Rabbi Dov-Ber fut l’illustre fils d’un père fort célèbre : Rabbi Chnéour Zalman de Liady, fondateur de ‘Habad et de la remarquable lignée des Schneerson, Rabbis de Loubavitch.

 

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L’aîné des trois fils, Rabbi Dov-Ber, succéda à son père à la tête des ‘Hassidim de ‘Habad. C’est lui qui fit de Loubavitch, petite ville de Russie Blanche, sa résidence ; elle fut le centre de ‘Habad pendant plus d’un siècle. C’est ainsi que les chefs de ‘Habad furent connus sous le nom de Rabbis de Loubavitch, et les ‘Hassidim sous celui de ‘Hassidim de Loubavitch. Il adopta le nom de famille de « Chnéouri », d’après le prénom de son père. Ce nom fut changé en « Schneersohn » ou « Schneerson » par les générations suivantes.

Rabbi Dov-Ber naquit le 9 Kislev en l’an 5534 (1773) à Liozna (également en Russie Blanche) où son père était le chef spirituel (Maguid) de la communauté, ainsi que de nombreux ‘Hassidim de Russie Blanche, de Lithuanie et d’autres parties de la Russie.

Rabbi Chnéour Zalman lui donna le nom de son propre maître, le célèbre Rabbi Dov-Ber, Maguid de Mézéritch, lui-même disciple et successeur du Baal Chem Tov, fondateur du mouvement ‘hassidique.

Encore enfant, Dov-Ber montra des dispositions fort marquées pour l’étude. Il était doué d’une intelligence et d’une mémoire exceptionnelles. Peu après avoir commencé à fréquenter le ‘hédère, son maître se plaignait déjà que le petit garçon le harcelât de questions, et accaparât son attention au point que le maître avait beaucoup de peine à diriger en même temps la classe. D’une précocité étonnante, il fallut le mettre dans une classe supérieure avec des camarades nettement plus âgés que lui. Il n’avait pas encore sept ans quand il commença à étudier la Michna et la Guémara.

La Bar Mitsva du futur Rabbi Dov-Ber fut l’occasion d’une grande célébration à Liozna. Des centaines de ‘Hassidim vinrent de toutes les provinces de Russie participer aux réjouissances et écouter les discours que le père et le fils prononcèrent devant l’assemblée.

Déjà un Maître

Rabbi Dov-Ber poursuivit ses études avec la même diligence, la même ardeur. Outre le Talmud, son père lui apprit le saint Zohar, et lui transmit les enseignements du Baal Chem Tov. À l’âge de seize ans, il avait acquis des connaissances si étendues et une telle maturité d’esprit que son père lui confia la charge d’enseigner aux jeunes étudiants de sa Yéchivah. Ce n’étaient pas des étudiants ordinaires, car ils avaient été choisis parmi beaucoup d’autres pour leur piété et leur érudition, et Rabbi Chnéour Zalman en personne s’occupait d’eux. En même temps, ce dernier continuait à donner des leçons aux meilleurs de ses étudiants et à ses fils, accordant une attention particulière à l’aîné de ceux-ci qui devait, le moment venu, lui succéder.

C’était une période critique pour le mouvement ‘hassidique encore jeune et fragile. Il se développait rapidement sous la direction de Rabbi Chnéour Zalman, et le nombre de ses adeptes ne cessait de croître. Il y avait néanmoins beaucoup de Juifs qui, se méprenant sur la signification profonde du nouveau mouvement — ce qui paraît pour le moins étrange aujourd’hui —, nourrissaient la crainte qu’il éloignât de la Torah et de la tradition ceux qui y adhéraient. Même quelques rabbins éminents s’y opposèrent. Par deux fois, Rabbi Chnéour Zalman fut arrêté sous de fausses accusations, amené à Saint-Pétersbourg, alors la capitale, et interrogé. Chaque fois, aucune charge ne put être retenue contre lui, ni contre son mouvement. Le 19 Kislev, jour de sa première sortie de prison, devint, depuis, une importante fête ‘hassidique annuelle.

