Daniel Haïk : Bonjour Rav Israël Arnauve, merci d’être avec nous ce matin. Je rappelle à nos auditeurs que vous êtes le Chalia’h du mouvement Chabad-Loubavitch dans le nord de Tel Aviv, dédié à la communauté francophone qui est notablement présente, il faut le souligner, à Tel Aviv et plus particulièrement dans le nord de la ville. Nous avons sollicité votre intervention pour évoquer cette vidéo virale que tout le monde a vue ces derniers jours. Il s’agit de cette femme israélienne laïque qui interpelle des jeunes israéliens en train de mettre des Téfilines avec l’un de vos collègues, un rabbin, sur la place Habima, non loin du théâtre Habima. Cette vidéo a été largement diffusée sur les réseaux sociaux, elle a été vue et partagée par de nombreuses personnes qui ont été choquées par les propos de cette femme, qui critiquait ces jeunes pour leur prétendue endoctrination par le Chalia’h Habad alors qu’ils n’étaient en réalité qu’en train de mettre les Téfilines.

Tout d’abord, je voudrais savoir si cette vidéo reflète l’état d’esprit que vous constatez vous-même dans le nord de Tel Aviv?

Rav Israël Arnauve : Alors, je vais vous dire la vérité. Avec les stands de Téfilines que nous avons dans le nord de Tel Aviv, nous avons été un peu partout à Tel Aviv. Dans 99%, voire même 99,9% des cas, la réaction est positive. Les gens sont disposés à mettre des Téfilines, et ceux qui ne le souhaitent pas disent simplement « non merci » et ça s’arrête là. Très rarement, nous avons une réaction comme celle-ci, où quelqu’un vient filmer et importune un peu la personne qui tient le stand. En réalité, c’est un cas sur 10 000, peut-être même moins. C’est vraiment très rare, même ici à Tel Aviv, même dans le nord de Tel Aviv. Au maximum, nous rencontrons de l’indifférence, et la personne s’en va.

Et peut-être même une réaction contraire, c’est-à-dire que même des gens laïcs vous encouragent dans cette initiative de mettre les Téfilines?

Au quotidien, nous recevons toutes sortes d’encouragements. Des gens viennent mettre les Téfilines, ils nous soutiennent, et vous seriez peut-être surpris de voir quelqu’un qui n’a pas forcément une allure religieuse venir et dire, après avoir mis les Téfilines : « Est-ce que ça vous dérange si je reste avec vous un petit quart d’heure, une petite demi-heure, pour moi aussi à mon tour proposer de mettre les Téfilines aux passants ? » Alors, à son tour, il prendra un coin du stand, aura une paire de Téfilines dans les mains, et demandera aux passants s’ils veulent mettre les Téfilines. Nous sommes donc très encouragés, et cela concerne la grande majorité de la population, même ici, au nord de Tel Aviv.

Comment alors expliquez-vous cette vidéo virale qui circule sur les réseaux sociaux ? Est-ce parce que c’est rare ici ou parce que nous sommes dans un contexte de tension aujourd’hui dans la société israélienne entre les laïques et les religieux orthodoxes ?

Je dirais que c’est une combinaison des deux aspects. D’une part, la viralité sur les réseaux sociaux aujourd’hui n’a pas forcément une signification profonde. Elle peut prendre une tournure incontrôlable et parfois, la personne qui a partagé le contenu original ne s’attendait pas à ce que cela se propage aussi rapidement et devienne si viral. Aujourd’hui, c’est une vidéo, publiée, je pense, sur tous les réseaux sociaux et diffusée sur toutes les chaînes de télévision israéliennes. D’autre part, je pense que sa popularité est également liée à la tension actuelle en Israël.

Il est important de le souligner, et c’est quelque chose que j’ai moi-même observé : même ces personnes qui viennent filmer et qui peuvent parfois se montrer très agressives, quand je les prends à part, peut-être pas devant la table à Téfilines ou quelque chose qui les agace particulièrement, peu importe la raison, on découvre au final quelque chose de très singulier.

Le Rabbi maintient toujours que chaque Juif porte en lui une âme juive. Fondamentalement, chaque personne est bonne. Parfois, il faut creuser un peu plus profondément, tandis qu’à d’autres moments, il ne s’agit que d’une fine couche de poussière à éliminer. Mais chaque fois que nous creusons, nous finissons par trouver de l’eau vive, tout comme les patriarches qui creusaient des puits dans l’Antiquité. Nous découvrons ainsi une Néchama qui a toujours été présente.

