Traduit par le Rav Haim Mellul

 

Le Rabbi: La Torah du peuple juif est définie comme une Torah de vérité, ce qui implique qu’elle ne change pas en traversant le temps et l’espace.

Aussi, de même que, dans les générations passées, la Torah était une Torah de vie qui a fourni des réponses à tous les problèmes qui sont apparus et se sont posés à nos ancêtres dans le désert, de même, à notre époque, elle reste le milieu qui englobe la vie de l’homme toute entière, du moment où il sort du ventre de sa mère à la fin de sa vie. En elle se trouvera la réponse adéquate à tous les problèmes et les besoins de l’individu et de la collectivité aussi bien dans nos générations que dans les générations à venir.

Aussi, il n’est pas besoin et il est même interdit de la transformer et l’adapter si l’on peut dire aux besoins ou aux points de vue qui dominent de nos jours, car D.ieu, Qui donne la Torah, a prévu à l’avance et a créé des êtres correspondant en tout temps et en tout endroit à ce qui est écrit en elle.

Plus encore, tous les événements rapportés dans la Torah, événements déjà passés, ont une signification actuelle. Par exemple, quand il est dit dans la Genèse: «Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance», plusieurs explications sont données à ce verset. L’une d’elles est que l’homme a été Créé à l’exemple d’en haut: chez l’homme se trouve une certaine unité à l’exemple de D.ieu qui est l’Un véritable, d’une unité sans pareil, supportant tous contraires.

L’homme est composé de contraires: son corps physique entre dans le domaine des choses perceptibles par les cinq sens de l’homme (la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat et le toucher) mais d’autre part, la notion d»homme» contient l’idée d’une âme spirituelle, échappant à toute définition physique.

Par exemple, le lien qui lie entre eux deux êtres chers n’est pas un lien physique, de chair et d’os, mais il relève des forces de l’âme et de l’esprit qui sont la composante principale de l’homme et de son être.

L’homme réunit différents composants et les intègre, et, lorsque l’âme s’unit au corps, il est appelé un «être humain», de même que D.ieu est «un» et intègre les contraires. Mais en D.ieu, la notion d’unité est au niveau le plus haut, le plus entier et le plus total. Cette unité s’exprime à travers l’unité révélée en toutes les parties du monde. C’est pourquoi D.ieu ne désire pas la guerre entre les peuples ou toute sorte de dispute, comme nous disent nos Sages:
«D.ieu n’a pu trouver meilleur réceptacle à la bénédiction que la paix».

Plus encore, les penchants bons et mauvais de l’homme arrivent à converger et à s’unir lorsqu’ils recherchent le même but. C’est justement grâce aux tentations que le corps et le mauvais penchant présentent à l’âme, qui réussit à les vaincre et à dominer le corps et ses désirs jusqu’à le changer en bien, par une éducation adéquate, que le corps et l’âme arrivent à une plénitude véritable.

Le Rabbi a parlé d’intégration. Parmi mes étudiants, je trouve une grande aspiration à trouver des relations et une influence réciproque entre la Tradition et les sciences, le Saint et le profane, mais la littérature à ce propos est réduite. Qu’en pense le Rabbi?

Le monothéisme est un concept qui n’admet pas la notion d’influence réciproque car Lui, béni soit-Il, se trouve en tout lieu et en toute chose du monde, «nul endroit n’est vide de Lui». De ce fait, tout est contenu dans l’être de D.ieu et l’on ne peut parler d’influence réciproque entre deux existences alors que D.ieu est la seule existence réelle.

Si quelqu’un pense que D.ieu domine les sept cieux et a abandonné la Terre, loin de nous cette pensée ce qui implique qu’il existe deux pouvoirs distincts, ce n’est plus du monothéisme mais du polythéisme. Le vrai monothéisme consiste à comprendre que toute la Création est englobée dans l’unité de D.ieu, béni-soit-Il. Si, lorsque l’homme prie, il ressent et accepte le joug divin, mais dès qu’il termine sa prière pour vaquer à ses occupations, il se sent soumis à un autre pouvoir, c’est une forme caractéristique d’idolâtrie. On peut aisément conclure en ce qui concerne la supposée «influence» des sciences profanes sur la Tradition.

