Lorsqu’un objet est utilisé pour accomplir sa fonction et son but, il est élevé. Lorsque l’âme remplit son but et purifie le corps et l’âme animale, elle est élevée, « quand tu élèvera… ». Nous devons nous efforcer d’éclairer d’autres âmes juives de manière à ce qu’elles éclairent également d’autres âmes.

 

Discours du Rabbi de Chabbat Parachat Behaalote’ha, 21 Sivan, 5729.
(Torat Menachem Vol. 50, p. 325 et suiv.)

 

1 – La Paracha commence avec les mots « Quand tu monteras les lampes », faisant référence à l’allumage du chandelier dans le Temple. Cette instruction est précise, indiquant que l’allumage doit être fait d’une manière spécifique, d’une manière qui « monte ».

Rachi, interprète ce passage en disant qu’il faut allumer les lampes « jusqu’à ce que la flamme monte d’elle-même ». En d’autres termes, l’acte d’allumer ne doit pas seulement être une initiation, mais doit s’assurer que la flamme est capable de continuer à brûler de manière autonome.

En effet, cette interprétation peut également être appliquée à un niveau plus profond, concernant l’âme humaine elle-même. Le Likoutei Torah établit une analogie entre les lampes du chandelier et les âmes humaines, en se basant sur le verset biblique qui dit « la lampe de l’Éternel est l’âme de l’homme ».

Le devoir des prêtres, qui sont décrits comme « les envoyés du Miséricordieux » et « notre table » (selon les deux opinions citées), est d’allumer et d’éclairer toutes les âmes d’Israël. Ce n’est pas un simple geste de lancement : tout comme l’allumage des lampes du chandelier, le travail des prêtres doit être fait de manière à ce que chaque âme, chaque « lampe », puisse continuer à briller de son propre éclat, à « monter d’elle-même ».

Vous soulevez une question très pertinente. Pourquoi la Torah utilise-t-elle spécifiquement le verbe « monter » au lieu de « allumer » ou « éclairer », ce qui semble être une description plus précise et directe de l’acte d’allumer les lampes du chandelier ?

Le langage précis de la Torah n’est jamais accidentel et chaque mot a une signification profonde. Ici, le mot « monter » peut être interprété comme une référence à l’élévation spirituelle. Dans le contexte de la Paracha, les lampes du chandelier ne sont pas simplement allumées ou éclairées, mais elles sont « élevées ». C’est-à-dire que le processus d’allumage n’est pas simplement un acte physique, mais aussi un acte spirituel qui implique une élévation de l’âme.

2 –  Pour comprendre cela, il faut d’abord :

Ce que vous exprimez reflète une idée fondamentale du judaïsme concernant le rôle de l’humanité dans la création. Bien que D.ieu soit le créateur suprême de l’univers, et que cela est universellement reconnu (comme l’indique la citation que « le nom des cieux est dans la bouche de tous »), cela n’implique pas que le rôle de l’homme est simplement passif. Au contraire, les êtres humains ont un rôle actif et important à jouer dans le processus de la création.

La Torah nous dit « que D.ieu a créé pour faire », une phrase qui est interprétée comme signifiant « pour réparer ». C’est un appel à l’humanité pour continuer le travail de la création, non pas en créant de nouvelles choses ex nihilo, mais en révélant, en perfectionnant, et en élevant les choses que D.ieu a déjà créées.

C’est une mission qui nécessite un engagement actif de la part de l’homme. Comme le dit le verset, « vous êtes appelés homme », soulignant l’importance et la responsabilité de notre rôle. Nous sommes appelés à « monter », à nous élever et à élever le monde qui nous entoure, dans un acte de co-création avec le Divin.

D.ieu a le pouvoir unique de créer quelque chose à partir de rien, un concept connu sous le nom de « creation ex nihilo ». Il s’agit d’une capacité divine qui transcende la compréhension et les capacités humaines. Même si toutes les créatures du monde se réunissaient, elles ne pourraient pas créer même une petite mouche à partir de rien.

Cependant, cela ne signifie pas que l’homme n’a pas de rôle significatif à jouer dans la création. Bien que nous ne puissions pas créer de manière ex nihilo, notre mission consiste à découvrir, à révéler et à rendre manifeste ce qui est déjà présent mais caché dans la création de D.ieu. Ce travail consiste à reconnaître la divinité inhérente à la création et à l’élever à son plein potentiel. En faisant cela, nous participons à l’œuvre de la création de manière significative et valorisante.

Selon le Talmud (Chabbat 10a), en accomplissant les Mitsvot et en œuvrant pour la bonté et la justice dans le monde, l’homme « devient partenaire du Saint, béni soit-Il, dans l’œuvre de la création ».

Cette idée peut sembler paradoxale, étant donné la différence abyssale entre la capacité de D.ieu à créer ex nihilo et la capacité humaine à interagir avec ce qui a déjà été créé. Cependant, le concept de partenariat dans ce contexte n’implique pas une égalité stricte en termes de capacités ou de contributions. Au lieu de cela, il met l’accent sur la signification et la valeur de l’engagement humain dans l’œuvre de la création.

