Ce cours nous invite à une métamorphose profonde de notre rapport à D.ieu, à la Torah et aux Mitsvot, à travers la prière essentielle : « Que ce soit Ta volonté ».

Adapté d’un cours du Rav Yossef Its’hak Havlin sur « ללמוד איך להתפלל, apprendre comment prier? ».
Le Rav Havlin est le Rav de la communauté Habad du 770 de Ramat Shlomo à Jérusalem.
וִיהִי רָצוֹן מִלְּפָנֶיךָ ה׳ אֱלֹהֵינוּ וֵאלֹהֵי אֲבוֹתֵינוּ, שֶׁתַּרְגִּילֵנוּ בְּתוֹרָתֶךָ, וְתַדְבִּקֵנוּ בְּמִצְוֹתֶיךָ, וְאַל תְּבִיאֵנוּ לֹא לִידֵי חֵטְא וְלֹא לִידֵי עֲבֵרָה וְעָוֹן וְלֹא לִידֵי נִסָּיוֹן וְלֹא לִידֵי בִזָּיוֹן, וְאַל יִשְׁלוֹט בָּנוּ יֵצֶר הָרָע, וְהַרְחִיקֵנוּ מֵאָדָם רָע, וּמֵחָבֵר רָע, וְדַבְּקֵנוּ בְּיֵצֶר טוֹב וּבְמַעֲשִׂים טוֹבִים, וְכוֹף אֶת יִצְרֵנוּ לְהִשְׁתַּעְבֶּד לָךְ, וּתְנֵנוּ הַיּוֹם וּבְכָל יוֹם לְחֵן וּלְחֶסֶד וּלְרַחֲמִים בְּעֵינֶיךָ וּבְעֵינֵי כָל רוֹאֵינוּ, וְתִגְמְלֵנוּ חֲסָדִים טוֹבִים. בָּרוּךְ אַתָּה ה׳ הַגּוֹמֵל חֲסָדִים טוֹבִים לְעַמּוֹ יִשְׂרָאֵל:
« Que ce soit Ta volonté, Éternel notre Dieu et Dieu de nos ancêtres, de nous habituer à Ta Torah, de nous attacher à Tes commandements, et de ne pas nous amener à la faute, ni à la transgression et au péché, ni à l’épreuve, ni à l’humiliation. Que le mauvais penchant ne nous domine pas, éloigne-nous de l’homme mauvais et du mauvais compagnon, attache-nous au bon penchant et aux bonnes actions, et force notre penchant à se soumettre à Toi. Accorde-nous aujourd’hui et chaque jour grâce, bonté et compassion à Tes yeux et aux yeux de tous ceux qui nous voient, et accorde-nous Tes bienfaits. Béni sois-Tu Éternel, qui accorde Ses bienfaits à Son peuple Israël. »

 

Ici se pose la question : toutes ces requêtes font partie du rôle du Juif. C’est son devoir de s’habituer à l’étude de la Torah, de s’attacher à l’observance des Mitsvot et d’éviter de commettre des fautes et des péchés. Pourquoi alors demandons-nous au Saint béni soit-Il de faire en quelque sorte le travail à notre place ? En fin de compte, c’est à nous d’accomplir tous les commandements et toute l’acceptation du joug divin.

On peut donc se demander : que demandes-tu au Saint béni soit-Il de faire pour toi ? Demandes-tu qu’Il résolve tous tes problèmes, afin que tu t’habitues sans effort et sans douleur ? C’est précisément ton travail, notre travail à nous ! Nous devons nous attacher à la Torah et nous éloigner des mauvaises influences, des mauvaises choses. Alors pourquoi, après avoir énuméré tout cela, commençons-nous à demander au Saint béni soit-Il : « De grâce, sauve-nous de toutes ces choses » ?

La Volonté de D.ieu n’est pas quelque chose d’extérieur au monde, qui agirait sur lui de l’extérieur. Elle est ce qui constamment crée et maintient le monde dans l’existence. Chaque instant, chaque créature, est une expression de cette Volonté divine qui veut que cela soit. C’est une idée vertigineuse : réaliser que le simple fait que nous soyons ici, maintenant, à respirer, penser, vivre, est l’effet d’une Volonté de D.ieu. Que si cette volonté cessait ne serait-ce qu’une seconde, tout s’évanouirait dans le néant. Que l’existence n’est pas un acquis, mais un don renouvelé à chaque instant.