En fait, une telle influence n’existe aucunement, puisque toutes les sciences véritables sont contenues dans la Torah et en découlent hormis les
«sciences» fondées sur des bases fausses qui n’en sont pas.

Plus encore, les experts scientifiques savent de façon certaine que le but des recherches des hommes de science est de trouver le point commun entre les différents phénomènes naturels. Il existe une relation profonde entre l’électronique, l’acoustique, la physique et les mathématiques. La plus grande découverte d’Einstein fut d’avoir réussi à trouver le lien entre l’énergie et la matière. Celui qui trouvera la relation entre l’électricité et le champ gravitationnel méritera un renom encore plus grand. Il ne peut exister de séparation entre les différents domaines de la science, l’acoustique, la mathématique, la philosophie et la religion relèvent toutes de cette même unité.

Les formules exprimant ce point commun existent déjà mais attendent l’homme qui aura le mérite de les révéler. Le fait que l’on n’ait pas encore trouvé ces formules ne nous empêche pas d’y faire référence, comme si elles étaient déjà connues. Comme le dit le Talmud, le manque de connaissance n’est pas un obstacle.

Par exemple: si quelqu’un trouve une nouvelle théorie géométrique, cela n’enlève rien à la force qu’avait cette théorie jusqu’à présent. Elle existait dans toute sa vérité depuis le début des temps mais ne s’est révélée que maintenant.

Le point commun entre les différentes composantes de notre monde se révèlera un jour, cela ne fait pas de doute. Pourquoi donc ne pas tenir compte dès maintenant des conclusions qui découlent de ces formules?

A propos de la réponse donnée tout à l’heure par le Rabbi dans laquelle il conseillait de simplifier autant que possible le cheminement de l’enseignement. Est-ce que cela signifiait qu’il fallait utiliser des mots et des notions simples ou qu’il fallait simplifier ou même changer le contenu de cette enseignement? Cette question est posée du point de vue pédagogique.

La chose dépend du sujet qu’on enseigne. Si c’est un sujet fondamental, il est hors de question de le changer. Je n’ai encore jamais rencontré de point fondamental impossible à expliquer à l’aide de notions simples.

La Torah, donnée en présence de six cent mille hommes qui n’étaient pas tous érudits ainsi que de nombreux enfants, fut transmise de façon à ce que tous puissent la comprendre.

La question peut alors se pose dans quel but les dix commandements ont-ils été dits avec «tonnerre et éclairs» et «le mont était enfumé» alors qu’en fin de compte toutes ces paroles étaient des vérités fondamentales et simples «honore ton père et ta mère», «tu ne voleras point» etc…, des idées compréhensibles et admises par tout le monde.

L’une des réponses à cette question est la suivante: les notions les plus simples et évidentes elles-mêmes ne pénètrent profondément dans l’esprit des gens que lorsqu’elles sont prodiguées, greffées à un événement inhabituel, surnaturel ou sortant de l’ordinaire, comme une révolution etc… C’est seulement alors que l’on ressent les choses et qu’elles nous impressionnent de façon profonde et essentielle. Les dix commandements, donnés dans le tonnerre et les éclairs, ont pénétré au plus profond des âmes des Juifs. Le test révélateur s’exprime dans les épreuves et les souffrances que l’homme traverse pour ces principes qu’il a acceptés et adoptés, et les combats qu’il faut mener pour eux.

Le peuple allemand est un bon exemple de cela. Dans l’époque qui a précédé la guerre, il avait atteint de hauts niveaux de culture, d’éthique, de philosophie, etc… Mais Pendant la guerre, ils se sont révélés comme des êtres au plus bas niveau de la perversion, sans pareils dans le monde. Toute «’culture et le raffinement se sont envolés et ont disparu Comme s’ils n’avaient jamais été. Bien au contraire, leur perversion et leurs meurtres furent fondés sur leur vision philosophique du monde.

Ainsi, la civilisation avancée du peuple allemand a perdu toutsens eta cessé d’exister parce que la façon dont on l’a inculquée n’était que superficielle.

