Dans la Paracha Masseï, la Torah nous raconte au sujet « des voyages » des enfants d’Israël dans le désert. Il est écrit « des voyages » et non pas un (seul) voyage. Depuis leur sortie d’Egypte, les juifs effectuèrent 42 étapes avant d’arriver sur la terre d’Israël. L’Egypte symbolise l’étroitesse et les limites. En Egypte les enfants d’Israël étaient noyés dans les 49 portes de l’impureté et vécurent de terribles souffrances. Leur premier voyage quand ils quittèrent l’Egypte fut celui de la délivrance de leur esclavage, mais la délivrance au-delà de toutes les limites n’était pas encore atteinte. D’autres voyages furent nécessaires avant de parvenir sur une terre « bonne et large ». Les juifs devaient avancer et s’élever encore et encore. D’une étape vers une autre ils dépassaient une limite pour en atteindre une deuxième jusqu’à parvenir en Erets Israël.

Le passage de la limite vers l’infini s’accorde à l’histoire des enfants d’Israël. Chaque juif possède les moyens de briser les limites de lui-même et les limites de ce monde. C’est le droit de chacun, du coupeur de bois et du porteur d’eau jusqu’au grand Sage de la Torah. Chaque étape de notre vie nous élève vers un niveau toujours plus élevé, et le but ultime est d’arriver dans un endroit qui n’a pas de limites.

A la fin de la lecture du quatrième livre de la Torah que nous lisons le Chabbat ‘Matot-Massei’, l’Assemblée dit d’une voix forte : ‘Hazak ‘Hazak vé Nit’hazèk’, ‘Sois fort ! Sois fort ! Et puissions-nous être renforcés !’.

Exprimer à trois reprises le désir d’être fort pour accomplir notre mission de faire de ce monde une demeure pour l’Essence divine, est l’occasion donnée au Rabbi de souligner l’importance et la signification du chiffre 3.

De fait, Le Chiffre 1 représente la Sainteté, telle qu’elle est et que rien ne vient perturber. Le chiffre 2 représente une situation dans laquelle la Sainteté est opposée aux forces du mal, à ‘l’autre côté de la Sainteté’ (‘Sitra A’hara’). Enfin le chiffre 3 représente la victoire de l’homme sur les forces du mal.

Le Rabbi, décrit deux façons de vaincre le mal. La première est qualifiée comme étant une révélation ‘du haut vers le bas’. ‘du haut’, car il s’agit d’un dévoilement de la lumière divine, ‘vers le bas’, car cette lumière a pour effet d’éliminer le mal qui s’oppose à l’homme dans ce monde ici-bas.

La deuxième façon de vaincre le mal est un travail que le Rabbi qualifie comme étant ‘du bas vers le haut’, car il s’agit du travail personnel de l’homme lui-même, afin de faire tout ce qui est en son pouvoir pour raffiner le mal, et même pour parvenir à le transformer en bien.

L’avantage d’un dévoilement ‘du haut vers le bas’ est qu’il s’agit du dévoilement d’une lumière illimitée, car celle-ci vient de D.ieu. Ce n’est pas le cas quand il s’agit du travail de l’homme qui est ‘du bas vers le haut’, car même si l’homme possède une âme divine, il demeure malgré tout soumis aux limites que lui imposent le corps et ce monde matériels.

Cependant, et c’est là le point central essentiel de cet enseignement du Rabbi, le travail réalisé par l’homme possède un avantage incontestable. Certes, la lumière qui vient d’en-haut a pour effet de neutraliser le mal, mais il se peut que cet effet soit temporaire. Pour se débarrasser totalement du mal, pour parvenir à le transformer, à ‘élever le mal vers le bien’, ‘du bas vers le haut’, l’action de l’homme est nécessaire.

Dans le discours ‘hassidique intitulé ‘Vé Atah Tètsavéh’, le Rabbi explique qu’il peut y avoir une situation dans laquelle un Juif agit durant une longue période en étant éclairé par une lumière divine (‘du haut vers le bas’) qui le pousse à faire véritablement don de lui-même pour accomplir la Volonté de son Père qui est dans le ciel.

Il sera même prêt à renoncer à sa propre vie, si cela s’avère nécessaire pour préserver son Judaïsme. Dans ce cas, nul n’est besoin d’ajouter que le mal n’a aucune emprise sur lui, bien au contraire il agit au-delà de la raison et de l’intellect, avec une inébranlable détermination pour faire le bien et fuir le mal, afin de faire de ce monde une demeure pour D.ieu.