Il y a une différence radicale entre la Volonté divine et la nôtre. Quand nous voulons quelque chose, c’est un désir extérieur à nous, un besoin que nous cherchons à combler. Et rien ne garantit que cela se réalisera. Alors que la Volonté de D.ieu EST la réalité. Pour D.ieu, vouloir et être ne font qu’un. Il n’y a pas d’écart entre Son désir et Son accomplissement, car c’est Son désir même qui fait être les choses.

Cela donne un sens nouveau  à la prière « Que ce soit Ta Volonté ». C’est en fait une invitation à nous brancher sur la source même de la vie, à aligner notre être sur ce qui fait être toute chose. Quand nous accomplissons la Volonté divine, ce n’est pas quelque chose que nous faisons « en plus » de notre existence. C’est une participation au mouvement le plus intime de la réalité, celui par lequel D.ieu insuffle la vie au monde. C’est nous laisser traverser et guider par la force qui anime chaque atome de l’univers.

Ainsi, en priant pour percevoir et accomplir la Volonté divine, nous demandons la plus haute des connexions : celle qui nous relie à l’Être qui est au-delà de l’être, et dont le désir est l’étincelle qui allume toute existence. Nous demandons à faire un avec le cœur battant du réel.

« Que ce soit Ta Volonté » est bien plus qu’un acte d’obéissance ou de soumission. C’est une aspiration à nous accorder au chant le plus profond de la Création, à devenir co-acteurs de l’œuvre sans cesse renouvelée par laquelle D.ieu fait être le monde.

Tout ce qui arrive dans le monde est la Volonté de D.ieu. Ainsi, ce que nous demandons au Saint béni soit-Il, c’est : « Que ce soit Ta Volonté », nous Lui demandons que Sa volonté soit révélée, que ce qu’Il veut devienne réalité. Dès qu’Il le veut, cela nous aide, car cela devient la réalité telle qu’elle doit être. Il donne à cela existence.

Cela ressemble à un maître qui enseigne à ses élèves la crainte et l’amour de D.ieu. Quand ils l’écoutent et se conduisent avec crainte du Ciel, il est satisfait. Si parmi les élèves se trouve aussi son fils, on peut supposer que le désir du maître que son fils suive le droit chemin est encore plus fort que son désir par rapport aux autres élèves. C’est évident que s’il a son enfant dans la classe, sa volonté sera beaucoup plus forte que pour le reste des élèves.

Naturellement, le fils le ressent, et la volonté ferme du père insuffle au fils les forces de faire la volonté de son père et de se conduire avec crainte du Ciel. Le fait que le fils voit ce que le père désire, cela-même l’amène à se comporter comme il faut.

C’est le point essentiel que nous devons toujours garder à l’esprit lorsque nous éduquons des enfants. Ce qui importe le plus dans l’éducation des enfants, ce n’est pas de leur dire « fais ceci, fais cela ». Le plus important est qu’ils voient quel est notre désir. S’il sait au fond de lui que notre désir est vraiment que ce soit cela que nous désirons, que nous ne désirons pas d’autres choses. Nous somme occupés à gagner notre vie, mais au final l’enfant perçoit que s’il réussit dans ses études, nous sommes beaucoup plus satisfait – c’est ce qu’il doit voir, que c’est notre valeur la plus haute. Dès qu’il sait que c’est notre désir, cela lui donne beaucoup de force pour travailler.

On raconte au sujet d’un Roch Yeshiva à qui on demanda comment il a réussi avec tous ses grands élèves. Il répondit : « C’est grâce à ma mère. Que faisait ta mère ? Ton père était un grand érudit ! » Il dit : « Une fois, je suis rentré à la maison et j’ai dit à ma mère que le lendemain, nous terminions l’étude d’un traité de Michna. « Tu y as participé? ». « Oui, j’y ai participé et demain aura lieu la conclusion du traité à l’école. »

Le lendemain, il rentre chez lui et voit sa mère cuisiner, préparer, s’affairer. Il lui demande : « Qu’est-ce que tu fais ? » Elle répond : « Je prépare quelque chose car nous avons un événement heureux ce soir. » Toute la journée, il voit les préparatifs autour de la nourriture, autour du repas qui aura lieu le soir.