En conclusion: l’enseignement doit se faire dans un langage simple, mais de façon à laisser un impact dans les cours de ceux qui l’écoutent afin de conduire à des actions positives.

En regardant les écrits du Rabbi, on s’aperçoit que le Rabbi domine un certain nombre de sciences en plus de la Torah. Le Rabbi pense-t-il qu’un enseignant soucieux d’implanter dans le cour de ses élèves une connaissance du Judaïsme doit posséder de façon intégrale les points de vue de la Torah et de la science avant de les leur présenter ?

Je suis fondamentalement d’accord avec cela. Mais je pense qu’il faut éviter de trop élargir les sujets extérieurs au sujet principal, bien qu’il se puisse que ces sujets soient en rapport avec lui d’une façon ou d’une autre. Cette extension peut amener à obscurcir le sujet principal au lieu de l’éclairer.

De même, il faut éviter de s’attarder sur les détails de relativement peu d’importance ou d’entrer dans des dissertations arides car l’élève perdra le fil du sujet et le principal se trouvera manquant.

J’illustrerai ce que je viens de dire par une anecdote qui a eu lieu avec un professeur en médecine dont j’ai suivi les conférences dans le passé. Quand il apprit l’anatomie et s’intéressa à l’anatomie du pied, il s’investit complètement dans le sujet au point de connaître chacun des muscles du pied et son fonctionnement. Il s’approfondit sur toutes les interactions entre ces différents muscles que l’homme doit déclencher lorsqu’il marche. Lorsqu’il eut terminé et voulut se lever pour partir, il ne put faire un seul pas. La pensée même de tous ces muscles qu’il faut mettre en branle pour marcher le gênait au plus haut point.

De plus, je dirai qu’il faut présenter les principes du Judaïsme comme des concepts clairs sans questionnement ni philosophie superflue, car il se pourrait que cette philosophie même éveille des doutes dans le cour de l’élève, doutes qui ne seraient pas apparus sans elle. De même, il me semble qu’il faut présenter le Judaïsme comme une chose qui se suffit à elle-même sans comparaisons avec d’autres religions. On gagnera ainsi du temps et les idées seront plus évidentes et claires. I’ va sans dire que si des doutes s’éveillent dans le cour de l’élève et qu’il se pose des questions, on se doit de lui répondre et d’enlever ces doutes.

Mais, cependant, si nous ne tenons pas compte des doutes possibles, l’élève peut penser que nous n’avons pas de réponses aux questions qui pouffaient se poser.

Malgré tout, je pense qu’il ne faut pas tenir compte de ces doutes tant que l’élève ne les éveillera pas de lui-même. Lorsque l’on répondra alors, il aura la preuve que l’on peut y faire face ou qu’il manque de connaissances dans les domaines qui le préoccupent.

On peut illustrer cette attitude par l’exemple suivant: bien que l’on fasse une injection à un malade, personne ne pensera faire cette même piqûre à un homme en bonne santé.

Nous savons que nos élèves apprennent les sciences profanes qui sont sources de contradictions avec la Torah. Devons-nous essayer de résoudre ces contradictions?

J’ai été étudiant en Russie, en France et en Allemagne et j’ai eu la preuve que 95% des étudiants ne s’identifiaient aux idées enseignées dans les différents cours qu’ils prenaient et leur point de vue sur le monde n’en subissait aucune influence.

Les étudiants russes étaient plus incroyants que les étudiants américains mais apprenaient quand même la philosophie qui posait le problème de l’existence de D.ieu. Ce qu’ils retiraient du sujet pouvait être comparé à ce que l’on retire des études de dentisterie. Il y avait bien certains étudiants chez qui ces sujets réveillaient des questions, mais ils ne représentaient que 5% de l’ensemble. Leur relation au contenu de leurs études se résumait à la poursuite de la réussite des n’admet pas ces hypothèses de base, l’on n’arrivera, au moyen de la science, à aucune conclusion. A l’époque de Maïmonide, les hommes de science pensaient être arrivés à la vérité absolue. Malgré cela, de nos jours, les scientifiques affirment, à la Sorbonne, à Berlin aussi bien qu’à Columbia University ou en d’autres lieux, qu’ils ne connaissent pas cette vérité absolue. Par exemple, à l’époque de Copernic, on affirmait que la Terre était fixe et que le soleil tournait autour d’elle et l’on a même brûlé sur des bûchers ceux qui contredisaient cette affirmation, alors qu’Einstein a déclaré qu’il n’y a aucune possibilité de décider qui tourne autour de qui sans détruire les fondements mêmes de la science.

