Etude du Kovets Mattot-Massé – « Kefar : l’essence divine du villageois » – Rav Levi Azimov

KOVETS

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MEKOROT

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1 – Dans notre Paracha : Yaïr s’empare des « ‘Havote », des villages de l’ennemi

Matot 32, 41 : Yaïr, descendant de Menaché, alla et s’empara de leurs ‘Havote, qu’il nomma ‘Havote de Yaïr.

Rachi : Leurs ‘Havote. « Leurs villages » (selon la traduction d’Onqelos). Qu’il nomma ‘Havote de Yaïr. Comme il n’avait pas d’enfants, il appela [ces villages] à son nom, à titre de souvenir.

2 – Analyse : L’appellation « ‘Havote » désigne-t-elle des villes ou des villages ? 

Ezra Ibn : Havote. Des villes puissantes.

Radak sur Chmouel II 23, 11 : ‘Haya (de la même racine que ‘Hava). Une ville sans murailles.

Devarim 3, 4-14 : Nous prîmes alors toutes ses villes ; il n’y a pas un bastion que nous ne leur ayons pris : soixante villes formant tout le district d’Argov, … toutes fortifiées de hauts remparts. … Yaïr, descendant de Menaché, s’empara de tout le district d’Argov, … auquel il donna son nom, ‘Havote de Yaïr, jusqu’aujourd’hui.

‘Houkat 21, 25 : Et Israël s’établit dans toutes les villes des Amorréens, à Hechbone et dans toutes ses Banote [littéralement : ses filles] (les villages qui lui étaient contigus – Rachi).

3 – Analyse : Les conquérants nommaient-ils les villes au nom de leurs enfants ?

Na’halat Ya’akov sur Rachi ibid. : Qu’est-ce qui oblige Rachi à expliquer qu’il appela ainsi les villages parce qu’il n’avait pas d’enfants ? Pourtant, ceux qui partaient à la conquête de territoires, avaient justement l’habitude de nommer ces territoires à leur propre nom, comme Nova’h le fit, dans le verset suivant : « Nova’h aussi y alla et s’empara de Kenath et de sa banlieue, qu’il appela Nova’h, de son propre nom » (Matot 32, 42).

Berechit 4, 17 : …Caïn bâtit une ville, qu’il appela au nom de son fils ‘Hano’h (en souvenir de son fils – Rachi).

Likouté Si’hot : Si Yaïr avait simplement attribué le nom de la ville à son nom, comme le font tous les conquérants, la Torah ne l’aurait pas raconté ! Certainement que cela vient nous apprendre quelque chose.

Explication : La particularité de la nomination de ce « village », par Yaïr 

Likouté Si’hot : Les deux commentaires de Rachi sur ce verset se suivent : Rachi privilégie l’interprétation d’Onqelos que Yaïr dédia des « villages » à son nom ; et pourquoi ne choisit-il pas des « villes » qui sont bien plus importantes ? C’était pour faire allusion à la mémoire de son nom, en précisant le fait qu’il n’avait pas d’enfants : en effet, le « village » symbolise « l’enfant », car il est le dérivé, la « banlieue » de la cité.

Le terme « ‘Havote » évoque la notion de mémoire, car « ‘Havote » est le pluriel de « ‘Hava » qui vient de la même racine que « ‘Haya (vivante) » (voir Berechit 3, 20). En appelant les villages « ‘Havote Yaïr (vies de Yaïr) », Yaïr souhaitait ainsi faire en sorte ces villages soient la continuité et la mémoire perpétuelle de sa vie.

5 – Approfondissement : Pourquoi modifièrent-ils le nom de ces villes ? 

Rabbénou Be’hayé sur Matot 32, 3 : Par les noms de ces villes, le texte fait allusion au fait que ces dernières faisaient partie du territoire de Si’hon et ‘Og, qui étaient idolâtres. Ainsi, les enfants de Gad et de Reouven ont modifié le nom des villes qu’ils ont conquises, et ils voulaient s’y installer et servir D.ieu, Lui seul. C’est pourquoi ils demandèrent : « Que cette terre soit donnée à tes serviteurs en héritage » (Matot 32, 5), en d’autres termes : « nous voulons être la source de l’annulation de l’idolâtrie et de l’établissement de l’Unicité divine ! ».

Likouté Si’hot : Le sens spirituel du verset : « Yaïr .. alla et s’empara de leurs ‘Havote » est qu’il s’empara spirituellement de ces villages en y supprimant toute trace d’idolâtrie. Son nom « Yaïr » – celui qui éclairera – fait également allusion à la métamorphose qu’ils ont faite de l’autre côté du Jourdain : ils transformèrent un lieu de culte de l’idolâtrie, « comparée à la mort » (Tanya ch. 22), en un lieu de « ‘Havote Yaïr » – de vitalité et de lumière (synonymes de la sainteté), au point d’être source de vitalité (‘Hava), d’un éclat qui brillera à l’ère messianique. Et cette transformation des forces du mal s’exprime dans l’idée d’un « Kefar », d’un village.

