Pendant de nombreuses années, j’ai eu l’immense mérite d’apporter personnellement des Loulavim au Rabbi, peu avant la fête de Soukkot.

 

Rav Lévi Bistritski,
Rav de Tsfat

C’est parmi ces branches de palmier qu’il en choisissait une, pour son usage personnel. Les premières années, j’avais l’habitude d’entrer moi-même dans le bureau du Rabbi, en tenant ces Loulavim à la main et le Rabbi en choisissait alors un pour lui. Les dernières années, en revanche, cette organisation fut modifiée et, par la suite, le Rabbi choisissait les Loulavim à l’extérieur de son bureau, dans l’antichambre.

A l’origine, ce grand mérite me revint parce que mon père, le Rav Yehouda Leïb Bistritski, s’était associé, pendant quelques années, avec un commerçant israélien, qui importait des Loulavim, des Ethroguim et des Hadassim d’Erets Israël et les distribuait ensuite dans le monde entier. Le Rabbi utilisait, pour sa part, des Hadassim venant de Tsfat. Avant la fête Soukkot, je passais des heures à sélectionner, pour le Rabbi, les cent-vingt plus beaux Hadassim, parmi ceux qui avaient été importés de Tsfat. C’était avant la création de Kiryat ‘Habad, le quartier ‘Habad de Tsfat. Chaque année, quand le Rabbi voyait mon père, le premier jour de Soukkot, il lui disait : «Je me suis servi de vos Hadassim !».

On adressait également au Rabbi des Hadassim venant de plusieurs autres endroits du monde, notamment d’Argentine et d’une certaine région des Etats-Unis, mais une fois, le Rabbi indiqua à mon père qu’il se servait exclusivement des Hadassim de Tsfat. Quant à ceux qu’on lui envoyait de tout le reste du monde, il n’en prenait que trois.

Par la suite, quand Kiryat ‘Habad fut fondée, la même organisation fut maintenue et cela resta ainsi pendant de très nombreuses années. Je choisissais moi-même les Hadassim pour le Rabbi et il s’en servait. Le Rabbi n’a jamais revérifié leur validité, après que je l’ai moi-même fait. J’en apportais alors une grande botte au Rabbi et je lui indiquais qu’ils étaient vérifiés. Une fois, le Rabbi m’a dit clairement qu’il ne les revérifiait pas, par la suite.

Une certaine année, à la veille de Soukkot, vers midi, mon père reçut un appel téléphonique du Rav ‘Hadakov, le directeur du secrétariat du Rabbi, qui lui indiqua : «Le Rabbi demande si vous avez un beau Loulav, pour lui». Il s’avéra que, cette année-là, le Rabbi était déçu des Loulavim qu’on lui avait apportés.

A l’époque, on surveillait surtout les Ethroguim qui étaient apportés au Rabbi, alors que les Loulavim lui étaient, en général, transmis à la veille de la fête. Cette année-là, le Rabbi les avait inspectés et, tout de suite, après cela, le Rav ‘Hadakov avait appelé mon père, lui demandant s’il avait un beau Loulav pour lui. Il nous restait encore cinq-cents ou six-cents derniers Loulavim, parmi les milliers dont nous disposions, juste avant cela.

Ces six-cents Loulavim se trouvaient encore dans leur emballage d’origine, qui n’avait pas été ôté. Nous avons aussitôt fermé le magasin de mon père. Son associé, qui était un grand spécialiste, mon père et moi-même, nous avons alors inspectés tous les Loulavim qui restaient et nous avons mis les meilleurs de côté.

Nous avons organisé notre travail selon la conception de Chamaï l’ancien qui effectuait des achats pour le Chabbat tout au long de la semaine. En effet, celui-ci achetait un animal, pendant la semaine et il le consacrait au «saint Chabbat». Puis, par la suite chaque fois qu’il en trouvait un meilleur, il consommait le premier pendant la semaine et il gardait le second pour le Chabbat. C’est exactement ce que nous avons fait avec ces Loulavim.

