Par le Rav Haïm Mellul
Recherche du ‘Hamets
Si l’on appliquait strictement la loi, il serait inutile de placer dix morceaux de pain dur en différents endroits de la maison, car la Mitsva consiste à rechercher le ‘Hamets et non à le trouver. De fait, si l’on ne trouve rien du tout, on n’en a pas moins accompli la Mitsva.
Pour autant, la coutume de les placer s’est répandue. Elle est donc devenue partie intégrante de la Torah et ne doit pas être remise en cause. De plus, elle permet de disposer de ‘Hamets que l’on pourra brûler le lendemain, ce qui est également une Mitsva.
On choisit du pain dur, afin qu’il ne s’émiette pas et l’on entoure chacun des dix morceaux avec du papier. L’ensemble de ces dix morceaux doit représenter plus d’un Ka Zaït, soit 25,6 grammes.
La vérification est faite à la lueur d’une bougie de cire, avec une plume de volaille. Celui qui effectue cette vérification dépose le ‘Hamets qu’il trouve dans un sachet de papier.
A la fin de la vérification, on place ce sac, la plume, les restes de la bougie, s’il y en a, dans le creux d’une cuillère en bois, on entoure le tout de papier, à l’exception du manche de la cuillère, qui reste découvert et l’on referme le tout, par un fil enroulé de nombreuses fois puis attaché sur le papier.
La recherche du ‘Hamets a lieu après la prière d’Arvit. En l’absence d’une prière publique fixée, il est arrivé que le précédent Rabbi effectue la recherche entre Min’ha et Arvit, puis dise la prière d’Arvit après la recherche.
On a coutume de consacrer un temps particulièrement long à cette recherche et de l’effectuer jusque dans les fentes du sol. Toutefois, aucune durée spécifique n’a été précisée, à ce propos.
On ne parle pas entre le début de la bénédiction et la recherche, même pour donner une précision en rapport avec la recherche. De fait, il est bon de ne pas parler, pendant la totalité de cette recherche, de ce qui ne la concerne pas.
On placera les membres de sa famille près de soi, afin que tous entendent la bénédiction. Puis, chacun fera la recherche de son côté, en commençant par une pièce voisine de l’endroit où cette bénédiction a été récitée. En revanche, on n’ira pas directement rechercher dans une autre pièce.
Le Rabbi, pendant cette recherche, ne porte pas la ceinture de prière. Il tient la bougie de la main gauche et la plume de la main droite. Le sac est tenu par celui qui l’accompagne dans cette recherche.
On a coutume de placer des morceaux de pain dur en différents endroits, quelques temps avant la recherche, afin que celui qui l’effectue puisse les trouver. D’après la Kabbala, il convient d’en disposer dix morceaux. Avant de commencer la recherche, on récite la bénédiction suivante :
Barou’h ata Ado-naï Elo-hénou mélè’h haolam achère kidéchanou bémitsvotav vétsivanou al biour ‘hamets.
Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi de l’univers, Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’éliminer le ‘Hamets.
On fera cette recherche, à la lueur d’une bougie, dans tous les endroits cachés, y compris les crevasses du sol. On ne doit pas parler entre la bénédiction et le début de la recherche, pas même de ce qui concerne cette recherche proprement dite. Pendant toute la durée de celle-ci, on ne parlera pas de ce qui ne la concerne pas. Les membres de la famille se tiendront à proximité, afin d’entendre la bénédiction. Puis, chacun effectuera la recherche en son endroit, sans s’interrompre par la moindre parole. On fera en sorte de commencer cette recherche dans la pièce le plus proche du lieu où l’on a entendu la bénédiction. Après celle-ci, on ne se rendra pas tout de suite dans une autre pièce. A l’issue de la recherche, il faudra placer le ‘Hamets conservé pour être mangé ou brûlé au matin, dans un endroit sûr, afin qu’il ne soit pas transporté et émietté par des enfants ou des rongeurs. Après avoir recherché le ‘Hamets, on doit annuler celui que l’on n’aurait pas trouvé, au moyen de la formule suivante :
Kol ‘hamira va’hamia dé-ika virchouti, déla ‘hamité oudéla viarté oudéla yédana lé libatèle véléévé héfkère kéafra déara.
Tout levain et tout ce qui est produit levé qui se trouve en ma possession, que je n’ai pas vu et que je n’ai pas détruit et dont je n’ai pas connaissance, qu’il soit considéré comme nul et sans propriétaire comme poussière de la terre.
