La fête de Pourim incarne une libération essentielle. Cela a été abondamment développé : c’est en ce jour que la menace qui pesait sur le peuple juif fut anéantie. Nous fêtons donc d’année en année une authentique délivrance.
Pourtant, après le miracle et la victoire, comme le soulignent nos sages, « nous sommes encore les serviteurs d’Assuérus. » De fait, lorsque se concluent glorieusement les événements qui, en Perse, donnèrent naissance à Pourim, l’exil ne se termine pas. Les Juifs restent en Babylonie et le Temple gît toujours en ruine à Jérusalem, détruit par les armées de Nabuchodonosor.
Il est pourtant clair que quelque chose a changé. Si la liberté n’est pas encore acquise – elle le sera concrètement quelque temps plus tard avec le retour des exilés en Israël et la construction du second Temple – son appel résonne déjà dans l’air du temps. Dans le calendrier rituel, l’idée est soulignée par le fait que la célébration de Pessa’h, archétype de toutes nos libérations, suit de près la fête de Pourim.
Il ne s’agit pas là d’un traditionnel optimisme juif qui voudrait que, tout à la joie des fêtes successives, nous ne regardions plus le monde qu’au travers de nos désirs de paix. Le changement entrepris est véritablement profond et entre en résonance avec ce que nous vivons jour après jour.
En effet, en un temps où des vociférations d’un autre âge se font encore entendre, en une époque où assumer ce que l’on est, sans concession ni arrogance, semble poser problème à certains, entendre monter le chant de la liberté peut demander effort. La tentation du renoncement peut alors surgir sans même que l’on en ait pris conscience au préalable.
C’est justement alors que Pourim donne son plein enseignement. Certes, l’exil est encore matériellement sous nos yeux. Certes, le monde paraît bien puissant devant le «peuple dispersé parmi les autres peuples». Mais Pourim nous a montré le secret de la vie et de la victoire : être soi-même, ne jamais renoncer, ne jamais troquer la vérité de toujours contre l’illusion d’un temps.
Pour ces raisons, Pourim ne peut pas s’effacer de notre mémoire. Il est, d’une certaine façon, notre aventure quotidienne. La liberté est une conquête toujours recommencée. Il nous appartient de la maintenir, l’étendre et lui donner son fondement enfin éternel. Justement, c’est à présent vers Pessa’h que nous nous dirigeons, a-t-on dit. Pessa’h, comme la fin ultime de tout exil.