Le Rabbi a parlé un certain nombre de fois de la vérité suprême. Où voit-on que la Torah traite de cette vérité absolue? Comment le Rabbi définirait-il le Judaïsme en quelques mots?

Votre question me rappelle celle du prosélyte qui, dans le Talmud, posa une question semblable à Hillel Hazakène.

Le Judaïsme ne fait pas abstraction de la vie active et n’est pas limité à un certain nombre d’actions de l’homme. Au contraire, elle recouvre tous les domaines de la vie de l’homme, tout au long de ses jours et à tout instant de la journée. Cela vient du fait que D.ieu fait exister et vivre toutes les créatures dans leurs moindres détails à chaque instant, les surveille et ne se contente pas de la création première qui eut lieu lors des six jours de la Création. Car s’Il s’arrêtait loin de nous cette pensée l’espace d’un instant même, de créer et de faire vivre les créatures, la création retournerait au néant comme avant que le monde ait été créé.

Aussi, il n’y a ni hasard ni événement fortuit, tout a été créé dans un but divin et chacun de nous se doit de remplir sa mission divine et le but pour lequel il a été créé, en tant que partie du dessein divin général de la création du monde.

De même, tout détail de la création doit être utilisé pour le but divin afin de compléter le dessein général de la création du monde.

Qu’en est-il alors du libre-arbitre?

L’homme a toujours la possibilité de bien ou mal agir, mais ces actions ne peuvent être accomplies que sur les bases définies par la norme divine.

Que penser de l’athée, qui ne semble pas apte à accepter la foi en l’unité de D.ieu?

Tout Juif est apte à croire car tout Juif a la force de recevoir cette foi. D.ieu nous a créés et nous a donné l’ordre de croire qu’Il est Un et, de ce fait, Il nous a créés de façon à ce que nous puissions accomplir ce précepte. S’il nous manquait loin de nous cette pensée la possibilité de croire en Son unité, ce serait une contradiction à Sa toute-puissance.

S’il en est ainsi, pourquoi l’homme n’est-il pas parfait?

L’homme arrivé à la perfection n’a plus de raison de croire. L’imperfection est là pour donner à l’homme un but à poursuivre.

Le fait que D.ieu sache tout ne contredit-il pas le principe du libre- arbitre?

Il semble que cette contradiction trouble beaucoup d’esprits bien qu’en fait, elle ne soit qu’illusoire. Ce processus peut être illustré par l’exemple d’un devin qui aurait la possibilité de prévoir les événements (nous ne discuterons pas ici du bien fondé de cette possibilité; admettons, que grâce à un certain pouvoir, il puisse prévoir l’avenir). Malgré cela, il ne verra que ce que l’homme fera par sa propre volonté. La prévision des événements n’influence aucunement sur leur déroulement.

En passant, cela constitue une explication supplémentaire à l’expression de la Torah: «A notre image, à notre ressemblance». L’homme a un libre- arbitre car D.ieu est libre dans son choix, et s’il n’en était pas ainsi les concepts de «récompense» et «punition» ne seraient pas justifiés. Le Juif a la possibilité de choisir de faire le bien ou le mal et il n’a pas deux choix de faire le bien. Il doit donc choisir la façon qui coïncide au dessein divin afin de ne pas créer de dispersion.

Est-ce que D.ieu nous révèle «de nos jours» Sa volonté comme Il l’a fait au Mont Sinai?

Oui, mais d’une façon différente. La Révélation Sinaitique constituait
«le lien» qui s’est noué entre le Créateur et ses créatures. Il fallait donc que cette révélation se déroule comme elle s’est produite de façon à ne laisser subsister aucun doute. Telle est en fait la différence fondamentale entre la religion juive et les autres religions. Le bouddhisme, l’islam, le christianisme et toutes les autres religions sont fondés sur un récit ou un témoignage transmis par un seul homme ou un petit groupe de gens.