Dans ce partenariat, le rôle de l’homme est de révéler et de manifester les potentialités cachées dans la création, tout en cherchant à vivre selon les valeurs et les commandements de la Torah. Ce faisant, l’homme contribue de manière unique à l’œuvre de la création et participe activement à l’accomplissement du dessein divin pour le monde.

Le partenariat dont il est question ici est donc de nature qualitative et non quantitative. Il ne s’agit pas de mesurer la contribution de l’homme par rapport à celle de D.ieu en termes de taille ou de volume, mais plutôt de reconnaître l’importance de l’engagement humain dans la poursuite des objectifs divins. Ce partenariat est basé sur une collaboration mutuelle dans laquelle chaque partie a un rôle crucial à jouer, et ce rôle est respecté et valorisé pour sa contribution unique à l’ensemble du projet.

3 –  À première vue, il semble difficile de comprendre comment la part d’un homme juif pourrait être équivalente à celle du Saint, béni soit-Il. En effet, le Saint, béni soit-Il, a créé le monde à partir de rien, tandis que le travail des Juifs consiste principalement à révéler ce qui est caché, ce qui n’est pas comparable à la création ex nihilo.

De plus, la grandeur et l’importance de la création par le Saint, béni soit-Il, sont immenses. Cela est illustré par une histoire du Talmud dans le traité Taanit. Cette histoire relate la rencontre d’un des Tannaïm avec un homme extrêmement laid. En lui disant : « Comme cet homme est laid… « , il lui fut répondu : « Va et dis à l’artisan qui m’a fait… ». Autrement dit, bien qu’il ne s’agissait pas d’un mensonge, loin de là, il n’aurait pas dû faire cette remarque car il n’aurait pas dû se concentrer sur le défaut apparent de cet homme, mais plutôt sur sa valeur intrinsèque – qu’il a été créé par le Saint, béni soit-Il. C’est pourquoi il lui fallait se repentir.

Comme il est clairement expliqué dans le Tanya, en se référant précisément aux mots des Sages : « Aime les créatures et rapproche-les de la Torah » – même ceux qui sont simplement appelés « créatures », c’est-à-dire que toute leur valeur réside dans le fait qu’ils ont été créés par le Saint, béni soit-Il. On doit donc les attirer avec de forts liens d’amour. Cela implique que même envers eux, il doit y avoir une manifestation de l’amour juif, et cela jusqu’à l’application du principe « et tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Étant donné l’importance majeure de la création par le Saint, béni soit-Il, comment est-il alors possible qu’un Juif, en œuvrant dans le monde pour révéler ce qui est caché, devienne « partenaire du Saint, béni soit-Il » à un degré égal ?

4 – L’explication en est la suivante :

Lorsqu’un aspect de la création demeure seulement caché (en puissance), il y a en réalité une lacune, et cette lacune ne se réduit pas seulement à une absence de perfection, mais traduit également un non-accomplissement de son objectif ultime. En effet, bien que cet aspect existe en puissance, il existait également à l’état de potentiel avant même la création du monde. L’innovation véritable de la création du monde réside donc dans la matérialisation de ce potentiel, à commencer par la révélation des forces supérieures à travers la création elle-même, qui est l’objectif final de la création : « pour qu’ils Me connaissent », c’est-à-dire pour révéler la grandeur du Créateur.

C’est précisément par le travail de l’homme (« faire », « réparer ») que l’intention de la création se réalise pleinement en ce qui concerne cette révélation, la révélation de la divinité dans le monde. Ainsi, non seulement le travail de l’homme constitue une sorte de partenariat (« un partenaire du Saint, béni soit-Il, dans l’œuvre de la création ») sur un pied d’égalité, mais il va même au-delà – il complète aussi la part du Saint, béni soit-Il.

5 – Tout cela peut être compris par la métaphore de la bougie :

Tant que la bougie n’est pas allumée et ne brille pas – il est évident, même à l’esprit le plus simple, que bien que la bougie existe, son objectif final n’est pas encore accompli. Ce n’est que lorsqu’elle est allumée et qu’elle brille qu’elle atteint son but – tant en ce qui concerne l’espace éclairé par elle, qu’elle-même, car en étant allumée et en brillant, elle s’élève. Avant d’être allumée et de briller, elle est à son niveau le plus bas – un simple objet inanimé, et lorsqu’elle est allumée et brille, elle atteint son niveau le plus élevé, ayant accompli le but de sa création.

Il en va de même – et même plus encore – dans l’équivalent spirituel, concernant « la bougie de l’Éternel, l’âme de l’homme ». Tant qu’elle n’est pas allumée et ne brille pas, bien qu’il y ait la bougie (le réceptacle), l’huile et la mèche, l’essentiel de son but fait toujours défaut (comme le disait le Baal Shem Tov, il peut y avoir une boîte remplie de bougies qui ne brillent pas, etc.). Il est donc nécessaire d’allumer les bougies pour qu’elles brillent.

