Feiga Lubecki / Cacher Magazine

Dès l’annonce Motsé Chabbat 25 Adar du décès de M. André Touboul de la terrible épidémie qui sévit dans le monde entier, c’est non seulement la communauté Loubavitch qui a été frappée de tristesse mais des générations de jeunes filles et de femmes qui ont bénéficié de ses exceptionnelles qualités d’éducateur.
M. Touboul n’était pas le directeur de Beth Hanna, il était Beth Hanna !

Depuis qu’il avait quitté Marseille (après de brillantes études de mathématiques), il était devenu à Paris un des piliers du mouvement Loubavitch, absorbant grâce à son esprit analytique et la clarté de son intelligence les enseignements ‘hassidiques qu’il exposait avec aisance et cœur. Ce n’était pas des paroles répétées assidûment mais des leçons vécues de toutes les fibres de son être. Il savait traduire en termes simples et terre à terre des concepts ardus, des idées ‘hassidiques profondes ; il n’oubliait jamais le « Ouve’hen », la conclusion logique de ces idées, la morale que chacun pouvait et devait en retirer.

Quand Rav Chmouël Azimov de mémoire bénie avait conçu le projet de créer un complexe à la mémoire de la Rabbanit ‘Haya Mouchka Schneerson (l’épouse du Rabbi, décédée en 1988), M. André Touboul s’était jeté corps et âme dans cette réalisation. Menant les tractations, il entretenait un contact étroit avec les autorités concernées. Ne perdant jamais espoir malgré les difficultés qui semblaient pourtant insurmontables, il était déterminé à actionner tous les leviers, à frapper à toutes les porte, à intercéder auprès de chaque personne qui pourrait contribuer à la réalisation de cette entreprise gigantesque qui impliquait un budget pharamineux. Sa courtoisie et la fermeté de ses opinions lui valaient l’admiration de ses interlocuteurs, même de ceux qui considéraient cette entreprise comme impossible. Discret, il ne révélait pas les difficultés et le nom de ses opposants ; soumis à la vision de Rav Azimov, il voulait le meilleur et l’obtenait.

La petite école presque familiale de l’avenue de Flandres dont il avait repris la direction pouvait enfin s’installer dans des locaux flambant neufs dont il avait supervisé la construction depuis l’acquisition du terrain jusqu’à la couleur des papiers peints pour chaque classe. Très rapidement le complexe ‘Haya Mouchkaétait devenu le phare de la vie juive dans le 19ème mais aussi dans tout Paris. Synagogue, salle de fêtes, parking, Mikvé pour hommes, bibliothèque complétaient les six étages de salles de classe dans lesquelles des milliers d’élèves ont passé toute leur scolarité, depuis la crèche jusqu’au bac.

Si cette école avait été conçue au départ pour les filles de familles Loubavitch, elle devint très rapidement l’école de toute la communauté, recommandée par les plus grandes personnalités rabbiniques de la région, fréquentée par toutes les tendances religieuses de la ville. Elle avait la confiance des plus hautes autorités académiques, bénéficiait de l’estime de toutes les instances sociales.

Le programme de Beth ‘Hanna a toujours été exigeant : Kodech intensif le matin et ‘Hol seulement l’après-midi. Aucun relâchement n’était toléré et même les enseignantes devaient se plier à un rythme soutenu dans les contrôles. La discipline rigoureuse, le respect des horaires mais aussi les relations constantes avec les parents assurèrent la réussite de ce qui allait rapidement et durablement devenir l’une des meilleures écoles de tout Paris. Beth Hanna fut l’une des toutes premières écoles à réintroduire le port de l’uniforme – pour la plus grande joie des parents et des professeurs. Et finalement aussi des élèves.

Mais le succès de Beth Hanna s’explique aussi et surtout par les extraordinaires qualités de son directeur : il connaissait chaque élève par son prénom (ce qui n’est pas évident quand elles s’appellent presque toutes Esther, Hanna, Dvora, Haya, Sarah…) mais aussi par ses notes au quart de point près ! Conscient des problèmes des unes et des autres (contexte familial, petits défauts, difficultés financières…), il connaissait aussi le potentiel de chacune et l’aidait – parfois malgré elle – à utiliser toutes ses capacités et à donner le meilleur d’elle-même. Son plus grand bonheur était la satisfaction qu’il lisait dans les yeux des élèves et de leurs parents quand effectivement, elles atteignaient les résultats dont lui seul les savait capables.

Dès l’annonce de son décès, les témoignages d’affection, de respect et de tristesse infinie ont afflué dans les réseaux sociaux et auprès de la famille. Des petits mots touchants, des lettres, des anecdotes frappantes qui auront marqué ces milliers de filles et femmes. Dispersées actuellement aux quatre coins du monde, ses anciennes élèves expriment avec nostalgie et incrédulité leur affection pour ce directeur extraordinaire qui a contribué avec tant d’efficacité et d’amour à les mener dans le droit chemin du judaïsme authentique.
Puisse son souvenir être une bénédiction pour tous ceux qui ont eu la chance de le connaitre ! Puissent son épouse, leurs 9 enfants et leurs petits-enfants trouver la consolation avec la reconstruction du Temple de Jérusalem dont certainement il discute « là-haut » avec Rav Azimov afin de faire venir le plus rapidement possible Machia’h !