Le début de la parachath Massé est consacré au récit de toutes les étapes du long voyage que firent les enfants d’Israël depuis l’Egypte jusqu’à la terre promise par D.ieu. Le texte mentionne quarante deux étapes qui sont aussi, au second degré, les quarante deux étapes de l’histoire juive. Celles-ci doivent s’achever avec la venue du Machia’h annoncée en allusion avec la dernière étape « Yardène Yéré’ho » (le Jourdain, près de Jéricho). Une étape qui, selon le Talmud (1), nous permettra d’identifier le Machia’h.

Décrivant (2) l’émergence du Machia’h, le prophète Yéchaya (Isaïe) nous rapporte les traits essentiels de sa personnalité : « Et sur lui reposera l’esprit de D.ieu, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de D.ieu ». Puis dans un second verset, il nous indique une caractéristique qui paraît superflue : il sera animé de la crainte de D.ieu. Or le verset précédent avait déjà indiqué cette qualité !

Remarquant cette anomalie, Rava, l’un des grands Maîtres du Talmud, apporte ce commentaire : sa crainte de D.ieu se manifestera d’une manière tout à fait exceptionnelle : il sera en mesure de juger par l’odorat. Pour justifier une telle opinion, Rava remarque que le verbe employé par Yéchaya pour décrire cette prédisposition se rapproche du verbe « sentir », comme d’ailleurs le mot « Yéré’ho » (Jéricho) du verset de notre paracha. Mais la suite du verset est tout aussi intéressante. « …il ne jugera pas d’après la vision de ses yeux et d’après ce que ses oreilles entendront. Mais il jugera les pauvres avec justice… ».

Nous aurons ici deux questions : en quoi l’odorat peut-il être le signe distinctif du Machia’h qui lui donnera le pouvoir de juger ? De plus, que nous apporte le fait qu’il jugera précisément les pauvres avec justice ?

Une approche superficielle

Pour comprendre cela, nous rapporterons une question de nos Maîtres que l’on trouve dans le Talmud (3). « Quel est celui des cinq sens dont profite l’âme et non le corps ?.  C’est l’odorat », est-il répondu. On voit, en effet, que lorsqu’un homme perd connaissance, l’usage veut que l’on tente de le réveiller au moyen d’une bonne odeur. Parce que des cinq sens, c’est le moins matériel et qu’il peut, de ce fait, atteindre l’essence de l’être. La personne évanouie pourra alors, sortir de sa torpeur.

On peut comprendre à partir de là, la différence entre le jugement des hommes (aujourd’hui) qui ne jugent qu’à partir de perceptions physiques (la vue et l’ouïe) et celui du Machia’h qui jugera au moyen de l’odorat. Lorsqu’un juge donne son avis sur un cas précis, il n’a qu’une approche superficielle de la situation : seule lui est connue, la réalité concrète des faits mais il ne peut savoir ce qui profondément a poussé un homme à commettre tel ou tel fait.

Avec bienveillance

Ce niveau profond sera connu du Machia’h puisqu’il jugera les hommes par l’odorat. Il sera capable d’atteindre l’essence des choses c’est-à-dire de pénétrer la dimension profonde d’un individu afin de connaître son moi profond. On peut comprendre à présent la précision du verset selon laquelle le Machia’h jugera « les pauvres avec justice ». Que nous apprend ce détail ? Le concept de « pauvres » est à comprendre dans son acception spirituelle. Le Machia’h jugera les pauvres en mitzvoth et bonnes actions avec « justice ». Il aura la capacité de comprendre (avec bienveillance) les circonstances qui auront amené ces pauvres à fauter.

 

Notes : (1) Traité Sanhédrine, p. 93b (2) Chap. 11, versets 2, 3 et 4 (3) Traité Béra’hoth, p. 43b