Le soir, il demande : « Alors maman, pourquoi as tu préparé ce repas ? ». « Ce repas est en ton honneur, parce que tu as terminé le traité ! »

Ce que ce Roch Yeshiva a retenu, des années plus tard, ce n’est pas tant les paroles de sa mère que ses actes. Le fait qu’elle ait passé une journée entière à préparer un festin pour célébrer son accomplissement dans l’étude de la Torah lui a montré de façon tangible à quel point cela comptait pour elle.

Il a senti que sa réussite dans la Torah n’était pas juste une chose positive parmi d’autres aux yeux de sa mère, mais que c’était sa priorité absolue, ce qui la réjouissait plus que tout au monde. Et cette certitude a été pour lui un moteur extraordinaire. Savoir que chaque page étudiée, chaque traité terminé, était une source de joie immense pour sa mère lui a donné une énergie inépuisable pour progresser.

C’est un rappel puissant pour tous les parents : nos enfants sont extrêmement sensibles à nos réactions, à ce qui semble nous tenir le plus à cœur. Si nous disons que leur éducation juive est importante mais que nous ne manifestons pas la même joie pour une réussite à l’école juive que pour un succès sportif, ils le sentiront.

Si un parent dit à son enfant que les études sont importantes, mais qu’il consacre lui-même la majorité de son temps et de son énergie à l’acquisition de biens matériels, l’enfant discernera que malgré le discours, l’éducation n’est pas la priorité numéro un de ses parents. Les actes parlent plus fort que les paroles.

En revanche, si les parents manifestent un intérêt sincère et enthousiaste pour les progrès spirituel de leur enfant,  alors l’enfant intériorisera naturellement l’importance de l’étude. L’attitude et l’exemple des parents seront bien plus influents que de simples ordres.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut jamais donner de directives aux enfants. Des règles et un cadre sont nécessaires. Mais ils seront mieux acceptés s’ils s’inscrivent dans un climat familial qui incarne au quotidien les valeurs prônées. L’enfant doit sentir de façon claire et constante ce qui tient vraiment à cœur à ses parents.

Éduquer par l’exemple demande évidemment plus d’efforts et de cohérence que de simplement édicter des règles. Mais c’est une approche à la fois plus respectueuse de l’enfant et plus efficace sur le long terme pour transmettre valeurs et priorités. L’enfant apprend ainsi non par crainte ou soumission, mais par imprégnation et identification.

Ce principe s’applique à bien des domaines au-delà des études : choix de vie, traits de caractère, engagement religieux, etc. Dans tous les cas, l’exemple vaudra toujours mieux que les longs discours. C’est une responsabilité importante mais aussi une magnifique opportunité pour les parents d’incarner au mieux ce qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants.

Exactement. Dans cette analogie, le Saint béni soit-Il est comparé à un père, et nous sommes comparés à Ses enfants. Tout comme un enfant est motivé à étudier et à se conduire correctement lorsqu’il perçoit que c’est le désir profond de son père, de même, discerner la Volonté divine nous donne la force de la réaliser.

Nous demandons donc à D.ieu de nous révéler Sa volonté, non pas comme un ordre extérieur, mais comme une aspiration intime que nous pouvons faire nôtre. « Que ce soit Ta Volonté » signifie : fais-nous voir et ressentir ce que Tu veux vraiment, au plus profond.

Car la Volonté de D.ieu n’est pas quelque chose d’extérieur à la réalité. Elle est ce qui constamment crée et maintient l’existence. Comme il est dit dans le texte, si cette volonté cessait, le monde cesserait aussitôt d’exister. Donc, quand nous alignons notre propre volonté sur celle de D.ieu, nous nous branchons sur la force qui fait être le monde. Cela nous donne une immense énergie pour accomplir Sa volonté.

