A qui doit-on attribuer le mérite d’une Mitsva ? A celui qui la commence ou à celui qui la termine ? Pour répondre à cette question, Rachi s’inspire d’un verset de notre Paracha qui vient bousculer quelque peu la logique historique mais qui viendra dans le même temps éclairer notre réflexion sur plusieurs thèmes de la pensée juive.

 

Au début du chapitre huit de la Parachat Ekev, Rachi reprend les premiers mots de ce chapitre pour nous donner une règle dans la pratique du judaïsme.

Le texte débute ainsi : « Toute Mitsva que Je t’ordonne de faire aujourd’hui, tu veilleras à l’accomplir… ». Le commentateur reprend les mots « Toute Mitsva » pour nous avertir qu’il est important de finir une Mitsva si nous l’avons commencée car elle ne porte le nom que de celui qui la termine.

Cette règle, explique les commentateurs, est sans doute l’une des raisons d’une loi bien connue qui concerne la femme juive. La Thora nous apprend que c’est la femme qui donne le judaïsme.

Ainsi, un enfant né d’un non Juif et d’une femme juive est juif à part entière, ce qui ne sera pas le cas si le père est Juif et la mère non Juive. Aucune raison logique n’est donnée pour expliquer ce statut qui dépasse complètement l’intelligence humaine.

Toutefois nos Maîtres proposent une explication qui s’inspire de la règle énoncée plus haut : puisque c’est la femme qui achève la conception de l’embryon, l’enfant qui naîtra sera défini (Juif) en fonction de la mère.

Mais revenons à notre remarque initiale. A travers elle, Rachi ne vient pas seulement nous donner une règle d’interprétation du texte. Il vient renforcer une situation qui pourrait connaître une défaillance. C’est ce que nous tenterons d’expliquer aujourd’hui.

Investir le monde matériel

Quand la Thora nous donne un ordre, c’est l’indice que nous n’aurions jamais appliqué de nous même ce qu’elle nous demande.

Ainsi, par exemple, il n’y a pas de Mitsva de manger, tout simplement parce que cette fonction est naturelle, comme il n’y a pas de Mitsva de dormir.

Une Mitsva vient donc heurter, en quelque sorte, nos tendances innées et naturelles et de ce fait, elle exigera de nous un effort dans la continuité de l’acte. Cet effort sera d’autant plus nécessaire que la conclusion de cet acte (dans la majorité des cas) consistera, au final, à investir le monde matériel (comme toute Mitsva).  Traduire, en effet, une Mitsva dans la réalité du monde est loin d’être une chose aisée.

En tenant compte de cette difficulté, on peut comprendre pourquoi Rachi nous enseigne ce principe dans cette Paracha, dite à la fin des quarante années d’errance dans le désert, juste avant d’entrer sur la terre d’Israël.

Puisque le peuple s’apprête à vivre dans la matérialité du monde, et donc à finir d’installer D.ieu dans le monde, il y a nécessité de renforcer le peuple : si tu commences une Mitsva, veille à la finir parce qu’elle ne sera attribuée qu’à celui qui la finit !

Un ultime effort

Ce principe s’applique à merveille à notre génération qui, selon nos Maîtres contemporains, doit achever l’histoire avec la délivrance messianique.

Nous avons l’immense privilège d’achever l’histoire du peuple juif commencée il y a plus de 3330 ans, mais cette fin d’histoire s’annonce difficile.

Comme le rapporte le Talmud en différents endroits, le monde avant la délivrance sera un monde en perdition : difficultés relationnelles au sein de la famille, perturbations sociologiques, dégénérescence morale.

Devant de tels obstacles, le Juif qui émerge à peine de l’assimilation pourrait baisser les bras et penser qu’il n’aura pas la force de rester fidèle au judaïsme pour conclure l’histoire.

La remarque de Rachi constitue alors un formidable encouragement : la Mitsva porte le nom de celui qui la termine ! D.ieu nous donne un mérite extraordinaire : celui d’achever le travail de toutes les générations précédentes, explique le Rabbi. Chacune d’entre elles a connu pogroms, persécutions, errances, fuites, et malgré ces difficultés la Thora a été transmise.

Nous aussi, nous devons porter cette Thora mais il ne nous reste plus qu’à parachever cette œuvre dans la tranquillité (que nos pères n’ont pas connue). Ne devrions-nous pas être heureux d’être les acteurs de ce merveilleux achèvement ?