Adapté des discours du Rabbi, Chabbat Parchat Vayéra, 20 Mar’hechvan 5736-1975 et 5737-1976
Traduit par le Rav Haim Mellul

Le vingt du mois de Mar’hechvan est le jour de la naissance du Rabbi Rachab(1), le cinquième Rabbi de ‘Habad. Deux récits de son enfance délivrent un enseignement particulièrement précieux sur la manière d’éduquer les enfants et celui-ci est d’actualité puisque le mois de ‘Hechvan fait suite à celui de Tichri, en lequel est célébré le Hakhel, le rassemblement qui avait lieu dans le Temple, en l’année suivant la Chemitta, auquel participaient également les enfants les plus petits. Leurs parents les conduisaient dans cet endroit pour qu’ils écoutent, à leur tour, les paroles de la Torah(2).

Le premier de ces récits est le suivant :

Une fois, alors que le Rabbi Rachab avait quatre ou cinq ans, il se rendit, en pleurs, chez son grand-père, le Tséma’h Tsédek, troisième Rabbi de ‘Habad. Il expliqua que son professeur leur avait enseigné, ce jour-là, le verset : « l’Eternel se révéla à Avraham ». C’est précisément ce qui causait la peine de l’enfant, qui lui demanda :
« Pourquoi donc le Saint béni soit-Il ne se révèle-t-Il pas à moi, comme Il s’est révélé à notre père Avraham ? ».

Le Tséma’h Tsédek lui répondit :
« Lorsqu’un Juif, un Tsaddik, âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, prend la décision de se circoncire, il mérite que le Saint béni soit-Il se révèle à lui ».

Voici le second récit :

Quand le Rabbi Rachab avait quatre ans, un couturier apporta, une fois, à sa mère, la Rabbanit, un vêtement qu’il avait confectionné pour elle. Pendant l’essayage, l’enfant glissa la main dans une poche du couturier et il en fit sortir une pièce de tissu, le reste de celle dans laquelle il avait taillé le vêtement.

Aussitôt, le couturier s’emplit de honte et il se confondit en excuses. Il affirma qu’il avait complètement oublié l’existence de cette pièce de tissu(3). Quand il fut parti, la Rabbanit réprimanda son fils, lui reprochant d’avoir humilié cet homme.

Un peu plus tard, le Rabbi Rachab se rendit chez son père, le Rabbi Maharach et il lui demanda comment il était possible de réparer une humiliation(4). Son père lui demanda ce qui le conduisait à lui poser une telle question, mais le Rabbi Rachab refusa catégoriquement de lui répondre.

Par la suite, sa mère lui demanda pour quelle raison il n’avait pas voulu répondre à son père. Le Rabbi Rachab lui dit alors :
« N’est-il pas suffisant d’avoir humilié quelqu’un ? Devais-je, en outre, être médisant et colporter, à son sujet ? ».

La leçon délivrée par ces récits reçoit toute son importance parce qu’ils nous ont été rapportés par nos maîtres, ce qui fait la preuve qu’ils concernent chacun d’entre nous, car, si ce n’était pas le cas, ils ne seraient pas parvenus jusqu’à nous. En l’occurrence, ces deux récits ont été relatés, en public, par mon beau-père et maître, le Rabbi. L’enseignement qui en découle s’applique donc bien à chacun.

Comme on le sait, un jeune enfant recherche, de façon générale, la satisfaction personnelle et il est attiré par les plaisirs matériels. De ce fait, le Rambam explique que l’on enseigne la Torah aux enfants en les encourageant : « avec ce qu’ils aiment», du fait de leur jeune âge, en leur disant : «si tu étudies bien, je te donnerai des noix»(5).

Il en est ainsi, poursuit le Rambam, parce que : «leur jeune âge et leur faiblesse(6) les empêchent de percevoir la qualité de ce qui est bon»(7). Pourtant, en l’occurrence, le désir de cet enfant était la spiritualité et la révélation de D.ieu ! Bien plus, ce désir était si intense qu’il en vient à sangloter, constatant qu’il ne pouvait le satisfaire !