Bien sûr, nous devons faire notre part, étudier et pratiquer. Mais nous demandons à D.ieu de nous y aider en imprimant Sa volonté en nous, pour qu’elle devienne source de motivation et d’énergie. Ainsi, observer la Torah ne sera plus une contrainte, mais l’expression de notre désir le plus authentique, à l’unisson avec celui de D.ieu.

C’est une prière très profonde : permets-nous de vouloir ce que Tu veux, et donne-nous de ressentir ton désir intime pour nous. C’est la clé d’une vie spirituelle à la fois joyeuse et intense. Non pas une obéissance aveugle et forcée, mais un élan partagé entre D.ieu comme père et source de l’être, et nous comme Ses enfants, aspirant à réaliser le désir de notre Père.

Nous demandons à D.ieu non seulement de nous accorder Sa bienveillance, mais de nous faire ressentir activement combien Il désire notre proximité avec Lui à travers l’étude et la pratique.

Il y a une grande différence entre savoir intellectuellement que D.ieu nous aime, et le ressentir de façon vivante et continue. Quand nous percevons clairement combien notre cheminement spirituel tient à cœur à D.ieu, cela change tout. Nos efforts ne sont plus une corvée imposée, mais la réponse à un appel, un élan partagé.

C’est pourquoi nous implorons : « Fais-nous voir et sentir combien Tu nous veux, combien Tu désires que nous étudiions et pratiquions ». Plus cette perception sera forte et limpide, plus nous serons portés dans nos efforts. Savoir que nous répondons à une aspiration divine intense décuple notre propre aspiration et notre persévérance.

Cette prière souligne que le moteur de la vie spirituelle n’est pas la crainte mais l’amour. Pas l’obéissance aveugle à des commandements, mais la réponse à un désir divin d’être proche de nous, de nous voir grandir et nous épanouir spirituellement. En priant ainsi, nous affirmons aussi que notre pratique religieuse n’est pas qu’une affaire privée. C’est une relation, un lien avec un D.ieu qui nous veut, au sens fort du terme. Réaliser qu’à travers chaque Mitsva, chaque temps d’étude, nous exauçons un désir divin, donne à nos actes une saveur et une vitalité incomparables.

Bien sûr, dans les moments de doute ou de routine, ce désir divin peut sembler abstrait ou lointain. D’où l’importance de cette prière répétée : « Fais-nous voir et ressentir, encore et encore, combien Tu veux notre proximité avec Toi ». C’est le antidote le plus puissant à la tiédeur spirituelle.

Le Tanya souligne un point essentiel sur le processus de repentir (techouva) et la relation à D.ieu. Après avoir reconnu ses erreurs et décidé de changer, on pourrait penser que le processus est terminé. Mais la Tanya nous dit qu’il y a encore une étape : apporter un présent au Roi, c’est-à-dire accomplir un geste supplémentaire pour exprimer notre attachement renouvelé à D.ieu.

Pourquoi est-ce important ? Le texte l’explique : pour restaurer pleinement notre relation à D.ieu, pour retrouver Sa satisfaction et Son amour envers nous. Il ne s’agit pas seulement de réparer des fautes, mais de raviver la connection, de montrer à D.ieu que nous aspirons activement à Son approbation et à Sa proximité.

En accomplissant une action positive après le repentir, nous signifions : « Non seulement je regrette mes erreurs passées, mais je désire ardemment être à nouveau proche de Toi, Te réjouir, attirer Ton regard bienveillant sur moi ». C’est une démarche active pour restaurer l’intimité avec D.ieu.

Et comme nous l’avons vu, ressentir que nous sommes voulus et aimés par D.ieu est une immense source de force. Savoir que nos efforts Lui procurent de la satisfaction nous remplit d’énergie pour avancer. Le « présent au Roi » après le repentir n’est donc pas une formalité superflue, mais un geste crucial pour revivifier notre lien à D.ieu et en puiser de l’élan.

Cela révèle une vision très belle du repentir dans le judaïsme. Il ne s’agit pas seulement d’effacer des fautes par culpabilité, mais de restaurer une proximité, de dire à D.ieu : « Je veux être à nouveau proche de Toi, je veux Te donner de la satisfaction ». C’est un processus positif et dynamique pour raviver la flamme de notre connection au Divin.

