Alors que l’Amérique du Nord attend avec impatience l’éclipse solaire totale du lundi 8 avril 2024 est une éclipse totale de Soleil, la 15ᵉ éclipse totale du XXIᵉ siècle, mais le 18ᵉ passage de l’ombre de la Lune sur Terre, une vague de préparatifs est en cours. Parallèlement, les prédicateurs fervents offrent diverses prédictions sur la signification de l’éclipse. Au milieu de ce spectacle, il devient impératif d’explorer le point de vue de la Torah sur un événement aussi monumental.
Par Rav Mikhael Dahan, Montréal
Selon le Talmud (Soukkah 29a), les éclipses sont généralement interprétées comme des signes de mauvais augure pour les Nations. Cette perspective découle du fait que le peuple juif suit un calendrier lunaire, où il est métaphoriquement comparé à la lune. Par conséquent, une éclipse lunaire est considérée comme un avertissement d’adversité pour la communauté juive. A l’inverse, puisque le calendrier profane suit un système solaire, une éclipse solaire est perçue comme un mauvais présage pour les adversaires du peuple juif.
De plus, le Talmud explore les causes possibles des éclipses, offrant un aperçu plus profond de leur signification.
« Une éclipse du soleil se produit pour les quatre raisons suivantes : pour n’avoir pas fait l’éloge funèbre d’un Av Beit Din (comparable au soleil, car il éclaire et clarifie les choses pour la communauté), pour n’avoir pas aidé une jeune fille fiancée quand elle a appelé à l’aide [pour la sauver d’un mauvais traitement], pour avoir commis l’adultère, et pour avoir tué deux frères le même jour. Pour les quatre raisons suivantes, la lune et les étoiles s’éclipsent : pour avoir commis un faux, pour de faux témoins, pour avoir laissé des moutons et des chèvres [paître dans les champs d’autrui] en terre d’Israël, et pour avoir coupé des arbres fruitiers. »
Ce passage talmudique a suscité de nombreux débats parmi les érudits et les sceptiques. Les critiques remettent souvent en question comment quelque chose d’aussi prévisible et d’aussi explicable scientifiquement qu’une éclipse pourrait avoir une quelconque incidence sur le bien-être humain. De plus, ils émettent des doutes quant à l’affirmation selon laquelle les actions humaines pourraient influencer des événements aussi réguliers et naturels que les éclipses. En effet, la récurrence d’éclipses similaires au cours du temps, y compris plusieurs semblables à celle qui est prévue dans le siècle à venir, remet en cause la notion d’une corrélation directe entre le comportement humain et les événements célestes.
Il est en effet largement reconnu que les érudits de la Torah possédaient une vaste connaissance non seulement de la science en général, mais aussi de l’astronomie en particulier. Le Rambam, dans son ouvrage sur les Lois de Kiddush Hachodesh, souligne l’importance de l’astronomie dans la vie juive, notamment dans l’établissement du calendrier et la déclaration des nouveaux mois. L’attention méticuleuse portée aux phénomènes astronomiques était indispensable à l’observance religieuse. De plus, les annales historiques indiquent que des personnalités non juives de premier plan ont recherché la sagesse des sages juifs sur des questions scientifiques (voir Bekhorot 8b et Pesahim 94b).
Dans ce contexte, il est évident que les déclarations de Haza »l concernant les éclipses n’étaient pas de simples affirmations infondées, mais étaient plutôt éclairées par une profonde compréhension de la mécanique céleste et de ses implications potentielles.
Le Shaloh (Noach, p. 274b) explique que voir l’éclipse lunaire implique un mauvais signe. Hashem veillerait à ce que seuls les pécheurs la voient. Cependant, s’ils ne pêchaient pas, le ciel serait couvert pour que l’éclipse ne soit pas visible. Le Rabbi fait valoir que cette interprétation soulève encore plus de questions, car le Talmud dit « pour les raisons suivantes, une éclipse se produit » et non « une éclipse est vue ». Il semble, d’après le Talmud, que la survenue même d’une éclipse soit une conséquence des péchés susmentionnés et non la vision de l’éclipse. De plus, dans des endroits sans nuages comme l’Égypte (voir Rachi Vayigash 47:10 et Vaera 7:17), l’éclipse serait toujours visible, indépendamment du comportement des gens.
Le Rabbi offre l’explication suivante (Likutei Sihot vol. XV). Le concept de « mazal », ou constellation, concerne l’alignement des étoiles dans des configurations spécifiques. Selon la tradition juive, certains jours ou moments sont considérés comme propices, annonçant un mazal favorable, tandis que d’autres sont jugés moins favorables, pouvant signaler un malheur, Dieu nous en préserve, en raison d’un mazal défavorable (voir Taanit 29a, Shabbat 129b, Shulhan Arukh Yoreh De’ah 179:2 et Zohar vol. III, p. 234a).
À ces moments particuliers, on pense que les mazalot peuvent exercer une influence sur les individus. De plus, le jour de naissance de quelqu’un est censé avoir un impact sur son caractère, comme l’explique Shabbat 126a. Par conséquent, certains mazalot sont censés contribuer aux inclinations d’une personne vers de bonnes ou de mauvaises tendances.
Cependant, il est essentiel de noter que malgré l’influence des tendances innées et des facteurs externes, le Rambam (Hilkhot Teshuva 5:4) affirme que les individus ont la capacité de transcender et de modifier ces prédispositions par leurs actes et leurs choix. Ainsi, bien que les mazalot puissent exercer une influence, ils ne déterminent pas ultimement le destin de quelqu’un, car les êtres humains ont le pouvoir de façonner leur propre voie.
En effet, lors de la survenue d’une éclipse, l’alignement des étoiles peut potentiellement rendre les individus plus susceptibles de succomber aux transgressions, y compris celles mentionnées précédemment. Par conséquent, une éclipse peut être perçue comme un signe de mauvais augure, car l’humanité peut être plus disposée à pécher pendant ces moments-là. Ainsi, ce ne sont pas nos actes qui causent directement l’éclipse, mais plutôt le phénomène céleste qui peut subtilement influencer nos comportements.
Dans cette optique, si le peuple juif adhère fermement à la volonté de Hashem, les effets de l’éclipse n’ont pas à être une source d’inquiétude. Tant qu’on ne laisse pas le mazal négatif dicter nos actions, nous ne méritons pas d’être punis. Par conséquent, accomplir la volonté de Hashem sert de sauvegarde contre les effets potentiellement néfastes des phénomènes célestes, assurant que les individus restent sur le chemin de la droiture malgré les influences extérieures.
La nation juive n’est pas confinée aux limites de la nature, y compris les corps célestes. Nous avons donc la capacité de transcender les contraintes du mazal par des actions vertueuses. Notre destin est plutôt intimement lié à notre conduite et à nos prières. Cela met en lumière la notion encourageante que nos actions, motivées par notre propre volonté, sont les principaux déterminants de notre destinée. Par conséquent, l’atteinte du bonheur et de la prospérité relève du libre arbitre humain. En choisissant de mener une vie guidée par les principes de la Torah et l’accomplissement spirituel, chacun peut activement cultiver des résultats positifs et des bénédictions dans sa vie, indépendamment des influences extérieures.