Je me suis ensuite rendu chez le Rabbi, tenant à la main une trentaine de Loulavim, qui étaient noués ensemble. Ses secrétaires me firent entrer dans son bureau. Là, devant la table, il y avait deux fauteuils capitonnées en rouge, avec des accoudoirs, sur lesquels le Rabbi proposait à ceux qui venaient le consulter de s’asseoir. Je suis donc entré dans le bureau, où le Rabbi était seul. Il plaça l’un de ces fauteuils d’une certaine façon et j’ai alors pu disposer les Loulavim sur ses accoudoirs, puis je les ai tendus au Rabbi, un par un, afin qu’il les vérifie.

Par la suite, nous avons toujours procédé de cette façon-là, chaque année. J’entrais seul dans le bureau du Rabbi et je lui remettais une trentaine de beaux Loulavim, parmi lesquels il faisait son choix. Il m’est même arrivé d’apporter cinquante Loulavim, mais le Rabbi en choisissait trente.

Plus tard, lorsque j’ai eu le mérite de devenir l’un des émissaires du Rabbi à Tsfat, en 5736, j’ai cessé d’apporter des Loulavim au Rabbi. Les dernières années, on lui envoyait également des Hadassim provenant d’autres endroits. En revanche, il choisit toujours son Loulav parmi ceux de mon père.

Lorsque le Rabbi vérifiait un Loulav, il commençait par le saisir et l’observer en perspective, pour s’assurer qu’il était bien droit. Ensuite, il le faisait tourner vers la gauche, afin de vérifier sa couleur du côté droit et il le faisait tourner vers la droite, afin de vérifier sa couleur du côté gauche. Il fallait que son Loulav soit entièrement vert, jamais blanc. Ensuite, le Rabbi saisissait le Loulav et il vérifiait son sommet. Le Rabbi choisissait toujours un Loulav fermé par une pellicule marron.

Le Rabbi voulait effectivement que son Loulav soit hermétiquement fermé. Comme on le sait, il y a une discussion entre les Décisionnaires, à ce sujet : faut-il nécessairement savoir ce qu’il y a sous la pellicule marron, ou bien, dès lors que le Loulav pousse ainsi, doit-on considérer que la présence de cette pellicule atteste qu’il est fermé ? Le Rabbi optait pour le second avis et il choisissait donc le Loulav dont la pellicule était la plus marron et qui était le plus fermé.

Parfois, je signalais au Rabbi un Loulav répondant à cette définition en plaçant un bracelet élastique sur sa pointe. J’étais curieux de voir si ma sélection était la bonne et, à chaque fois, ce fut effectivement le cas. Il était étonnant d’observer la joie du Rabbi, quand il trouvait un Loulav digne de ce nom, dont il appréciait réellement la validité et la beauté.

Comme on le sait, le Rabbi distribuait aussi des Loulavim et des Ethroguim à certains de ses émissaires et à des représentants des différentes institutions, dans le monde. Là encore, il les choisissait lui-même. Et, comme il le faisait aussi dans les autres domaines, le Rabbi tenait à payer immédiatement ce dont il faisait l’acquisition, d’autant que, concernant ces quatre espèces de la fête de Soukkot, le verset précise : «vous prendrez pour vous», ce qui veut dire que l’on doit en être propriétaire.

Il y a, à ce sujet, une lettre du Rabbi, qui est imprimée dans le Chaareï Hala’ha Ou Minhag, dans laquelle il s’interroge sur la nécessité de payer les quatre espèces avant la fête, afin d’en être le propriétaire, ou bien s’il est possible de le faire avec une carte de crédit ou bien un chèque qui sera encaissé par la suite et d’être, néanmoins, considéré comme en étant propriétaire.

Il y a effectivement une discussion entre les Décisionnaires, à ce sujet et le Rabbi considère, pour sa part, que l’on n’est pas tenu de payer les quatre espèces de Soukkot avant la fête. Malgré cela, à différentes reprises, le Rabbi m’a remis lui-même le montant correspondant à son achat et même un dédommagement pour mon dérangement. Plusieurs fois, le Rabbi m’a remis cet argent en me disant : «Il y a une obligation d’acheter un cadeau à son épouse, avant la fête. Tu n’oublieras pas de le faire !».