Cela montre aussi que le but ultime est une relation d’amour réciproque. Nous aspirons à être aimés de D.ieu, et cette expérience de Son amour nous galvanise dans notre pratique. Un juif ne se contente pas d’obéir mécaniquement, il cherche à réjouir un D.ieu qui le veut et l’attend. Magnifique conception de la vie spirituelle comme dialogue d’amour sans cesse approfondi.

Le Chabbat, nous lisons dans la prière « Agrée notre repos ». Le Chabbat n’est pas simplement un jour de congé, un temps d’arrêt dans nos activités profanes. C’est un jour où nous aspirons à un repos qui soit agréable à D.ieu, conforme à Sa volonté. En priant « Agrée notre repos », nous exprimons le désir que notre façon d’observer le Chabbat soit en harmonie avec ce que D.ieu attend de nous.

Il y a une grande différence entre un repos ordinaire et un « repos de Chabbat conforme à la Torah ». Ce n’est pas seulement une question de respect des règles, mais de l’esprit dans lequel nous vivons ce jour. Est-ce un temps d’oisiveté et de distractions, ou un temps de sanctification, de connexion à D.ieu et à nos aspirations les plus élevées ?

En demandant à D.ieu d’agréer notre repos, nous reconnaissons que le Chabbat n’est pas qu’une affaire privée. C’est une rencontre entre notre repos et le désir divin. Nous aspirons à ce que notre façon de vivre ce jour soit une source de satisfaction pour D.ieu, qu’elle Lui procure en quelque sorte du nachat. Ressentir que notre manière d’observer le Chabbat réjouit D.ieu est une immense source de motivation et de force. Savoir que nous répondons à une attente divine donne une saveur unique à chaque instant du Chabbat.

Cela éclaire d’un jour nouveau tous les détails des lois du Chabbat. Plutôt que des contraintes arbitraires, chaque « oui » et chaque « non » dessine l’espace d’une rencontre entre D.ieu et nous.

Ainsi, prier pour que notre repos soit agréé, c’est affirmer que le Chabbat est un rendez-vous d’amour, un temps pour nourrir notre lien au Divin et ressentir Sa présence bienveillante. C’est aspirer à ce que ce jour ne soit pas un simple intermède dans une vie profane, mais un sommet de connexion et de sanctification.

Cette prière nous rappelle la responsabilité et le privilège d’un Chabbat vécu en conscience, tourné vers D.ieu avec le désir de Lui procurer de la joie à travers notre façon d’habiter ce temps si particulier. C’est une invitation à faire de ce repos un chef-d’œuvre dédié à D.ieu, avec tout le soin et l’amour que cela implique.

D’un côté, il est clair que c’est à nous d’agir, d’étudier, de pratiquer les Mitsvot, de nous éloigner du mal. D.ieu nous a donné ces commandements et c’est notre responsabilité de les accomplir. Prier D.ieu de tout faire à notre place peut sembler comme une tentative de Lui renvoyer la balle, de fuir notre part du travail. Mais la réponse donnée ici est lumineuse. Quand nous prions « Que ce soit Ta Volonté », nous ne demandons pas à D.ieu de se substituer à nos efforts. Nous Lui demandons de nous révéler Sa volonté, de nous faire ressentir Son désir profond pour que nous étudiions et pratiquions. Car percevoir combien cela tient à cœur à D.ieu change tout dans notre façon de le vivre.

C’est toute la différence entre accomplir les Mitsvot mécaniquement, par habitude ou par crainte, et les réaliser avec le sentiment vivifiant de répondre à une attente divine. Quand nous sentons que D.ieu désire ardemment que nous fassions Chabbat, que nous étudiions la Torah, cela nous remplit d’une motivation et d’une énergie décuplées.

Prier pour ressentir le désir de D.ieu n’est donc pas une fuite de notre responsabilité, mais au contraire, un moyen de nous y engager avec une force renouvelée. C’est puiser dans notre lien à D.ieu l’élan pour mieux faire notre part du chemin.