Je pense donc qu’en réalité, même ces personnes, qui semblent très en colère et très agressives, représentant comme nous l’avons mentionné plus tôt une minorité, ont au plus profond d’elles-mêmes cette Néchama, cette âme juive, qui les relie de manière profonde au peuple juif et qui demeure bonne en leur for intérieur. Ainsi, je pense que leur comportement peut être lié à une certaine pression extérieure, un état superficiel de la situation actuelle en Israël.

Je voudrais profiter de cette occasion pour revenir un peu sur ce Mivtsa des Téfilines, parce que c’est le Rabbi de Loubavitch, si je ne me trompe pas, qui a initié ce Mivtsa juste avant la guerre des Six Jours, il y a près de 56 ans. Et cette opération s’est véritablement développée, et c’est, d’une certaine manière, l’un des symboles du mouvement Loubavitch.

En effet, c’était en 1967, juste avant la guerre des Six Jours, le Rabbi de Loubavitch a parlé de l’importance des Téfilines, de l’importance de les porter, et le verset de la Torah nous dit : « Et les nations verront que le nom de Dieu est invoqué sur toi. » La Guémara nous dit que ce sont les « Téfilines ». Le Rabbi a alors lancé cette célèbre campagne des Téfilines.

Initialement, l’action se déroulait principalement dans les bases militaires et sur le front. Le jour suivant, une fois que le message a été relayé en Israël depuis les États-Unis, des centaines, voire des milliers de hassidim de Loubavitch se sont rendus dans les bases et les camps militaires pour aider les soldats à mettre les Téfilines. Par la suite, cela s’est étendu non seulement en Israël, mais dans le monde entier.

Moi-même, ayant grandi en France à Paris, ayant étudié un peu en Angleterre et ensuite aux États-Unis, j’avais un stand de Téfilines le vendredi lorsque nous sortions de la yéchiva, pour permettre à ceux qui le souhaitaient de mettre les Téfilines. Je n’ai jamais rencontré d’opposition ni eu de problème, que ce soit en Angleterre, en France, aux États-Unis, et même en Israël, y compris dans le nord de Tel Aviv.

En effet, même ces dernières semaines, il y a eu des tensions avec une Uéchiva israélienne qui voulait s’implanter et se développer.  D’un côté, nous voyons une opposition de certains, plus radicaux, mais même parmi les laïcs, nous constatons une volonté de rester unis, de maintenir une proximité avec la tradition?

Et je vais même aller plus loin : ce genre d’événements ou de vidéos touche une corde sensible chez le peuple juif. Dans cette période où il y a eu une opposition aux stands de Téfilines, on observe au contraire que, loin des réseaux sociaux et des chaînes de télévision, dans la réalité quotidienne, non seulement le nombre de personnes ne diminue pas, mais au contraire, il y a de plus en plus de personnes qui viennent et disent : « En temps normal, je n’aurais pas mis les Téfilines, même en vous voyant, mais compte tenu de la situation actuelle, je veux manifester mon soutien à ce mouvement du Rabbin Loubavitch. » Par conséquent, ils viennent et mettent les Téfilines.

Ainsi, non seulement les chiffres et les statistiques montrent que le nombre de personnes mettant les Téfilines n’a pas diminué, que l’activité des stands de Téfilines continue d’augmenter, mais cela a réveillé quelque chose, touché un point sensible. Une grande partie du peuple juif choisit maintenant de venir mettre les Téfilines sur ces différents stands, que ce soit à Tel Aviv ou ailleurs en Israël.

Alors, une dernière question. Le mouvement de Loubavitch est présent, même dans le nord de Tel Aviv, en particulier pour le public francophone. Pouvez-vous nous donner quelques informations sur votre activité.

Nous sommes en direct du nord de Tel Aviv, au parc Hayarkon. Nous avons un Bet Habad sur la rue Irmiyahou, juste à côté du port du nord de Tel Aviv. Nous proposons une variété d’activités pour les enfants, les adultes et les jeunes. Nous disposons d’un club pour adolescents pour les jeunes de 14 à 18 ans et d’un Gan Israël qui s’agrandit pour le mois d’août. Pour la première fois, nous organisons un Gan francophone dans le nord de Tel Aviv. Nous proposons des cours de Torah, des chiourim ; il y a vraiment une multitude d’activités pour tous.

BETH HABAD NORD TEL-AVIV
Yermiyahou 24 Tel Aviv-Jaffa, Israël

Rav Israël Arnauve : +972 58 750 0720
E-mail: [email protected]
Facebook: BethLoubavitchTLV