Le repas de Mélavé Malka, organisé au sortir du Chabbat, revêt une grande importance dans la pensée Hassidique. Au-delà de son rôle de prolongation de la sainteté du jour du repos, le Rabbi y voit un lien mystique avec la venue du Machia’h tant attendu. À travers ses enseignements sur les coutumes et les lois propres à ce moment charnière, le Rabbi révèle la dimension messianique du Mélavé Malka et son impact sur le processus de la Délivrance finale.

 

« Pour hâter la venue de la Rédemption, la meilleure chose à faire est d’organiser un repas de Mélavé Malka, appelé aussi le festin de David, Roi Machia’h. Faisons-le avec joie et enthousiasme, afin que le Machia’h se révèle ici-bas et nous conduise fièrement vers notre Terre promise, très bientôt. » Tels furent les mots concluant l’exceptionnel discours prononcé par le Rabbi de Loubavitch à l’issue du saint Chabbat de la paracha Bereshit en 1977, dans sa demeure.

Une semaine plus tard, le Rabbi insista de nouveau sur l’importance de célébrer la Mélavé Malka dans la joie, s’appuyant sur l’enseignement de l’Arizal selon lequel « il faut se réjouir lors de ce repas comme lors des festins de Chabbat ».

C’est ainsi que débuta une période (1977-1978) où les rassemblements hassidiques du Rabbi furent déplacés du Chabbat au samedi soir. La raison apparente était liée à sa santé, mais le Rabbi souligna à plusieurs reprises les mérites propres de ce changement.

Il expliqua notamment que selon nos Sages, il existe un lieu (Guéhinom) qui reste fermé durant tout le Chabbat et le samedi soir jusqu’à la fin de la prière du soir. Or, la Mélavé Malka étant liée à l’office du soir, ce lieu n’ouvre ses portes qu’à l’issue de ce repas, c’est-à-dire une fois le rassemblement hassidique terminé !

La Mélavé Malka, une nostalgie du Chabbat

Lors d’un discours à Hanoukka 1974, le Rabbi livra une réflexion édifiante : lorsqu’on a vécu un moment spécial, empreint de sainteté, et qu’il faut attendre longtemps avant de pouvoir revivre cette expérience, le fait que ce moment touche à sa fin devrait éveiller en nous un grand manque, une soif de nous rattacher à ce qui s’éloigne inexorablement.

Cette nostalgie témoigne de l’impact profond que cette chose élevée a eu sur notre être, au point de faire naître un désir intense de prolonger ce moment de grâce. Et cela nous « oblige » aussi à nous consacrer à des activités rappelant ce qui nous manque tant.

Ce principe s’exprime dans de nombreuses coutumes juives liées au samedi soir et à la sortie des fêtes, souligna le Rabbi. Cela se voit notamment dans le repas de Mélavé Malka, qui manifeste un attachement au Chabbat à travers un ultime festin, reflétant toute notre soif et notre mal du Chabbat.

Prolonger le Chabbat

Le Rabbi lui-même restait habillé en tenue de Chabbat le samedi soir. Il fit un jour une remarque à quelqu’un qui s’était empressé d’enfiler des vêtements de semaine, soulignant que son beau-père, le précédent Rabbi, restait aussi en habit du Chabbat durant toute la soirée du samedi.

Le Rabbi raconte qu’en 1963, pour la 150e Hilloula du Admour Hazaken, celui-ci tint un grand rassemblement le Chabbat et le samedi soir. Un Admour hassidique y participa, portant Shtreimel le Chabbat mais qui avait mis un chapeau ordinaire le soir. Le Rabbi lui fit alors remarquer : « Le samedi soir aussi, il faut porter les vêtements du Chabbat ».

Ne pas dépenser d’argent le samedi soir

Dans une lettre de 1970, le Rabbi écrivit en marge : « Notre coutume est de s’abstenir de donner de l’argent le samedi soir ». Il rapporta que son beau-père rendait systématiquement l’argent qu’on lui rapportait le samedi soir, et ne l’acceptait que le dimanche. Il raconta aussi que le Rabbi Rachab avait pour usage de dire à son épouse que si elle avait besoin d’argent, elle ne devait pas lui en demander le samedi soir mais avant ou le lendemain du Chabbat. Car manipuler de l’argent le samedi soir n’est pas signe de bénédiction.