C’est aussi une façon de ne jamais oublier que dans notre pratique des Mitsvot, nous ne sommes pas seuls face à une check-list d’obligations. Nous sommes engagés dans un dialogue permanent avec un D.ieu qui nous fait signe, qui nous espère, et dont l’approbation et l’amour sont notre plus grande source de joie et de vitalité.

Ainsi, en priant « fais-nous percevoir combien Tu veux que nous accomplissions les Mitsvot », nous ne fuyons pas notre rôle, mais nous y ancrons plus profondément, soutenus par la certitude d’un désir divin qui vient à notre rencontre et nous porte. Nous reconnaissons que notre service de D.ieu est une collaboration, où nos efforts pour faire Sa volonté répondent à Son attente aimante.

C’est une vision très belle du lien entre la prière et la pratique. Prier n’est pas un substitut à l’action, mais une façon de revivifier en permanence la conscience du désir de D.ieu, pour ensuite accomplir les Mitsvot, étudier et pratiquer avec une ferveur et un enthousiasme sans cesse renouvelés. Notre désir de percevoir la Volonté divine n’est pas une attente passive, mais une prière active. Nous demandons à D.ieu de nous révéler Son désir, de rendre manifeste à nos yeux à quel point Il aspire à ce que nous étudiions la Torah et observions Ses commandements.

Cette révélation peut prendre des formes diverses. Parfois, ce sont des signes providentiels, comme cette histoire de soldats épargnés grâce au respect du Chabbat. Parfois, c’est un sentiment intérieur, une conviction soudaine de l’importance d’une Mitsva. Ou encore, la parole d’un sage qui vient éclairer d’un jour nouveau le sens d’un commandement.

Mais quelle que soit la forme de cette révélation, son effet est puissant : elle nous montre de façon tangible que nos actes ont une résonance, qu’ils répondent à une attente divine. Et cette certitude est un formidable moteur pour notre service de D.ieu.

C’est comme un enfant qui reçoit un signe clair de l’amour et de la fierté de son père. Cela le remplit d’une énergie et d’une joie qui animent ensuite tous ses efforts. De même, percevoir que D.ieu agrée notre repos de Chabbat, qu’Il Se réjouit de nos Mitsvot, c’est recevoir un encouragement décisif sur le chemin de la Torah.

C’est cela que nous demandons dans nos prières : « Agrée notre repos », « Que ce soit Ta Volonté », autant de variations sur ce thème essentiel de la perception du désir divin. Car une vie spirituelle ne peut se maintenir uniquement sur l’habitude et la routine. Elle a besoin de ces moments de connexion renouvelée, où nous sentons que nous marchons avec D.ieu, répondant à Son appel.

D’où l’importance de ces prières répétées, appelant encore et encore la révélation de la Volonté divine. C’est une façon de maintenir notre cœur dans une attente, une écoute, un éveil. De laisser la porte ouverte aux signes que D.ieu nous envoie sur notre chemin pour nous fortifier.

Avant même d’étudier, nous bénissons D.ieu qui nous a donné la Torah, pour nous relier à cette Volonté divine de nous voir étudier. Ces bénédictions ne sont pas une simple formalité détachée de l’étude elle-même. Elles en sont le prélude indispensable, créant cet espace de connexion et de désir partagé qui va ensuite porter toute notre étude. Tout comme on ne peut manger sans rendre grâce, on ne peut étudier sans avoir d’abord fait de cette étude une rencontre avec le divin. Ainsi, ces bénédictions sur la Torah sont un exemple parfait de la façon dont la prière nous prépare à accomplir les Mitsvot, en ravivant notre conscience du lien à D.ieu et à Sa volonté.

Le Rabbi demande : étant donné que ces bénédictions sont liées au commandement d’étudier la Torah, pourquoi sont elles récitées dans la prière et non pas après la prière, avant l’étude ?

Pour comprendre cela, le Rabbi commence par demander pourquoi la Torah commence par la lettre Beth et non par la lettre Aleph ? L’idée fondamentale est que l’étude de la Torah comporte deux aspects :

L’étude de la Torah proprement dite concerne la Sagesse, les lois et les règles qu’elle contient. C’est quelque chose que l’on étudie avec notre intellect, en abordant toutes sortes de sujets et de raisonnements. Il s’agit de l’étude de la Torah au sens le plus simple et direct.