Le christianisme repose sur les récits d’un homme transmis à douze émissaires. L’islam a commencé par un événement dont un seul homme, si l’on peut dire, a été témoin et sur lui s’est fondée la transmission aux gens de sa tribu; il en est de même pour le bouddhisme ou les autres religions: toutes laissent place à de grands doutes.

Afin d’éviter tous ces doutes, la révélation Sinaïtique s’est produite devant
600.000 hommes adultes, sans compter les enfants. Et cette révélation s’est transmise non pas par des émissaires mais par des parents à des millions d’enfants. Ce fondement robuste a été donné afin que la Torah garde toute sa puissance devant les hésitations les plus grandes des agnostiques. Une fois la révélation Sinaïtique passée, un tel processus n’est plus utile puisque chaque génération de parents la transmet à ses enfants. Et puisqu’il n’est plus besoin de cette révélation, un tel événement ne s’est jamais reproduit. Le monde de D.ieu n’a pas de place pour des actes sans utilité, mais il n’y a aucun doute qu’un tel événement serait toujours encore possible si D.ieu en avait la volonté. Cependant, de temps à autre, chacun de nous ressent soudain qu’il arrive à des choses qui dépassent ses possibilités naturelles. Cette «force supplémentaire» est l’une des formes de la révélation de D.ieu en nous.

Est-ce que les rabbins peuvent de nos jours expliquer la Torah selon leur point de vue comme Maïmonide en a lui-même expliqué certains passages selon l’enseignement d’Aristote?

Cela n’est possible que si ces explications ne s’opposent pas à celles données au Mont Sinai. La pensée humaine se doit de concorder à la Torah qui fut donnée au Sinai. Un prophète qui contredit la Torah de Moïse est un faux prophète.

De la même façon qu’en physique il y a des règles de déduction qu’il faut a priori accepter, la Torah a elle aussi un système de règles de déduction et de commentaires. Si nous rencontrons dans une explication nouvelle une opposition à ces principes, il est de notre devoir de la rejeter. Maïmonide ne s’est servi du point de vue Aristotélicien que lorsqu’il traitait de récits homilétiques. Mais en aucun cas pour expliquer la Loi.

Comment se révèle l’unité de D.ieu dans notre monde?

Chaque chose de notre monde a au plus profond d’elle-même une étincelle divine qui la fait exister et vivre et il n’y a pas de différence qu’il s’agisse d’un être humain, d’un animal, d’un végétal ou d’un minéral. Le fond divin de chaque créature est unique et c’est pour cette raison que tous les détails de la création constituent une seule existence et se complètent mutuellement. Sans cette étincelle divine qui est en chaque créature, l’existence réelle de toute chose serait annulée. L’annulation d’une quelconque existence n’est jamais absolue car elle n’intervient qu’à un moment précis avant lequel cette existence était. Il n’en est pas de même de la négation de l’étincelle divine loin de nous cette pensée car cette négation provoquerait un retour au néant comme si cette existence n’avait jamais été créée.

D.ieu est «infini» et du fait qu’Il fasse vivre les créatures, Il leur transmet un peu de cette qualité. Aussi, est-ce une loi de la nature que rien ne perd son existence, car les atomes qui composent une chose existeront toujours par la volonté de D.ieu. Il est possible de détruire sa structure actuelle ou de la modifier mais en aucun cas de l’annuler. Une tache d’encre sur une table a une mesure et une forme définies et qui peuvent être changées mais son essence contient quelque chose d’impossible à détruire.

Tout cela constitue autant de révélations de l’unité du Créateur dans la nature.

Le point de vue de la science sur l’existence du monde ne contredît-il pas celui de la Torah?