Et pas seulement cela, mais « il faut allumer jusqu’à ce que la flamme monte d’elle-même » – agir de sorte qu’elle atteigne un état et une position où elle n’a pas besoin de l’aide ou du soutien d’autrui, pas même de « l’aide du Saint, béni soit-Il », pourrait-on dire, car « en vérité, ton travail sera couronné de succès », c’est-à-dire atteindre un état et une position où « mon cœur est vide en moi », c’est-à-dire « il n’a pas de désir malveillant car il l’a tué par le jeûne », comme David, et plus que cela : comme Abraham, car il est écrit à son sujet « tu as trouvé son cœur fidèle devant toi », donc il n’a pas besoin d’aide du tout, comme un fils qui ne dépend pas de la table de son père, ce qui est le degré le plus élevé.

Et quand on allume les bougies et qu’elles brillent etc. – alors les bougies atteignent leur perfection et leur élévation, c’est-à-dire, en plus du fait qu’elles ont accompli leur intention d’éclairer le monde, elles atteignent elles-mêmes la perfection et l’élévation (les âmes).

Et précédemment :

Dans le Tanya, il est expliqué que « l’âme elle-même n’a pas besoin de correction du tout, etc., et n’a pas besoin de se vêtir dans ce monde, etc., sauf pour corriger l’âme animale et le corps, etc. ». Cela peut sembler contradictoire avec ce qui est expliqué à plusieurs reprises dans le service divin à propos de la descente de l’âme qui est une descente pour une élévation.

Cependant, il faut comprendre que l’objectif initial de la descente est la purification du corps et de l’âme animale. Cette seule raison justifie la descente de l’âme. Cependant, une fois que l’âme a accompli sa mission et son service, elle reçoit, car « D.ieu ne prive aucune créature de sa récompense », une « récompense sans fin », ce qui entraîne une « élévation grande et merveilleuse sans fin ».

Plus encore, l’élévation qui se produit dans l’âme par l’accomplissement de sa mission est plus grande que celle qui se produit dans le corps et l’âme animale. L’âme atteint une élévation de « ressemblera au corps du Roi », qui est quelque chose qui n’existe pas dans ce monde.

6 – Selon cela, nous devons interpréter précisément le terme « lorsque tu montes, la flamme monte, etc. », comme une véritable ascension – car par l’allumage, il y a une élévation dans la bougie.

C’est pour cette raison que toute la section est appelée « lorsque tu montes » – car le but de toutes les questions, comme celle de « et quand l’arche se mettait en marche » et toutes les autres questions de la section, est une question de « lorsque tu montes » – une question d’élévation, qui est l’objectif visé.

De là, il est également compris concernant celui qui allume la bougie, que lorsqu’il allume la bougie, et jusqu’à ce que « la flamme monte d’elle-même », alors il y a aussi une élévation en lui. C’est-à-dire que tout comme il y a une élévation dans la bougie qui atteint sa perfection par son allumage (comme mentionné précédemment), il y a également une élévation chez celui qui allume la bougie, car il a accompli la perfection dans la création.

7 – L’enseignement est le suivant :

Les enfants d’Israël doivent être « des bougies pour éclairer » – influencer d’autres Juifs, etc. Et puisqu’il doit y avoir « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », on doit agir sur son prochain pour qu’il soit aussi « une bougie pour éclairer » comme lui, c’est-à-dire que l’action sur l’autre doit être faite de manière à « allumer pour qu’il puisse allumer ».

C’est pourquoi l’interaction avec l’autre doit être réalisée de manière à « Voici les lois que tu placeras devant eux », « comme une table dressée et prête à manger devant l’homme ». Autrement dit, il ne faut pas se contenter de lui apprendre une fois, etc., en disant qu’on a déjà rempli sa mission, mais il faut étudier avec lui jusqu’à ce qu’il connaisse lui-même tous les détails de la question, et d’une manière à « mettre devant eux », de sorte qu’il imprègne son intérieur pour en faire sa propre affaire (« une chose à lui »). C’est ce qui est dit juste après le don de la Torah, qu’il doit être fait d’une manière de révélation d’en haut, et après cela commence le travail de l’homme, à partir de l’étude de la Torah (car le commencement de toutes choses est de la Torah), qui doit être fait de manière à « Voici les lois que tu placeras devant eux ». Et de la Torah, cette question est poursuivie dans tous les autres domaines.

Il est évident que l’action à cet égard doit être faite de manière zélée, et avec joie et un visage radieux. Car « tout le monde est jaloux sauf son fils et son élève », et puisqu’il le considère comme son élève, il voudra lui donner de plus en plus, et cela ne lui importera pas qu’après cela, il n’aura plus besoin de lui.

Cette conduite attire toutes les bénédictions, à commencer par la question de la lumière – « D.ieu illumine leurs deux yeux » (comme cité dans l’introduction du Tanya), et jusqu’à éclairer le monde entier, à l’image du chandelier qui n’éclairait pas seulement le Temple, mais de manière à ce que de lui sa lumière sorte dans le monde entier, et jusqu’à ce que « les nations marchent à Ta Lumière ».

(Discours de Chabbat Parachat Behaalote’ha, 21 Sivan, 5729. Torat Menachem Vol. 50, p. 325 et suiv.)