Disparition de Rabbi Chnéour-Zalman

Après la seconde libération de Rabbi Chnéour Zalman, en l’an 5561 (1800), il se transféra à Liady, qui devint le centre de ‘Habad pendant douze ans, jusqu’aux guerres napoléoniennes. Liady se trouvait sur le chemin de l’armée française d’invasion. Rabbi Chnéour Zalman détestait le conquérant et incita ses adeptes à soutenir l’effort de guerre du gouvernement russe, bien que les Tzars ne se fussent jamais montrés amicaux à l’égard des Juifs. Quand l’armée de Napoléon fut proche de Liady, Rabbi Chnéour Zalman, sa famille et un grand nombre de fidèles fuirent en hâte vers le sud. On était en hiver ; les longues semaines de traîneau dans le froid rigoureux de Russie mirent à rude épreuve la santé du Rabbi vieillissant. Il n’y résista pas. Le 24 Tévet de l’an 5573, à Pyéna, petit village de la province de Poltava, Rabbi Chnéour Zalman mourut.

Rabbi Dov-Ber, âgé alors de trente-neuf ans, fut reconnu comme son successeur. La question du choix de sa résidence se posa alors.

Loubavitch : la capitale

La guerre se termina par la défaite de Napoléon, infligée par le Tzar Alexandre Ier (le même qui, à son avènement sur le trône en 1800, rendit la liberté à Rabbi Chnéour Zalman après sa seconde arrestation).

Liady était en ruines. Le Prince Lubomirsky, à qui appartenait la ville, et qui avait été un grand ami et admirateur de Rabbi Chnéour Zalman, offrit de la reconstruire pour son successeur. En même temps, il proposa à ce dernier, pour le cas où il le préférerait, une ville proche de Liady, la bourgade de Loubavitch, qui appartenait à son neveu.

Pour désintéressé qu’il fût, le prince ne perdait cependant pas de vue les grands avantages économiques dont bénéficieraient la ville et les localités avoisinantes si celle-là devenait la résidence d’un Rabbi si illustre, avec le va-et-vient régulier de centaines d’adeptes à l’occasion des Chabbats et des fêtes. Aussi fut-il ravi quand Rabbi Dov-Ber consentit à s’établir à Loubavitch. Et il entreprit sans délai la construction des édifices nécessaires à l’installation du mouvement et à son fonctionnement, des bureaux, aussi bien qu’une synagogue et une école.

Ainsi Loubavitch devint la capitale des ‘Hassidim de ‘Habad, et le demeura cent deux ans durant, jusqu’à la Première Guerre mondiale, en 1914. C’est à Loubavitch même que Rabbi Chnéour Zalman avait commencé ses études avec, pour maître, Rabbi Issakhar-Ber.

Le Constructeur

Rabbi Dov-Ber fut le digne successeur de son illustre père. Il marcha sur ses traces, continuant à enseigner le mode de vie ‘hassidique de ‘Habad, et enrichissant sa littérature de nombreux ouvrages. Il fonda une Yéchivah à Loubavitch, qui attira de jeunes érudits exceptionnellement doués. La direction en fut confiée à son gendre Rabbi Ména’hem Mendel de Loubavitch,1 qui plus tard devait lui succéder.

Suivant l’exemple de son père, Rabbi Dov-Ber considéra comme un devoir sacré d’aider les Juifs de Russie, ‘Hassidim aussi bien que non-‘Hassidime, et non seulement spirituellement, mais aussi matériellement. La situation des Juifs sous les Tzars n’avait jamais été bonne ; elle empira beaucoup quand Nicolas Ier succéda à Alexandre Ier en 1825. Les restrictions imposées aux Israélites devinrent plus rigoureuses et se multiplièrent. Ils furent confinés dans un ghetto où les conditions de vie devinrent dramatiques.

