne peut l’adopter de but en blanc. on doit, bien au contraire, avoir une démarche progressive, «nous comprendrons et nous ferons». La fin du verset qui vient d’être cité fait allusion à eux en ces termes: «La rébellion de ceux qui se révoltent leur causera du tort». on parvient ainsi à la troisième lecture du verset, précédemment cité, «il t’a provoqué des pertes séminales sur le chemin». Telle fut la guerre contre Amalek qui intervint au début de la première période.

A l’issue de celle-ci, dans les dernières années que les enfants d’Israël passèrent dans le désert, avant d’entrer en Erets Israël, Amalek lutta de nouveau contre eux.
Néanmoins, il eut alors recours à la ruse et il prit l’apparence d’un cananéen, afin de ne pas être reconnu comme celui qui avait déjà déclaré la guerre, quarante ans plus tôt.
Lors de cette seconde guerre, Amalek n’était plus le descendant d’Avraham et its’hak, mais bien un cananéen, un non-Juif. il ne formula donc en aucune manière son avis, pour tout ce qui concerne la Torah et le Judaïsme. il dit alors:
« Je n’ai pas mon mot à dire pour tout le temps que vous consacrez à l’étude de la Torah ou à la pratique juive. Faites ce que bon vous semble. Je n’ai, en fait, qu’une seule exigence, qui concerne ce qui est en relation avec le pays de Canaan. en la matière, imitez-moi et prenez également l’apparence de cananéens ».
Amalek s’adressa aux enfants d’Israël et leur dit encore:
«Vous vous êtes constitués en tant que peuple dans ce désert, où une génération entière a reçu son éducation. cette période s’achève maintenant et vous devez, désormais, vous préparer à entrer dans le pays de Canaan, à y effectuer les trente neuf travaux profanes qui sont proscrits pendant le chabbat. Vous devez, pour cela, apprendre les usages et les coutumes de Canaan. c’est uniquement à cette condition que vous vous maintiendrez dans ce pays.
Si vous ne prenez pas connaissance des pratiques cananéennes, si vous n’y adhérez pas avec enthousiasme, n’imaginez pas que vous pourrez vivre ici, y mener une existence normale sans faire de concessions par rapport à la pratique juive. Vous voulez avoir les moyens d’assurer votre subsistance, de respecter le Chabbat et les Fêtes, de donner de la Tsédaka, d’apporter à vos enfants une éducation de Torah? comment parviendrez-vous à obtenir tout cela?».
Commentant le verset « il fit un captif », le Midrach souligne que le cananéen, roi d’Arad, captura une servante cananéenne qui se trouvait au service d’Israël. il n’aurait pu, en revanche, s’emparer de ce qui appartenait de plein droit aux enfants d’Israël. il ne s’empara donc de ce que les Juifs avaient eux-mêmes capturé des biens du monde. De fait, il ne dit rien, pour tout ce qui concerne l’étude de la Torah et la pratique des Mitsvot. il exigea, en revanche, qu’en quittant les quatre coudées de la Torah afin de retrouver les préoccupations du monde, on adopte l’apparence d’un cananéen.

La Torah fit donc la révélation suivante. Derrière ce cananéen, roi d’Arad, était caché nul autre qu’Amalek lui-même. car, un non-Juif ayant de mauvaises intentions ne peut exercer son emprise sur un Juif, qui est partie intégrante du domaine de la sainteté. Aucune médiation n’est envisageable entre deux extrêmes aussi opposés.

Dès lors, comment un cananéen peut-il faire la guerre au peuple juif? Uniquement lorsque Amalek se cache en lui. Amalek est un descendant d’Avraham et d’its’hak. il développe donc une argumentation en conséquence, avec tous les effets que peuvent avoir son intervention, ainsi qu’il est dit: « il s’en prit à tous ceux qui étaient affaiblis, derrière toi ».

Lorsque se présente le cananéen, roi d’Arad, exigeant que l’on adopte les usages de ce pays afin de pouvoir s’y installer, on doit savoir que l’on ne pourra pas, de cette façon, transformer Canaan en Erets Israël, le «pays vers lequel toujours sont tournés les yeux de D.ieu». Bien au contraire, une telle démarche est celle d’une guerre contre le peuple juif et contre la terre Sainte. celui qui en prend l’initiative est Amalek, celui- là même qui voulut empêcher les enfants d’Israël de recevoir la Torah et les rendre indifférents à tout ce qui a trait au domaine de la sainteté.