L’interdiction du ‘Hamets, à Pessa’h
Il est rare de trouver une substance rejetée par la Torah d’une manière aussi absolue que le ‘Hamets. En l’occurrence, le levain est formellement interdit depuis la seconde moitié du jour du 14 Nissan jusqu’à la fin de la fête. Pendant toute cette période, il ne peut être ni consommé, ni utilisé, ni même présent dans le domaine d’un Juif. Le ‘Hamets est une pâte qui a levé, un mélange de farine et d’eau qui a fermenté et dont le volume a gonflé.
Ainsi, le levain est le symbole de l’égoïsme et de la fierté. Un homme a « levé » lorsque le ferment de son importance personnelle lui faire perdre la juste mesure de la place qu’il occupe, dans le monde de D.ieu. Une telle personne ne se basera que sur son ego démesuré et sur ses passions exacerbées.
C’est précisément pour cela que l’interdiction du ‘Hamets, à Pessa’h, est si sévère, si stricte. Il n’est pas d’autre situation, dans laquelle la Torah interdit non seulement de consommer la plus infime quantité d’une certaine substance, d’en tirer le moindre bénéfice, mais aussi, tout simplement, de la posséder.
Pour autant, cette interdiction si grave n’est en vigueur que huit jours par an. Et, l’on retrouve également cette dualité dans les offrandes qui étaient apportées dans le Temple. Tout au long de l’année, celles-ci ne devaient pas comporter de ‘Hamets. A Chavouot, par contre, on offrait deux pains et la Torah précise que ceux-ci devaient être ‘Hamets.
Pessa’h marque la constitution d’Israël en tant que peuple. D.ieu libéra alors un groupe d’esclaves des quarante neuf portes de l’impureté, du paganisme de l’Egypte. Il leur demanda de se diriger vers le mont Sinaï et, à Chavouot, Il fit d’Israël Sa fiancée éternelle.
Pessa’h et Chavouot sont reliés par le compte des quarante neuf jours de l’Omer. Pendant cette période, nous devons, quotidiennement, compter le nombre de jours qui se sont écoulés depuis l’exode d’Egypte.
Les maîtres de la Kabbala expliquent que le caractère de l’homme est constitué de sept émotions fondamentales, chacune comprenant toutes les autres en elle et formant ainsi, au total, ses quarante neuf attributs sentimentaux. C’est la raison pour laquelle la société profondément dépravée de l’Egypte est définie comme la représentation morale de la quarante neuvième porte de l’impureté.
En parallèle à ces portes de l’impureté, on définit aussi les « quarante neuf portes de la compréhension », par l’intermédiaire desquelles l’homme réalise l’élévation de chaque aspect de son caractère. C’est en combinant ces deux éléments que l’on peut définir les quarante neuf jours séparant Pessa’h de Chavouot.
Le premier jour de Pessa’h libéra physiquement les enfants d’Israël du mal de l’Egypte. Néanmoins, il leur fallait encore se défaire de l’Egypte personnelle qu’ils portaient en eux. Ainsi, chaque jour permit l’exode intérieur d’une « porte de l’impureté » égyptienne et l’entrée dans une nouvelle « porte de la compréhension ». A l’issue des quarante neuf jours, la pureté nécessaire pour obtenir la révélation de Chavouot était atteinte.
La différence entre Pessa’h et Chavouot, pour ce qui concerne le ‘Hamets, est donc la suivante.
Celui dont la personnalité est encore animée par des pulsions négatives se trouve dans l’impossibilité de sublimer le trait de caractère le plus fort et le plus corruptible à la fois, la fierté. C’est la raison pour laquelle, tout de suite après l’exode d’Egypte, le ‘Hamets fut banni.
Par la suite, après avoir atteint l’affinement découlant des quarante neuf compartiments du cœur à la fois, l’homme pourra accomplir une Mitsva, pertinente et souhaitable, en offrant le ‘Hamets à D.ieu. A ce stade, la fierté ne sera plus le ‘Hamets gonflé qui est proscrit, à Pessa’h, mais plutôt le sentiment, dépourvu de tout égoïsme, de l’homme qui a chassé de son cœur tout intérêt personnel, qui se consacre uniquement au service du Créateur.
Une telle fierté n’est pas inspirée par ce que l’on est ou par ce que l’on a accompli. Elle est l’expression de la majesté de Celui Que l’on sert, par chacune de ses pensées, de ses paroles et de ses actions.
Le sens profond de la Mitsva de la Bdikat Hamets
Dans la soirée précédant Pessa’h, Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, l’Admour Hazaken, dit à ses disciples :
« Nous rechercherons bientôt le ‘Hamets, conformément à l’enseignement de la Michna selon lequel, à la veille du 14 Nissan, on le recherche dans toutes les fissures et les crevasses de la maison, à la lueur d’une bougie ».