Rabbi Dov-Ber entreprit une campagne (en 1822 ou 1823) pour inciter les Juifs à apprendre un métier et, si possible, devenir ouvriers spécialisés dans les usines. Et il pressa les communautés israélites d’ouvrir des écoles professionnelles où les jeunes garçons juifs, particulièrement ceux des classes démunies, pourraient apprendre un métier. De plus, il engagea ses frères juifs à se familiariser avec les travaux des champs, leur rappelant qu’un jour, dans le passé, leurs ancêtres, vivant dans leur propre patrie, formaient un peuple de fermiers, d’agriculteurs et de bergers. Il n’est pas jusqu’aux garçons peu doués pour l’étude qui ne retinrent son attention. Il préconisa pour eux à partir de l’âge de treize ans, un programme où une partie de leur temps serait consacrée à apprendre un métier ou aux travaux des champs ; du même coup, ils venaient ainsi en aide à leurs familles.

Non content d’inciter par la parole, Rabbi Dov-Ber entreprit de fonder des colonies de fermiers juifs. La première vit le jour à Kherson ; elle se composait d’une cinquantaine de familles israélites. D’autres suivirent. Rabbi Dov-Ber pensa à collecter des fonds dans ce but. Il visita personnellement nombre de fermiers juifs, les encourageant dans cette œuvre de pionniers où ils s’étaient vaillamment engagés, et veillant à ce que les besoins spirituels de leurs enfants ne fussent pas négligés.

Un décret cruel

Le règne de Nicolas Ier fut marqué par les tribulations constantes dont eut à pâtir la population juive de Russie. Le but non avoué était de faire pression sur elle afin de l’inciter à chercher un remède à ses maux dans l’assimilation et la conversion religieuse. L’un des décrets les plus cruels de Nicolas fut le renforcement de la souscription et de l’enrôlement forcé dans l’armée russe. Ce décret pris en 1827, connu sous le nom de « décret des Cantonistes », rendait obligatoire pour chaque communauté de fournir un quota de recrues, à partir de l’âge de douze ans, pour un service militaire d’une durée de vingt-cinq ans. Les enfants juifs firent preuve d’un courage admirable pour résister à la conversion où on les poussait par tous les moyens. Mais le drame de leurs vies brisées et la douleur de leurs familles affectèrent profondément Rabbi Dov-Ber, et finirent par compromettre sa santé.

Comme son père, il fut dénoncé par ses ennemis sous le prétexte que ses agissements portaient atteinte à la sécurité de l’État. Arrêté, il fut relâché, l’accusation portée contre lui s’étant révélée sans fondement. Le 10 Kislev, jour de sa libération, est célébré avec gratitude par les ‘Hassidim de ‘Habad.

L’écrivain et le musicien

Outre sa vaste érudition et ses remarquables qualités de chef, Rabbi Dov-Ber avait, particularité héréditaire, un grand amour de la musique ‘hassidique. Son père avait composé dix mélodies (« nigounim ») d’une inspiration ardente. Leur pouvoir exaltant, aussi bien sur ceux qui les chantaient que sur ceux qui les écoutaient, et la capacité qu’avait leur musique d’élever les uns et les autres à un grand amour de D.ieu, étaient connus de Rabbi Dov-Ber. Il encouragea la coutume de chanter ces mélodies et d’autres de sa composition à l’occasion de rassemblements solennels et joyeux. Il organisa même un chœur de ‘Hassidim qui dirigeait les chants de l’assemblée des fidèles.

Rabbi Dov-Ber écrivit de nombreux ouvrages sur ‘Habad et la Kabbalah, ainsi qu’un commentaire sur le Zohar. C’était un penseur profond. Il écrivait sans peine, au point qu’on raconte de lui qu’une fois terminée la dernière ligne de sa page, la première ligne n’avait pas eu le temps de sécher. Une vingtaine de ses œuvres ont été publiées, la plupart de son vivant.

Il mourut le 9 Kislev. Il était né, jour pour jour, 54 ans plus tôt. Il fut connu sous le nom de « Mittéler Rebbe » — le « Rabbi d’entre deux générations », car il appartint à la seconde des trois premières générations des chefs de ‘Habad, lesquels sont considérés comme les « pères », les édificateurs de ‘Habad-Loubavitch. Ce mouvement a été durant les deux derniers siècles l’une des forces déterminantes de la vie juive, et dont l’influence s’est fait sentir dans presque toutes les communautés israélites à travers le monde.