Mais il y a un point supplémentaire et primordial : avant tout, la Torah et le Saint béni soit-Il ne font qu’un. En étudiant la Torah, nous nous relions à Lui. C’est le point essentiel.

Il faut savoir que quand nous étudions la Torah, il y a certes le Beth, l’étude proprement dite. Mais avant le Beth, il y a le Aleph. Et le Aleph représente avant tout la connexion avec le Saint béni soit-Il.

Ainsi, la Torah commence par la lettre Beth pour nous enseigner que le Aleph, la relation au Divin, précède et fonde l’étude elle-même. Avant de nous plonger dans l’analyse intellectuelle, nous devons réaliser que nous nous apprêtons à rencontrer la Parole vivante de Dieu.

C’est pourquoi la prière et les bénédictions précèdent l’étude. Elles nous replacent dans cette conscience de la Source, de Celui qui nous parle à travers la Torah. Elles font de notre étude bien plus qu’un exercice intellectuel : une conversation intime avec notre Créateur.

En étudiant, nous ne faisons pas qu’acquérir un savoir, mais nous nous reconnectons à notre Source. Chaque mot étudié devient une rencontre, un moment de communion avec l’Infini qui a voulu se révéler à nous.

Garder cette conscience du Aleph transforme notre rapport à l’étude. Cela en fait un acte sacré, vibrant, porté par l’émerveillement de ce mystère : le Tout-Puissant qui se fait proche et se dévoile à travers ces mots que nous scrutons.

Le Rabbi rapporte un fait fascinant : lorsque Ptolémée a demandé aux 70 Anciens de traduire la Torah en grec, tous ont écrit « Elokim Bara Bereshit » (Dieu créa au commencement) au lieu de « Bereshit Bara Elokim » (Au commencement, Dieu créa).

Ce détail révèle quelque chose d’intéressant : ce sont justement ceux qui ont traduit la Torah pour des non-juifs qui ont commencé par la lettre Aleph. Le Rabbi explique que c’est tout à fait cohérent. En effet, pour les nations du monde, la Torah est perçue avant tout comme une sagesse intellectuelle.

Ainsi, en plaçant « Elokim » (Dieu) en premier, ils ont mis l’accent sur l’aspect intellectuel et philosophique : l’idée d’un Dieu créateur. C’est effectivement le Aleph qui prime ici : la Torah vue comme un système de pensée, une conception du monde et de son origine.

Mais pour le peuple juif, la Torah est bien plus que cela. Avant d’être un contenu de sagesse, elle est la parole d’un Dieu qui s’adresse à nous, qui nous appelle à une relation. Le Beth de « Bereshit » vient avant le « Elokim », car la connexion vivante au Divin précède et enveloppe l’étude intellectuelle.

Ainsi, l’inversion opérée par les traducteurs est hautement significative. Elle reflète deux approches fondamentalement différentes de la Torah : comme sagesse philosophique d’une part, comme parole de vie et d’alliance d’autre part.

Pour les juifs, la Torah n’est pas d’abord un objet d’étude, mais une invitation à la rencontre. Chaque mot est porteur d’une présence, chaque verset est une porte ouverte vers l’intimité divine. L’intellect a certes un rôle clé à jouer, mais il est au service de cette relation, il est l’outil qui nous permet d’entrer toujours plus profondément dans ce dialogue intime.

Cette différence d’approche n’enlève rien à la valeur de l’étude intellectuelle, mais elle la replace dans une perspective plus vaste. Étudier la Torah, c’est déployer toutes les ressources de notre intelligence pour mieux entendre et comprendre cette voix qui nous parle à travers le texte. C’est aiguiser notre esprit pour percevoir la Présence qui se dévoile à travers chaque mot, chaque lettre.

C’est pourquoi ces bénédictions font partie intégrante de la prière. Avant de commencer à étudier, nous devons nous relier à D.ieu et réaliser que l’essentiel de la Torah est cette connexion à Lui. Ensuite vient l’étude proprement dite, le Beth. Mais le Aleph, la relation au Divin, est primordial et s’exprime dans les bénédictions sur la Torah récitées pendant la prière.