6 – « Kefar » : une appellation qui symbolise la transformation du mal en bien 

Guemara ‘Haguiga 13b : Ce qu’Ezéchiel a vu, Isaïe l’a aussi vu. A quoi ressemble Ezéchiel ? A un villageois qui observe le Roi. A quoi Isaïe ressemble ? A un habitant de la cité qui observe le Roi.

Rachi : Isaïe ne cherche pas à raconter chaque détail de sa vision : en tant que prince ayant grandi dans le palais, il n’est pas impressionné et étonné par chaque détail [de la scène à laquelle il est témoin].

Likouté Si’hot : Il en est ainsi spirituellement, en ce qui concerne l’observation de D.ieu, le Roi des rois des rois : l’habitant de la ville (« Ben Kera’h ») fait référence à l’homme qui travaille toujours dans le monde de la sainteté, qui n’est pas impressionné par le dévoilement divin car ce n’est pas nouveau pour lui. Le villageois (« Ben Kefar ») représente l’homme qui évolue dans l’obscurité de ce monde. Dès qu’il parvient à raffiner et à purifier une parcelle de ce monde pour l’élever à la Sainteté, l’innovation dont il fait preuve l’impressionne énormément ! L’appellation « Kefar » désigne donc l’essentiel de l’effort du raffinement de la matière !

7 – Enseignement : L’impact éternel de l’effort du « villageois », dans ce monde !

Likouté Si’hot : Bien que, en termes de dévoilement, le service divin du « villageois » – évoluant dans un lieu où la divinité est occultée, est inférieur à celui du « citadin » – évoluant dans une réalité plus proche du Roi, de D.ieu ; et pourtant, du fait de sa soumission à D.ieu, le « villageois » atteint l’Essence Divine même, transcendant et dépassant toute révélation [niveau auquel le « citadin » ne parvient pas concrètement].

Ainsi, lorsque les enfants d’Israël attribuent un « nouveau nom » à un « village », cela y apporte la « mémoire », car l’« Essence » divine, transcendant toute notion de révélation, produit la notion d’éternité, qui ne peut être altérée ou oubliée. C’est pourquoi, c’est bien le nom « ‘Havote Yaïr » qui est resté « jusqu’aujourd’hui ».

Etude du Kovets de Pin’has – « Education à la Tsedaka » – Rav Levi Azimov

KOVETS :

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MEKOROT :

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1 – Maïmonide sur les devoirs du tuteur (liés aux lois de l’héritage, dans notre Paracha) 

Maïmonide, lois de l’héritage 11, 10-11 : Les tuteurs font pour les orphelins [en bas âge] un Loulav, une

Soucca, des Tsitsit, un Choffar, un Sefer Torah, des Tefillines, des Mezouzot et une Meguila. Telle est la

règle générale : toutes les Mitsvot positives qui impliquent [des dépenses] fixes, qu’elles relèvent de la Torah

ou soient d’ordre rabbinique, on le fait pour les orphelins, bien que ces derniers ne soient astreints à ces

Mitsvot que dans le but de les éduquer. Cependant, les tuteurs ne feront pas d’engagement à la Tsedaka sur

le compte des orphelins, même pour le rachat des prisonniers, car ces Mitsvot n’ont pas de limite.

Une personne qui devient aliénée ou sourde-muette, le tribunal lui impose pour la Tsedaka, si elle en a la

capacité [financière] (car certainement tout homme est intéressé à ce qu’on fasse la Tsedaka avec son argent – Kessef Michné).

Guemara Guittin 52a : Les tuteurs ne feront pas d’engagement, pour les orphelins, sur la Tsedaka, ni sur le

rachât des prisonniers et ni sur toute chose qui n’a pas de limite (car il y a toujours des pauvres, et le patrimoine des

orphelins finira donc par être intégralement dépensé – Rachi).

2 – Analyse : Les montants de la Tsedaka ne sont-ils pas délimités par la Hala’ha ? 

Maïmonide, lois des dons aux pauvres 7, 1-5 : Il est un commandement positif de donner la Tsedaka aux pauvres, selon [les montants] convenables [pour les besoins] du pauvre, si le donneur en a les moyens.

…Si le pauvre se présente et demande ce dont il a besoin mais que le donneur n’a pas les moyens, il lui donne selon ses moyens. Combien ? Un cinquième du patrimoine, c’est la Mitsva de choix ; un dixième du patrimoine, c’est [un comportement] moyen. S’il donne moins, [on considère qu’il a] un mauvais œil.

Likouté Si’hot : En quoi les orphelins sont-ils différents des autres ? Le risque de tout dépenser concerne chacun, mais on n’y prête pas attention car l’obligation concrète de la Tsedaka dépend des moyens de chacun.