La science n’a pas force de loi sur le processus de la création. La physique ne se préoccupe pas de philosophie, mais des êtres existants et de leurs transformations. Le but de la science est d’analyser les changements d’états des composants de l’univers. La création ex nihilo échappe au champ d’action du scientifique. Celui-ci s’intéressera aux changements de la matière, comme la transformation du plomb en or ou de l’or en plomb, ou même de la transformation du poisson en homme dans la mesure ou l’on admet ces pseudo théories mais ne peut analyser ce qu’il n’a jamais vu. Or il n’a jamais observé un tel processus de création.

S’il en est ainsi, peut-on accepter la Création comme un pur axiome de foi ou ce processus admet-il une base logique?

Cela ne relève pas uniquement de la foi. En mathématiques par exemple, s’il existe quatre réponses possibles et que l’on a prouvé que trois étaient fausses, il est logique d’en conclure que la quatrième est la bonne. Un tel procédé de déduction, c’est-à-dire d’exclusion des impossibilités, amène à conclure que D.ieu est le Créateur. C’est même une question de bon sens. En effet, il serait illogique de supposer que la chaise sur laquelle je suis assis n’a été faite par personne. Enfin, le bon sens nous dit que partout où se trouvent un ordre et une structure, nous devons supposer qu’une certaine force sous- entend cette structure.

Avant de terminer, je remarque qu’il y a des étudiants qui voudraient poser des questions, je voudrais les entendre eux aussi.

Le Rabbi a dit qu’il fallait vivre, dans notre vie quotidienne, selon les enseignements de la Torah. Cependant, certains parmi nous, ne peuvent l’accepter dans sa totalité. Le compromis a t-il alors une quelconque valeur? Par exemple, faire attention à manger cacher mais ne pas se couvrir la tête?…

Nul n’est parfait. Comme il est écrit «il n’existe pas de Juste sur terre qui fera le bien sans manquement». Même le plus grand des Justes peut avoir un manque d’un certain point de vue ou d’un autre. Mais cela ne suffit pas à entacher le bien qu’il fait et toute action entraîne l’homme vers d’autres bonnes actions.

Je voulais parler d’un compromis continuel par lequel quelqu’un déciderait que certains commandements ne l’intéressent pas.

Il n’y a pas de place pour le compromis dans la pratique des commandements. Cependant, chacun se doit de faire ce qui est en son pouvoir aujourd’hui et, demain ou dans un futur lointain, d’évoluer. D.ieu est très patient, mais pourquoi repousser à demain ce qui peut être fait aujourd’hui?…

Je viens d’une petite communauté et n’ai reçu aucune éducation juive. Le courant réformiste me semble superficiel et peu fondé mais, en même temps, je ne me pense pas apte à accomplir tout ce que demande le courant orthodoxe.

Mon opposition aux courants réformiste ou conservateur vient principalement du fait qu’ils soient prêts au compromis vis-à-vis des principes fondamentaux du Judaïsme.

Nos sages ont dit: «Tu n’as pas l’obligation de terminer le travail» (Maximes de nos pères 216). On n’exige pas que l’homme apprenne toute la Torah en une fois et qu’il l’accomplisse toute entière en une nuit. Vous êtes jeune, vous avez tout le temps devant vous et vous pouvez l’utiliser à des études et des bonnes actions qui peuvent dépasser celles de ceux qui ont reçu une éducation juive dès leur plus jeune âge. A commencer par le Houmach (Pentateuque), «l’abrégé du code de loi juive» et les récits du Talmud en anglais. Ne brûlez pas les étapes, apprenez un peu chaque jour en veillant à rester dans le bon chemin. Empêchez-vous de vous sentir rassasié comme si vous aviez atteint le sommet. Sachez que vous avez à quoi aspirer et que D.ieu vous donnera la force d’y arriver. Le Judaïsme proclame que tout homme doit aspirer à devenir chaque jour mieux que ce qu’il était jusqu’alors.

Vous en avez un exemple dans un récit du Talmud et comme tout récit du Talmud ou de la Bible, il est toujours actuel:

Rabbi Akiba avait quarante ans et il devait subvenir aux besoins de sa famille. Malgré cela, il commença à étudier la Torah depuis son début et il finit, avec le temps, par devenir l’un de nos plus grands maîtres de toutes les époques.

En d’autres termes: «rien ne résiste à la volonté».