Rabbi Isaac Ashkenazi Louria, ou Luria, ou Loria, יצחק לוריא (Jérusalem 1534- Safed 15 juillet 1572), rabbin et kabbaliste, est considéré comme le penseur le plus profond du mysticisme juif parmi les plus grands et les plus célèbres, et le fondateur de l’école kabbalistique de Safed. Il fut même identifié par certains Sages comme étant le Machia`h ben Yossef.

On le connaît aussi sous le nom de Ari, acronyme qui signifiait à l’origine « Elohi (divin) Rabbi Isaac » mais qui est aussi traduit par « Ashkenazi Rabbi Isaac » ou « Adoneinu Rabbeinu Isaac » (notre maître, notre rabbin Isaac) selon les sources. Par ailleurs le mot hébreu Ari (ארי) signifie également « lion », Ari zal (Ari sa mémoire est une bénédiction) ou Ari hakadosh (le Saint Ari).

Rabbi Itshak Louria est l’auteur des théories qui constituent la kabbale lourianique. Elle a été exposée par plusieurs de ses disciples, principalement par Haïm Vital (1542-1620) et par Joseph Ibn Tabul (1545-1610), dans des ouvrages dont le plus connu est le Sefer Etz Hayyim (le Livre de l’Arbre de Vie).

La kabbale lourianique joue un rôle considérable dans la culture juive, et au-delà d’elle. Les traductions et les commentaires de Christian Knorr von Rosenroth (1636-1689) ou de François-Mercure Van Helmont (1614-1698) la diffusent en Europe dès le xviie siècle. Elle a fait l’objet de nombreuses études, notamment par les historiens Gershom Scholem(1897-1982) et Charles Mopsik (1956-2003).

Biographie

Rabbi Itshak Louria naît à Jérusalem. Son père, ashkénaze d’Europe centrale, y aurait immigré après son mariage avec une séfarade. À la mort prématurée de celui-ci, le jeune Isaac est élevé par sa mère, qui émigre en Égypte où son frère, Mordekhaï Frances, riche négociant, est installé.
L’année de ce déménagement est incertaine. D’après son propre témoignagne, il aurait étudié à Jérusalem auprès du kabbaliste Shem Tov ben Joseph ibn Shem Tov. Cependant, la tradition orale situe son arrivée chez son oncle à l’âge de sept ans. Rabbi Itshak Louria étudia dans une yéchiva sous la direction de David ben Salomon ibn Abi Zimra et de son successeur. Il s’y montra exceptionnellement doué, subvenant à ses besoins grâce au commerce et au négoce.

À 15 ans, il épousa la fille de son oncle, après quoi les époux se retirèrent dans une île sur le Nil qui appartenait à son oncle et beau-père. Rabbi Isaac Louria s’y consacra principalement au Zohar et aux œuvres kabbalistiques antérieures, mena une vie d’ascèse et commença à avoir des visions.

En 1569, à la suite d’un appel intérieur, il s’installa à Safed. Jouissant rapidement d’une forte réputation de poète mystique, il commença à enseigner la Kabbale en académie, et à prêcher dans les synagogues. S’intéressant particulièrement aux idées de Moïse Cordovero, il étudia la Kabbale avec lui jusqu’à la mort de celui-ci.
Lui-même mourut à Safed, à l’âge de 38 ans, au cours d’une épidémie, deux ans après son Maître Moïse Cordovero.

Rabbi Isaac Louria fut extrêmement révéré, ses disciples le créditaient de nombreux miracles, et le considéraient comme un saint (elohi, “divin”, n’est pas un terme honorifique fréquent dans le judaïsme. Il n’apparaît en réalité que pour lui.)

Sa vie à Safed

Rabbi Itshak Louria y organisa la vie de ses disciples qui s’établirent dans un quartier isolé. Le matin du Shabbat, il organisait des processions pour aller recueillir l’esprit éthéré de la reine de Chabbat dans les champs voisins. Après celles-ci, Rabbi Itshak Louria donnait en général des explications sur sa doctrine.

Sa doctrine

Le tabernacle de la synagogue Louria à Safed
Sa conception du monde est influencée par les questions qui traversent la diaspora juive au xvie siècle, traumatisée par l’expulsion d’Espagne et les méfaits de l’Inquisition. Rabbi Isaac Louria y trouve des explications étonnantes mais cohérentes, et entrevoit la fin des souffrances du peuple juif, ce qui explique le succès de ses thèses, et la vitesse à laquelle elles se sont propagées.

La kabbale lourianique

« Qu’est-il arrivé avant le commencement des temps pour que commencement il y ait ? » Jusqu’à ce que Rabbi Isaac Louria s’intéresse à cette question, le Dieu des religions n’avait d’intérêt qu’en tant qu’il se manifestait aux hommes. Le Dieu d’avant la création n’était ni un souci, ni un problème important, selon Charles Mopsik.

« Comment Dieu créa-t-il le monde ? – Comme un homme qui se concentre et contracte sa respiration, de sorte que le plus petit peut contenir le plus grand. Il a ainsi concentré Sa lumière dans une main, à Sa mesure, et le monde fut laissé dans les ténèbres, et dans ces ténèbres il tailla les rochers et sculpa la pierre », explique Rabbi Isaac Louria. Il conçoit ainsi le premier acte de Dieu. Nahmanide, un kabbaliste du xiiie siècle, imaginait déjà un mouvement de contraction originelle, mais jusqu’à Rabbi Itshak Louria, on n’avait jamais fait de cette idée un concept cosmologique fondamental, remarque Gershom Scholem.

« La principale originalité de la kabbale lourianique tient au fait que le premier acte de la divinité transcendante – une transcendance que les kabbalistes appellent le En Sof (l’Infini) – n’est pas « un acte de révélation et d’émanation, mais, au contraire, un acte de dissimulation et de restriction3».
Article détaillé : Kabbale lourianique.

Rabbi Itshak Louria postule que le temps et l’espace n’ont pas toujours existé. Trois concepts clefs articulent sa vison de la création du monde :
• Le tsimtsoum : le retrait (ou la contraction) de Dieu en lui-même pour laisser place à un vide où le En Sof, par l’intermédiaire d’une émanation lumineuse circulaire, procède à la création du monde en alimentant les dix réceptacles (les dix vases) appelés sefirot qui sont à l’origine de la vie et de la création.
• La chevirat hakelim ou brisure des vases : à cette création initiale en cercles lumineux concentriques s’ajoute un rayon en ligne droite appelé homme primordial. L’afflux de lumière qui en résulte fait éclater sept vases, parmi les dix, en dispersant la lumière divine sous forme d’étincelles attachées aux débris qui se répandent dans le monde.
• Le tikkun ou réparation : c’est à l’homme qu’incombe la tâche de réparer les vases. Pour ce faire, l’homme doit agir à l’intérieur de lui-même pour exhumer les étincelles de lumière divine en les libérant des choses qui les emprisonnent.

Rabbi Itshak Louria porte son attention sur le respect des commandements divins (les Mitzvot), sur la nourriture en particulier. Mais, plus généralement, il conçoit que « tout objet, tout lieu dans l’espace, est porteur d’étincelles lumineuses qui attendent depuis le commencement des temps une libération » remarque Charles Mopsik. «Rabbi Isaac Louria distinguait partout dans la nature, dans les sources d’eaux vives, les arbres, les oiseaux, des âmes de justes et des étincelles de lumière aspirant à la délivrance, il entendait leur appel et tout son enseignement visait à exposer les moyens de contribuer à l’œuvre rédemptrice universelle».