Pour ce qui est de l’Ethrog, le Rabbi voulait, avant tout, qu’il soit totalement jaune. Le Rabbi n’aurait même pas regardé le plus bel Ethrog, s’il n’était pas jaune. La Hala’ha précise qu’on peut le jaunir, par exemple en l’entourant de pommes, mais le Rabbi n’a jamais eu recours à une telle pratique.

Le Rabbi observait aussi la taille et la forme de l’Ethrog. C’est uniquement après cela qu’il vérifiait sa netteté. S’agissant de la taille, le Rabbi optait pour un Ethrog assez gros, bien au-delà du minimum requis. Il faut se rappeler que, durant la fête, un Ethrog peut sécher et, bien plus, des milliers de personnes récitaient la bénédiction, chaque jour de Soukkot, sur celui du Rabbi. D’ores et déjà, à l’issue du premier jour, on voyait que l’Ethrog du Rabbi avait été très utilisé.

Le Rabbi ne prenait qu’un seul Ethrog de Calabre, celui sur lequel il récitait la bénédiction, le matin et qu’il secouait, pendant le Hallel. Mais, l’on sait que le Rabbi recevait également des Ethroguim d’Erets Israël et, après la prière, il secouait l’un d’eux.

De nombreuses années, on a pu observer que le Rabbi avait un Ethrog ayant une petite tige, à son sommet, le Pitom. En fait, chaque Ethrog en a un, à l’origine et c’est même l’un des signes distinctifs d’un Ethrog, mais, bien souvent, celui se détache, de lui-même. S’il tombe pendant que l’Ethrog est encore attaché à l’arbre, le fruit doit porter un creux, un renfoncement, à l’endroit du Pitom. On trouve une longue analyse du Tséma’h Tsédek à propos d’un Ethrog qui ne porterait pas un tel renfoncement et, à cette occasion, le Tséma’h Tsédek indique comment l’on peut reconnaître qu’il y avait bien un Pitom, à l’origine, mais que celui-ci est tombé par la suite.

Une certaine année, le Rabbi avait un Ethrog avec un large Pitom. Puis, lorsque quelqu’un a récité la bénédiction, celui-ci est tombé. D’ordinaire, le Rabbi se rendait dans la synagogue et la prière du matin commençait alors que ceux qui étaient dans la Soukka continuaient à réciter la bénédiction sur les quatre espèces du Rabbi. Et, on les lui apportait par la suite, juste avant la lecture du Hallel. Cette fois-là, celui qui apporta les quatre espèces au Rabbi lui précisa donc que le Pitom de l’Ethrog était tombé, mais le Rabbi le secoua tout de même, pendant le Hallel.

Mon père eut aussitôt connaissance de ce qui s’était passé. Il avait, parmi ses relations, un homme digne de confiance, à Brooklyn, qui importait des Ethroguim d’Italie et il savait qu’il en possédait une caisse encore fermée, en contenant plus d’une centaine. Il n’avait même pas eu le temps de l’ouvrir. Mon père s’est rendu chez lui, lui a pris la caisse et il lui a dit : «Si le Rabbi choisit l’un de ces Ethroguim, j’achèterai toute la caisse !».

Avant la fin de la prière, mon père se trouvait à la synagogue, avec la caisse, afin que le Rabbi choisisse un Ethrog. Le Rabbi lui accorda de nombreuses bénédictions pour ses efforts, mais il lui expliqua qu’un tel Ethrog ne permettrait pas de mettre en pratique les termes du verset :«Vous prendrez pour vous, le premier jour» et qu’il réciterait donc la bénédiction, les jours suivants, sur l’Ethrog de son épouse, la Rabbanit ‘Haya Mouchka.

C’est effectivement ce qu’il fit. Les jours suivants, le Rabbi se servit de l’Ethrog de son épouse. En effet, il disposait aussi des quatre espèces chez lui, dans sa maison. Il en faisait l’acquisition pour son épouse, la Rabbanit, alors que les siennes restaient dans son bureau, au 770.