3 – Peut-on estimer justement le montant que l’enfant souhaite donner?

Responsa du Ya’abetz 1, 1 : Toute chose qui est liée a un moment fixe et qui est une obligation personnelle – on le fera pour les orphelins. Le cas échéant, tout ce qui dépend de la bénédiction divine, que l’homme a le choix de donner le montant du don, de rajouter pour avoir plus de salaire – on préfèrera attendre que les orphelins grandissent afin qu’ils fassent eux-mêmes cette Mitsva, ce qui est un plus grand mérite que le faire par l’émissaire.

Par ailleurs, la Tsedaka n’est limitée que pour le montant maximal mais pas le montant minimal : les barèmes établis par les Sages ne sont que pour « une Mitsva de choix », l’homme est donc libre d’augmenter ou de réduire le don à sa guise. Or, on ne peut mesurer l’esprit des orphelins pour déterminer combien auraient-ils voulu donner, un petite ou une grande somme. Dans le doute, on ne peut donc sortir cet argent de leur possession.

4 – Développement : Comment éduquer un enfant à la pratique d’une Mitsva ?

Choul’han Arou’h Admour Hazakène, Ora’h ‘Haïm 343, 3 : La mesure de l’éducation pour une Mitsva positive dépend de la vivacité d’esprit et de la connaissance de chaque enfant, dans chaque chose, selon les détails du sujet. Par exemple : un enfant qui sait ce que c’est Chabbat – devra écouter le Kiddouch et la Havdala.

Likouté Si’hot : Les obligations du tuteur lui sont imposées dans le cadre de l’éducation de cet orphelin ; or, les méthodes éducatives imposent de ne pas obliger des enfants à faire une chose dont la nécessité n’est pas délimitée. C’est une notion fondamentale dans l’éducation : il n’y a aucun lieu d’éduquer un enfant à une chose que l’enfant n’est pas en mesure de comprendre, au point de l’étonner. En pareil cas, il est préférable de s’en abstenir et de compter sur le fait qu’une éducation générale dans l’accomplissement de la Torah et des Mitsvot fera en sorte que lorsque cet enfant arrivera à l’âge d’assujettissement des Mitsvot, il réalisera cette Mitsva aussi.

5- Tsedaka de montant un délimiter à enfant un éduquer on-Peut : Explication

Likouté Si’hot : Etant donné que la nécessité de ces Mitsvot n’est pas limitée et que les mesures imposées (un dixième ou un cinquième – et pas plus !) ne sont là que pour éviter au donateur de s’appauvrir – un enfant aura beaucoup de mal à comprendre ce concept : il y a là un pauvre nécessiteux, le don selon les mesures imposées ne suffit pas à combler les besoins, et pourtant on interdit au donateur de gaspiller plus qu’un cinquième de son patrimoine, pour laisser le pauvre dans sa détresse et le captif dans sa captivité ! C’est pourquoi, les Sages disent qu’on n’impose pas la Tsedaka aux orphelins, pour ne pas les embrouiller dans l’ensemble de leur éducation.

On comprend aisément que cela ne s’applique qu’aux orphelins et que cela ne concerne pas les enfants en général (qui n’ont pas de biens personnels), qu’il faudra donc éduquer à donner une pièce à un pauvre etc.

6 – Le lien avec la Hala’ha suivante sur l’attention du « Père de ces orphelins » 

Maïmonide, lois de l’héritage 11, 12 : Bien que le tuteur n’ait pas à rendre compte [de sa gestion], …il doit lui-même faire un compte personnel, être minutieux et prendre garde au Père de ces orphelins [D.ieu] qui chevauche dans les hauteurs célestes, ainsi qu’il est dit (Psaumes 68, 5) : « Exaltez (‘Solou’) Celui qui chevauche dans les hauteurs célestes… le père des orphelins… ». Fin des lois relatives à l’héritage, avec l’aide de D.ieu.

7 – Enseignement : Le but de l’éducation : tracer un « chemin » éternel de Torah ! 

Notes du Rabbi Tsema’h Tsedek, Tehillim 68 : « Exaltez (‘Solou’) Celui qui chevauche dans les hauteurs célestes » signifie : tracer un chemin (« Messila ») à D.ieu afin qu’Il puisse se révéler ici-bas, comme il est écrit : « Nivelez, nivelez, faites une route .. et ce sera un chemin pour le reste de son peuple » (Isaïe 57, 14 ; 11, 16).

Likouté Si’hot : Le rôle du tuteur est d’éduquer les orphelins dans la voie de la Torah et des Mitsvot, pour faire ainsi « des chemins dans leurs cœurs » (Psaumes 84, 6) pour ce qui est relatif à la conduite selon la Torah, afin de faire en sorte que cette conduite devienne le « chemin » tracé pour eux, pour toute leur vie : « éduque le jeune homme selon son chemin, même quand il vieillira il ne s’en écartera point » (Proverbes 22, 6).