La Torah fit également une autre révélation. Non seulement le cananéen, roi d’Arad, est Amalek, l’ennemi du don de la Torah et de la spiritualité juive, mais, bien plus, il fait également la guerre au corps juif. A l’époque de Pourim, en effet, on put prendre la mesure de son intention véritable, celle « de détruire, de tuer et de faire disparaître tous les Juifs », ce qu’à D.ieu ne plaise, y compris au sens physique.

il faut savoir que le moyen d’entrer en Erets Israël n’est pas d’imiter le cananéen, roi d’Arad, mais, bien au contraire, de le vaincre.

Comme nous l’avons dit auparavant, nous devons, à la fin de la seconde période, c’est-à-dire en notre génération, qui se prépare à entrer en Erets Israël, pays « vers lequel toujours sont tournés les yeux de D.ieu, du début de l’année à la fin de l’année», emporter, avant tout, la victoire contre le cananéen, roi d’Arad.

De quelle manière celui-ci mène-t-il son combat? il s’adresse à un Juif en ces termes:
« tu exerces une activité commerciale et tu dois donc adopter les pratiques de tous les autres commerçants, y compris les non-Juifs. Si tu postules pour obtenir un emploi, tu dois t’y préparer comme le font tous les non-Juifs. Pour cela, tu ne peux faire autrement que de transgresser certains principes de la Torah. tu devras faire de la concurrence déloyale, avoir recours à la médisance, prêter à intérêt et, il faudra bien interrompre ton étude de la Torah pour connaître la réussite dans les affaires.
Pour commencer, tu oublieras que tout ce qui se passe dans le monde est un effet de la divine Providence, qu’un homme, ici-bas, se contente de forger un réceptacle pour contenir la bénédiction divine. Ne penses donc pas à tout cela et prétends plutôt que «ma force et la puissance de ma main m’a permis d’obtenir tous ces biens.
Puis, tu seras saisi par l’esprit de concurrence, tu désireras montrer ce que tu es capable de faire, multiplier les accomplissements, occuper tes fonctions avec succès ou mener avantageusement tes affaires. tu seras donc un ‘success ful businessman’, un homme d’affaires qui réussit ou bien une personnalité reconnue, au sein de ton entreprise. tu dois te préparer à tout cela comme le ferait un non-Juif ».

La Torah met en garde contre une telle attitude. elle demande de reconnaître qui se cache derrière une telle argumentation. car, il s’agit bien d’Amalek, celui qui voulut empêcher les enfants d’Israël de recevoir la Torah. il est clair que l’on ne peut pas, en agissant de cette façon, faire du monde un Sanctuaire pour D.ieu et transformer Canaan en Erets Israël. mais, bien plus, on s’apercevra par la suite, qu’une telle démarche a pour effet, « de détruire, de tuer et de faire disparaître tous les Juifs », y compris de manière physique, ce qu’à D.ieu ne plaise.

L’intégrité physique des Juifs est directement liée à celle de leurs âmes. Pour l’obtenir, il faut agir en fonction du principe « la probité de ceux qui sont droits les guide » et ne pas donner la parole à ceux qui veulent tempérer l’enthousiasme que l’on éprouve pour la Torah. c’est uniquement de cette façon que le corps juif sera également préservé, avec ses deux cent quarante huit membres et ses trois cent soixante cinq nerfs.

La Torah est appelée Torah de vie et il est dit des Mitsvot que « l’on vivra par elles ». cela n’est pas vrai uniquement après la vie physique, dans l’au-delà, mais également ici-bas, au sens le plus littéral. Pour qu’un Juif vive physiquement, dans ce monde matériel, il doit étudier la Torah de vie, qui lui insuffle la vie éternelle, y compris dans ce monde subissant la limite. il doit mettre en pratique les Mitsvot et « vivre par elles ». il n’est pas d’autre moyen d’être animé d’une vitalité profonde, en ses deux cent quarante huit membres qui correspondent aux injonctions de la Torah et en ses trois cent soixante cinq nerfs, qui en sont les interdits.

c’est ainsi que l’on peut mettre en application l’injonction «croissez, multipliez, conquérez la terre et emplissez-là», faire du monde entier un Sanctuaire pour D.ieu. Alors, «Erets Israël se répandra dans tous les pays» et, où que l’on se dirigera, on verra «le pays vers lequel toujours sont tournés les yeux de D.ieu», non pas uniquement à Yom Kippour, pendant la prière de la Neïla, durant le chabbat et les fêtes ou même pendant le temps de la prière et de l’étude, mais véritablement «du début de l’année à la fin de l’année».