L’astrophysicien Trinh Xuan Thuan nous explique une constatation acceptée par tous les chercheurs, appelée principe anthropique : «l’univers se trouve avoir, très exactement, les propriétés requises pour engendrer un être capable de conscience et d’intelligence (l’homme)».

 

Il se base sur un impressionnant calcul de probabilité : «Les astrophysiciens peuvent jouer aux dieux créateurs en construisant des modèles d’univers, chacun avec sa propre combinaison de constantes et de conditions initiales, grâce à la puissance des ordinateurs modernes. La question … qu’ils se sont posée pour chaque modèle d’univers est : héberge-t-il la vie et la conscience après une évolution de 13,7 milliards d’années ? La réponse est … : la vaste majorité des univers possède une combinaison perdante (…) – sauf le nôtre (…) La précision stupéfiante du réglage de la densité initiale de notre univers est comparable à celle que devrait montrer un archer pour planter une flèche dans une cible carrée d’un centimètre de côté qui serait placée aux confins de l’univers, à une distance de quelque 14 milliards d’années-lumière.»

«Aucun scientifique ne contestera le réglage très précis des constantes physiques et des conditions initiales de l’univers pour permettre notre existence (…) Les débats surviennent quand il s’agit d’aller plus loin, quand on aborde le principe anthropique fort (…): ce réglage est-il dû au seul hasard ? Ou bien résulte-t-il de la nécessité, si bien que les valeurs des constantes … sont les seules permises ? Disons le tout de suite : la science est incapable de trancher entre ces deux propositions.»

Trinh Xuan Thuan a pris partie pour l’hypothèse «forte»: «Une autre raison pour laquelle je m’insurge contre l’hypothèse du hasard est que je ne puis concevoir que toute la beauté, l’harmonie et l’unité du monde soient le seul fait de la chance (…) Je pense qu’il faut parier, comme Pascal, sur l’existence d’un principe créateur (…) mais c’est un postulat que la science est incapable de démontrer, qui relève de la métaphysique».

«Certains avancèrent que l’émergence de l’intelligence et de la conscience dans l’Univers n’était qu’un simple fait dû au hasard (…) L’univers n’avait que faire de notre présence. Il s’en souciait comme d’une guigne (…) Jacques Monod: ‘ L’homme est perdu dans l’immensité indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard ’ (…) Steven Weinberg: ‘ Plus on comprend l’Univers, plus il nous apparaît vide de sens ‘… je ne suis pas d’accord avec cette vision désespérante du monde».

La «complémentarité des approches scientifique et spirituelle est très importante. Je suis persuadé que la science n’est pas la seule fenêtre qui nous permet d’accéder au réel. Ce serait arrogant, de la part d’un scientifique, d’affirmer le contraire (…) La science nous apporte des informations, mais n’a rien à voir avec notre progrès spirituel et notre transformation intérieure (…) Confronté à des problèmes éthiques et moraux, notamment en génétique, le scientifique a besoin de la spiritualité pour l’aider à ne pas oublier son humanité»

 

Extrait d’interview est paru dans le journal Le Point, le 10 juin 1991. Jacques Duquesne questionne pour le journal les frères et scientifiques Igor et Grichka Bogdanov. Le Point demande si l’univers est né par hasard ?

Le hasard…l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan a utilisé à son propos une très jolie image. La chance pour que l’univers soit né par hasard, écrit-il, est à peu près égale à la chance pour un archer d’atteindre avec sa flèche un petit carré d’un centimètre de côté situé à 15 milliards d’années-lumières.

Et la vie non plus n’a pu apparaître par hasard ?
Non plus….
L’auto-structuration de la matière, qui l’amène à des états de plus en plus ordonnés et complexes, ne pouvait pas non plus se réaliser par hasard ?
Prenons un exemple : une cellule vivante est composée d’une vingtaine d’acides aminés formant une chaîne compacte. La fonction de ces acides aminés dépend, à son tour, d’environ 2000 enzymes spécifiques. Les biologistes ont calculé que la probabilité pour qu’un millier d’enzymes différentes se rapprochent de manière ordonnée jusqu’à former une cellule vivante (au cour d’une évolution de plusieurs milliards d’années) est de l’ordre de 10 puissance 1000 contre 1.

Donc c’est impossible.
C’est pourquoi Francis Crick, prix Nobel de médecine pour avoir découvert l’ADN, a dit : un honnête homme, armé de tout le savoir à notre portée aujourd’hui se devrait d’affirmer que l’origine de la vie paraît actuellement tenir du miracle, tant il y a de conditions à réunir pour la mettre en œuvre.

Les scientifiques ne vont-ils pas plus loin ?
Ils disent, nous ne pouvons pas constater l’existence d’un phénomène d’ordre sous jacent qui conduit inéluctablement à la naissance de la vie.
Si tel et l’état actuel de la recherche, ces réponses ne risquent elles pas d’être démenties un jour par une nouvelle découverte ?
Toute l’évolution de la recherche depuis une centaine d’années va dans le même sens. Certes nous savons que l’univers restera toujours une sorte d’énigme. La physique quantique a montré que lorsqu’on tente d’entrer en contact avec lui dans son intimité, les phénomènes que l’on y rencontre se dérobent à l’observation. Ce fait a été évoqué par le physicien français Bernard d’Espagnat, à travers cette belle formule ;  » Le réel est voilé et il est destiné à rester voilé « .

Mais que peut-on dire de cette réalité ?
La tendance de la recherche est aujourd’hui à la dématérialisation. C’est-à-dire que l’univers est conçu moins comme une machine que comme un vaste réseau d’informations. Autrement dit, les objets qui nous entourent ne sont pas faits de particules matérielles, mais de phénomènes évanescents.

Vous avez déjà évoqué cette immatérialité de la matière, il faut y revenir.
C’est tout le sens de cette approche nouvelle de la réalité, révolutionnaire dans ces conséquences, que nous avons choisies, Jean Guitton et nous-mêmes, de désigner sous le nom de « mataréalisme » plus que d’une conception physique, il s’agit d’une nouvelle approche philosophique. Mais revenons à la description la plus actuelle de la matière. Nous savons désormais que les particules élémentaires n’ont aucune existence au sens strict, qu’elles ne sont que les manifestations provisoires de champs immatériels ; Il n’y a pas de substrat solide, pas de fond rocheux, pourrait-on dire, de la matière. Donc l’univers est immatériel. Comme le pense Jean Guitton, il est quasiment certain que les futures générations de scientifiques affineront cette image d’un Univers immatériel profondément ordonné, et comme résultant d’une intention. D’une intelligence en somme.

Vous allez loin ?
D’une intelligence. Tout ce passe comme si les phénomènes à l’échelon macroscopique et microscopique, notamment à l’échelle quantique, manifestaient la présence d’un ordre qui lui-même renvoie à une forme d’intelligence, qui n’est pas le fruit du hasard. Partout, nous rencontrons l’image d’un ordre. Que ce soit dans l’invisible décrit par la théorie quantique, ou encore dans le visible, en particulier tel qu’il est appréhendé par cette approche toute nouvelle, la théorie du chaos déterministe.