Lettre du Rabbi, 6 Tichri 5737-1977

Lorsqu’un mois supplémentaire est ajouté à l’année juive, qui en compte alors treize au lieu de douze, celui-ci est précisément le mois d’Adar(1). La raison de cet ajout régulier d’un mois est bien simple. Le Rambam écrit, dans son Michné Torah, au début de ses Lois de la sanctification du nouveau mois :

« Les mois de l’année sont lunaires et les années que nous comptons sont solaires. Quel est le dépassement de l’année solaire par rapport à l’année lunaire ? Il est proche de onze jours. Aussi, lorsque la somme de ces dépassements atteint une trentaine de jours(2), on ajoute un mois supplémentaire et l’année a alors treize mois. C’est, en ce cas, une année embolismique ».

En d’autres termes, chaque mois est fixé selon les circonvolutions de la lune, dont le cycle compte un peu moins de trente jours. A l’inverse, l’année est solaire et elle compte trois cent soixante-cinq jours. Entre les douze mois lunaires et une année solaire, il y a donc une différence de onze jours.

C’est pour cette raison que l’on ajoute un mois supplémentaire tous les deux ou trois ans. Si on ne le faisait pas, la fête de Pessa’h pourrait être célébrée en hiver(3). Or, la Torah dit : « garde le mois du printemps »(4) et, de même, Soukkot doit être : « la fête de l’engrangement »(5).

Les calculs établissent qu’une année embolismique rattrape le retard accumulé par rapport à l’année solaire et qu’elle permet même de prendre de l’avance, pour l’avenir, en dépassant la différence. C’est de cette façon que les deux cycles sont strictement identiques, une fois tous les dix-neuf ans(6).

Chaque événement naturel a une source spirituelle, qui est à l’origine de son expression matérielle. Bien plus, c’est alors ce fait nouveau, dans sa dimension morale, qui provoque la situation équivalente, dans le monde(7).

C’est pour cette raison que chaque événement moral peut délivrer un enseignement à chacun. Pour cela, il suffit d’en rechercher la signification et le saint Baal Chem Tov en déduit qu’un Juif peut apprendre une leçon, pour le service du Créateur, de tout ce qu’il voit et de tout ce qu’il entend(8).

Il en résulte que la signification morale d’une année embolismique est particulièrement simple. Celle-ci souligne la nécessité de combler tous les manques, de réparer les défauts, d’atteindre la perfection de ses accomplissements moraux(9).

Ainsi, il est un grand principe du service de D.ieu selon lequel : « rien n’est jamais définitivement perdu »(10). Tout peut être réparé et la bassesse d’une situation morale ne doit pas susciter le découragement. Il est possible et donc nécessaire de réparer un manque d’étude de la Torah, de prière avec ferveur, de bonnes actions. C’est le sens de cette année embolismique et de son mois supplémentaire, celui d’Adar.

Bien plus, il est possible non seulement de réparer le passé, mais aussi de multiplier les bonnes actions, au-delà de son habitude, pour le futur, à titre « d’acompte » pour la période qui vient.

Ce qui vient d’être exposé peut être lié au fait que la Techouva permet de dépasser le niveau des Tsaddikim(11), comme on le sait. Elle permet, en effet, de servir D.ieu : « avec une énergie accrue »(12). Malgré les lacunes de ce service(13), il reste toujours possible de l’intensifier, à l’avenir, de faire un ajout à la Torah et aux Mitsvot, par la suite. Le Saint béni soit-Il demande qu’il en soit ainsi et Il accorde donc toutes les forces morales, toutes les capacités nécessaires pour y parvenir, dans la joie et l’enthousiasme(14).

Par ailleurs, une année embolismique délivre aussi un autre enseignement. Elle établit la synthèse entre les cycles solaire et lunaire. Le soleil délivre l’influence et la lune la reçoit(15). De même, il est parfois nécessaire de recevoir l’influence morale émanant de nos textes ou de nos maîtres de l’intégrer au profond de soi-même, alors que d’autres fois, ou même simultanément, il faut soi-même la donner, transmettre aux autres un contenu moral. Bien plus, ces deux aspects de la personnalité se complètent(16). Pour cela, ils doivent être parfaits, l’un et l’autre, dans toute la mesure du possible, jusqu’à atteindre la similitude la plus totale.

Chacun doit recevoir l’influence de la Torah, sa spiritualité et ses bonnes actions. Elle est, en effet, « la Torah que Moché nous a ordonnée »(17) et : « il est un équivalent de Moché en chaque génération »(18).

Simultanément, il faut rapprocher de la Torah et des Mitsvot toutes les personnes avec lesquelles on peut entrer en contact, ainsi qu’il est dit : « tu aimeras ton prochain comme toi-même »(19), se préoccuper de leur bien-être spirituel et matériel.

Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, disent : « aimes les créatures et rapproche-les de la Torah »(20), y compris celles qui n’ont pas d’autre qualité que d’avoir été créées par D.ieu(21). On doit aussi les aimer et les rapprocher de la Torah.

L’assurance a été donnée que : « à la fin de leur exil, les enfants d’Israël feront Techouva et ils seront aussitôt libérés »(22). Toutes leurs actions conduiront donc à une Techouva sincère, qui aura concrètement son effet et l’on obtiendra ainsi la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia’h, de façon immédiate.

 


Notes

(1) Selon le traité Roch Hachana 19b, avec les commentaires de Rachi et des Tossafot, de même que le Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm, chapitre 58, au paragraphe 10. On distingue alors Adar Richon, le premier Adar et Adar Chéni, le second Adar.
(2) Soit approximativement une fois tous les trois ans.
(3) Du fait du retard accumulé.
(4) Devarim 16, 1. Cela veut dire qu’il faut faire en sorte que la fête de Pessa’h survienne toujours au printemps.
(5) Chemot 34, 22. Elle est donc célébrée en automne.
(6) C’est ce que nos Sages appellent Ma’hzor Ha Katan, « la petite circonvolution ».
(7) Même si, dans la perception humaine, c’est l’inverse qui est vrai.
(8) On verra, à ce propos, le Hayom Yom, à la date du 9 Iyar, à la page 52. C’est de cette façon que l’on peut aller de l’avant.
(9) En effet, le verbe Lehachlim veut dire à la fois compléter ce qui a manqué et atteindre une plus haute perfection.
(10) On verra, sur ce point, le Hayom Yom, à la date du 14 Iyar, à la page 53.
(11) Qui n’ont jamais de contact avec le mal et ne peuvent donc pas le transformer en bien.
(12) Selon l’expression du Zohar, tome 1, à la page 129b. Celle que confèrent les expériences du passé à l’homme qui, ayant connu le mal, sait exactement ce qu’il est et désire sincèrement lui échapper.
(13) Inhérentes aux limites de l’homme.
(14) Qui sont indispensables au service de D.ieu, comme on l’a indiqué.
(15) On consultera, à ce sujet, le Sefer Ha Maamarim 5627, du Rabbi Maharach, à la page 8.
(16) Pour donner, il faut savoir recevoir et, pour recevoir, il faut savoir donner.
(8) Devarim 33, 4.
(9) Tikouneï Zohar, Tikoun n°69, aux pages 112a et 114a.
(19) Vaykra 19, 18.
(20) Traité Avot, chapitre 1, à la Michna 12.
(21) C’est pour cette raison que la Michna dit : « aime les créatures » plutôt que : « aime les hommes », par exemple.
(22) On verra, à ce propos, le Rambam, Lois de la Techouva, chapitre 7, au paragraphe 5.