Mais pour la Tsédaka, c’est permis !

À trois reprises pourtant, le Rabbi conclut que s’agissant de Tsédaka, il était permis et même souhaitable de la pratiquer le samedi soir. Ainsi, en 1958, il encouragea à donner au plus vite pour un projet, malgré les réticences liées au samedi soir, car « le projet ayant débuté lors d’une date propice, il n’y avait rien à craindre ».

Le Rabbi raconta aussi qu’étant à Vienne, il avait fait un don à une synagogue un soir, et quelqu’un lui avait fait remarquer que selon les écrits kabbalistiques, la nuit n’était pas un bon moment pour la Tsédaka. Lorsqu’il rapporta cela à son beau-père, celui-ci répondit : « On dirait que ce donneur de leçons ne donne pas non plus la Tsédaka le jour… ».

En 1979, organisant une collecte un samedi soir passé minuit, le Rabbi expliqua : « Comme nous sommes samedi soir, profitons de faire la Tsédaka devant un large public, dans un lieu et un moment saints ! En effet, le zèle est toujours bon, et pour une cause si importante, utilisons la permission donnée par le Talmud au sujet des 4 coupes de vin de Pessa’h, qui ne se combinent que pour le bien. De plus, l’argent collecté maintenant ne sera utilisé qu’après la fin du Chabbat ! »

Coutume révélatrice des Temps messianiques

En 1983, le Rabbi demanda qu’on distribue des billets de Tsédaka le samedi soir et expliqua longuement : « Il est d’usage, surtout dans ce pays, d’organiser les collectes de fonds précisément lors des repas de Mélavé Malka, donc le samedi soir. Et ce, même pour ceux qui connaissent les restrictions à ce sujet. C’est une pratique très répandue. »

Le Rabbi précisa que si des Sages reconnus agissent ainsi, c’est bien la preuve que cette conduite est conforme à la Torah. Et il en donna l’explication profonde : « À l’approche des temps messianiques, l’essentiel du service divin est la Tsédaka. Étant à la fin de l’exil, heure où la Tsédaka a une importance capitale, toutes les limitations à ce sujet le samedi soir sont levées, vu l’enjeu du moment. C’est aussi pourquoi cette coutume a démarré aux États-Unis, particulièrement généreux dans la bienfaisance ».

Il ironisa : « L’explication superficielle est qu’en faisant les galas de Tsédaka le samedi soir, quand les participants sont libres, ils ne se presseront pas de partir dormir pour se lever tôt et vaquer à leurs affaires, et pourront écouter les longs discours des donateurs… »

Mais la vraie raison est l’urgence de la Tsédaka à l’ère messianique. De plus, cet argent était en fait déjà sorti de ma poche bien avant Chabbat, donc le distribuer n’est plus une dépense mais un don ! »

Et de conclure : « Que ceux qui craignaient de donner la Tsédaka le samedi soir n’aient plus peur et dominent leur ‘crainte du Ciel’ ! Et ils étudieront la Torah et pratiqueront les Mitsvot, à commencer par la Tsédaka, de façon redoublée ! »

Pour une Mitsva, c’est permis

Le Rabbi réitéra ces explications en 1985-86. La veille de Roch Hachana 1986, il précisa : « Faire la Tsédaka le samedi soir n’est pas en contradiction avec l’usage du Rabbi Rachab, qui ne concernait que le foyer. Pour une Mitsva si grande, c’est au contraire le moyen de repousser les forces négatives. Et je veux que cela se fasse à un moment propice, devant un large public, dans un lieu et un jour favorables. Car le samedi soir est lié au Roi Machia’h et la Tsédaka a le pouvoir de rapprocher la Délivrance… »

Mettre de l’ordre

Pour conclure un rassemblement au soir de Rosh Hashana 1964, le Rabbi déclara : « Voici le programme : à la sortie de Roch Hachana, nous étudierons assidûment la partie révélée et ésotérique de la Torah, nous accomplirons de nombreuses Mitsvot de la plus belle manière. Et avant toute chose, le Tout-Puissant nous accordera une bonne inscription pour une année douce à tous points de vue : progéniture, prospérité, bénédictions, réussites, délivrances et consolations, comme le souhaitent les femmes juives après la Havdala. Une année bonne matériellement et spirituellement. C’est ce qu’ordonne le nouveau « Comité d’organisation ». Il faut s’y conformer ! »