Rechercher le ‘Hamets va bien au delà du retrait de chaque particule de levain physique, se trouvant dans la maison d’un Juif. En effet, il faut aussi se départir du ‘Hamets spirituel, de la fierté qui conduit à gonfler sa propre personne. Et, il doit en être ainsi en chaque fissure et en chaque crevasse que peuvent comporter les quatorze éléments qui constituent la personnalité, soit les sept traits de caractère de l’âme animale et les sept de l’âme divine.
Cette recherche doit également être effectuée à la lueur d’une bougie, par la ‘bougie de D.ieu’, qui est ‘l’âme de l’homme’. »
Cette année-là, en 5525 (1765), le 13 Nissan, Rabbi Chnéor Zalman fut absorbé par ses préparatifs à la recherche du ‘Hamets, au point de ne pas manger, toute la journée. Il ne jeûna pas, car il est interdit de le faire, pendant le mois de Nissan. Pour autant, il ne mangea pas non plus. La recherche se poursuivit pendant toute la nuit, alors que Rabbi Chnéor Zalman et son épouse habitaient alors une maison ne comptant qu’une seule pièce.
A l’issue de cette recherche, Rabbi Chnéor Zalman donna une interprétation mystique de la Michna : « A la veille du 14, on recherche le ‘Hamets, à la lueur d’une bougie ». Il dit :
« Le mot E’had, un, a pour valeur numérique treize. Il fait allusion à la connaissance de D.ieu et, de ce fait, il rend inutile toute recherche ».
Le chiffre quatorze correspond aux sept sentiments de l’âme divine et aux sept de l’âme animale. A ce stade, une recherche est effectivement nécessaire et elle doit être effectuée à la lueur d’une bougie, terme qui fait référence à l’âme, ainsi qu’il est dit : ‘La bougie de D.ieu est l’âme de l’homme’.
Et, cette recherche doit porter sur la totalité de son être, tout comme on recherche le ‘Hamets jusque dans les fentes et les crevasses. »
De fait, les mots ‘Hamets et Matsa possèdent deux lettres communes, le Mêm et le Tsaddik. La troisième, en revanche, est différente, Hé pour la Matsa, ‘Heth pour le ‘Hamets. Or, le Hé et le ‘Heth ont des formes similaires. Ils sont constitués de trois traits et ont une ouverture, à la base. Néanmoins, le Hé est également ouvert vers le haut, alors que le ‘Heth est fermé.
L’ouverture à la base fait allusion au verset suivant : ‘La faute guette à la porte’. Mais, l’ouverture en hauteur introduit la possibilité de s’élever, grâce à la Techouva.
Ainsi, l’homme qui est empli de lui-même, comme le ‘Hamets, trébuchera plus aisément devant la faute. Bien plus, il cherchera à justifier rationnellement son mauvais choix.
A l’opposé, celui qui est humble comme la Matsa s’écartera plus résolument de la transgression. S’il agit mal, il le regrettera sincèrement et franchira aussitôt la porte de la Techouva.
L’explication du Ari Zal
Le Zohar dit que « celui qui mange du ‘Hamets, à Pessa’h, est considéré comme s’il servait les idoles ».
Le Ari Zal souligne que celui qui s’efforce de ne pas même consommer la quantité la plus infime de ‘Hamets, à Pessa’h, est assuré de ne pas commettre de fautes, tout au long de l’année.
Cela veut dire qu’il ne commettra pas ces fautes par inadvertance, car, bien évidemment, il n’en perd pas pour autant son libre arbitre.
Or Learbaa Assar : A la lumière du quatorze
La Michna du traité Pessa’him précise qu’il est inutile de rechercher le ‘Hamets dans un endroit où il n’a pas été introduit. De fait, dans la dimension profonde d’un cœur juif, à l’origine de son attachement profond à D.ieu, il ne peut jamais y avoir de ‘Hamets. C’est donc seulement aux stades plus bas de son âme que l’on doit le rechercher.
La Michna, précisant, en outre, que la recherche du ‘Hamets est effectuée à la veille du 14 Nissan, dit : « A la lumière du quatorze ». Elle fait ainsi allusion à l’introduction des sept émotions de l’âme divine dans les sept émotions de l’âme animale, qui est nécessaire pour que cette recherche puisse être effectuée.
Un jeune garçon prend pleinement possession de son bon penchant à l’âge treize ans, c’est-à-dire « à la lumière de quatorze », après l’achèvement de treize années de « pénombre », uniquement livrées à l’âme animale. Dès qu’il a atteint l’âge de treize ans, un jeune Juif est tenu de « rechercher le ‘Hamets ».