Il faut voir en cela l’immense succès de l’éducation qu’il avait reçue. Celle-ci avait su mettre l’accent, de la manière qui convient, sur le besoin de valeurs morales et le conduire à leur accorder la priorité, au-delà de tous les biens matériels. Il en résulte que, quand les pleurs d’un enfant ne sont pas motivés par ses besoins spirituels, il ne peut en aucune façon être tenu pour responsable de cette situation et il n’y a nullement là une preuve de sa bassesse morale. Cela veut uniquement dire qu’il n’a pas reçu l’éducation qui convient.

Au plus profond de son être, au moins de manière potentielle, chaque enfant juif ressent le désir de mettre en éveil la spiritualité. Toutefois, cette aspiration peut rester dissimulée, enfouie au fin fond de sa personne, sans effet sur son comportement. Une bonne éducation est alors indispensable pour la mettre en évidence.

La réponse du Tséma’h Tsédek à son petit-fils délivre également un enseignement. Chaque Juif qui prend la décision de se circoncire, conformément aux termes du verset : « vous circoncirez le prépuce de votre cœur »(8), en d’autres termes de supprimer tous les obstacles et toutes les barrières l’empêchant de s’approcher de D.ieu, mérite effectivement sa révélation(9).

La leçon délivrée par le second récit s’applique aux relations entre les hommes. Un enfant juif est touché par la peine et la honte de son prochain(10). En effet, il est clair que les larmes du Rabbi Rachab, après avoir humilié le couturier, n’étaient pas motivées par sa réaction, qui n’était pas adaptée, car celle-ci avait été totalement involontaire. En fait, il pleurait parce que la honte du couturier le faisait souffrir. C’est, là encore, l’effet d’une bonne éducation(11).

Le Rabbi Rachab déclara(12) :
« Tout comme il est une Mitsva de la Torah, incombant à chaque Juif, de mettre les Tefillin chaque jour, de même, il est une obligation absolue, pour chacun, de méditer, au moins pendant une demi-heure(13), à l’éducation des enfants et de faire tout ce qui est en son pouvoir, ou même encore plus que cela, pour que les enfants suivent le droit chemin ».

C’est donc en constituant les Tsivot Hachem, les armées de D.ieu qui quitteront le présent exil, « avec nos jeunes et nos anciens, avec nos fils et nos filles »(14), que nous en serons nous-mêmes libérés, lors de la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia’h, très bientôt et de nos jours.

 

Notes

(1) Il naquit le 20 ‘Hechvan 5621 (1860) et il quitta ce monde le 2 Nissan 5680 (1920). On verra, à ce propos, la longue explication du Sefer Ha Toledot Rabbi Rachab, paru aux éditions Kehot, en 5736 (1976).
(2) Comme le précise le Rambam, dans ses Lois de ‘Haguiga, chapitre 3, au paragraphe 1.
(3) Et, qu’il n’avait donc nullement l’intention de la voler.
(4) Comme le texte l’a indiqué, il avait alors quatre ans !
(5) Il est bien clair qu’un discours comme : « si tu étudies bien, tu feras la Volonté de D.ieu, tu seras attaché à Lui, tu auras accompli une grande Mitsva » n’est nullement motivant, pour un jeune enfant.
(6) D’esprit.
(7) C’est l’explication qu’il donne dans son commentaire de la Michna, traité Sanhédrin, au début du chapitre ‘Hélek.
(8) Devarim 16. Il s’agit ici de la circoncision morale, qui fait suite à la circoncision physique, pratiquée à huit jours et qui est l’effet d’une bonne éducation.
(9) Qui est alors la conséquence naturelle de son effort pour s’approcher de Lui.
(10) De façon naturelle.
(11) Qui doit également conduire à ressentir la peine de l’autre.
(12) Comme le rapporte le Hayom Yom, à la page 13.
(13) Le Rabbi, dans l’une de ses causeries, déclara ceci, à ce propos : « Le Rabbi Rachab parla d’une demi-heure en fonction de la situation, à son époque. De nos jours, ce laps de temps n’est pas suffisant. Il doit être bien plus long ».
(14) Chemot 10, 9.