Cette lumière divine inspiratrice provient de l’Essence de son âme. Celle-ci se révèle aux forces de son âme, à son intellect et à ses émotions, et c’est pour cela qu’il parvient à faire don de lui-même, ‘messirout-néfèch’. Cependant, si cet éclairage divin venait à disparaître, il redeviendrait exactement ce qu’il était auparavant, avant de recevoir l’inspiration divine. C’est-à-dire qu’il retrouverait son intellect et ses sentiments dans leurs états naturels, sans que rien n’ait changé. De fait la force qui le poussait à agir au-delà de ses propres limites était comme une chose ajoutée à son état naturel.

Aussi, le Rabbi explique que l’éclairage divin, sans un travail personnel de l’homme, demeure insuffisant pour changer la nature des forces de l’âme. Ce changement n’est possible que si l’homme accomplit un travail ‘du bas vers le haut’.

La partie profonde de la Torah nous enseigne que seule l’Essence divine a le pouvoir de transformer le mal en bien (voir par exemple le recueil du Rabbi intitulé ‘Iniana chel Torat ha ‘Hassidout’), et un Juif ne peut atteindre l’Essence divine que s’il réalise l’union entre la lumière divine qui vient d’en-haut, de l’Essence de son âme ‘qui est enracinée dans l’Essence divine’, et la lumière qui vient de lui-même (‘d’en-bas’) de son propre travail, au moyen de ses propres forces, des forces naturelles de son intellect, de ses sentiments, et de ses actes.

Ainsi, cet enseignement du discours ‘hassidique ‘Vé Atah Tètsavéh’ s’accorde parfaitement au contenu profond du Dvar Mal’hout sur notre Paracha. Le Rabbi nous enseigne en effet que l’union des Parachiot ‘Matot-Massei’ représente l’union de ces deux niveaux :

la Paracha ‘Matot’ représente le dévoilement du haut vers le bas de la lumière divine, ainsi qu’il est écrit (30,2) : ‘Ceci est le sujet que L’Eternel a ordonné’, et la Paracha ‘Massei’ représente le dévoilement du bas vers le haut de l’action et du travail de l’homme, ainsi qu’il est dit: ‘Ce sont les voyages des enfants d’Israël…’.

Nous n’avons pas toujours véritablement conscience du fait que nous ne sommes pas seul à agir dans notre vie lorsque nous accomplissons notre mission sacrée. Nous ne réalisons pas vraiment que la possibilité nous est donnée d’accéder à un niveau, que nous ne pourrions atteindre seul, car il s’agit de briser nos propres limites et d’atteindre l’illimité, en unifiant à la lumière de nos actes la lumière infinie de D.ieu.

Bien que les forces de l’âme de l’homme soient limitées, il n’en demeure pas moins que par son travail chaque Juif peut atteindre l’Essence. C’est-à-dire que la force illimitée de l’Essence divine s’unisse à ses propres forces.

Cela peut être comparé à la déclaration de l’Admour Hazaken dans le livre du Tanya, selon laquelle l’âme d’un Juste parfait peut descendre et se révéler dans le corps d’un Juif méritant, afin de l’élever au rang de Juste.

Dans le Dvar Mal’hout le Rabbi dévoile la définition du titre de notre Paracha. De manière profonde, le mot ‘Voyages’-‘Massei’ désigne l’action de se déraciner d’un état spirituel, pour atteindre un état supérieur et sans commune mesure avec l’état précédent. (De fait, le mot ‘voyage’ n’est pas sans exprimer ‘la distance’ qui sépare les forces de l’âme de l’Essence de l’âme, car celle-ci représente l’ultime point qui se situe au-delà de tous les détails, de toutes les formes). Le travail nécessaire pour atteindre ce niveau supérieur, qui n’est autre que celui de l’Essence divine, est décrit par le Rabbi dans le discours ‘hassidique ‘Vé Atah Tètsavéh’. Ce travail est celui de ‘Katit lé Maor’. Un Juif doit dévoiler la partie la plus profonde de son âme. Le désir le plus profond qui vit au fond de son cœur. Il doit révéler ce cri qu’il ne cesse de pousser tout au fond de lui-même, qui n’est autre que l’expression du désir du dévoilement de D.ieu.