Le président Reuven Rivlin a rendu hommage à Guéoula Cohen, membre de la Knesset pendant 19 ans et qui reçu le prix d’Israël, la plus haute distinction civile du pays pour ses contributions à la société, et a qualifié sa mort de « chagrin national »

« Le feu qui a brûlé à Guéoula s’est éteint ce soir », a déclaré Rivlin, la félicitant en tant que « combattante de la liberté israélienne au sens le plus profond du concept, qui a été une inspiration pour moi et pour nous tous ».

Le fils de Guéoula Cohen, Tzachi Hanegbi, actuellement ministre du Développement régional du Likoud, a annoncé sa mort.
« Avec un profond regret, j’annonce le décès de ma chère mère, Guéoula Cohen, combattante de la liberté d’Israël depuis l’aube de sa jeunesse jusqu’à son dernier jour, à l’âge de 93 ans », a déclaré Hanegbi.

Les funérailles de Cohen devaient avoir lieu jeudi à 13h30 au cimetière du Mont des Oliviers à Jérusalem.

L’ancienne législatrice née à Tel-Aviv a rejoint le mouvement clandestin Etzel combattant le mandat britannique en 1942. Elle a ensuite déménagé dans le plus radical Lehi, également connu sous le nom de Stern Gang, où elle a travaillé comme animatrice radio.

Elle a été capturée par les Britanniques et condamnée à sept ans de prison en 1946, mais a réussi à s’échapper un an plus tard et a fait son retour dans le gang Stern.

Après la création de l’État d’Israël en 1948, elle a travaillé comme journaliste et est ensuite devenue active dans la politique, rejoignant le parti de droite Likud et entrant à la Knesset en 1973.

Guéoula Cohen était connue pour son opposition vocale à ce qu’Israël abandonne l’une des terres capturées lors de la guerre des Six Jours de 1967 et s’oppose à l’accord de paix de Camp David en 1979.


Ma rencontre avec le Rabbi  par Guéoula Cohen

(Extrait d’un article paru dans « Maariv » en 1964)

 

 

fr.chabad.org

Il m’est arrivé de rencontrer des hommes sages, des hommes d’un grand savoir et d’une grande intelligence, ainsi que des artistes de grand talent. Mais être assis en face d’un véritable croyant est une tout autre histoire :

Bien qu’il vous soit permis de ne pas accepter sa foi, celle-ci vous affecte forcément, car le véritable croyant a également foi en vous
Après avoir rencontré un sage, vous restez ce que vous étiez auparavant, ni plus sage ni moins sot. La science du savant ne déteint pas, ou presque pas, sur vous. De même pour l’artiste qui ne vous donnera pas une partie de son talent ou de son inspiration. Il en va tout autrement du croyant. Après l’avoir rencontré, vous ne serez plus jamais le même. Car, bien qu’il vous soit permis de ne pas accepter sa foi, celle-ci vous affecte forcément, car le véritable croyant a également foi en vous.

Le Rabbi de Loubavitch, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, chef spirituel du mouvement mondial ‘Habad-Loubavitch, est à la fois un sage et un savant, mais il est avant tout un homme de foi. Et si la foi est l’art de la vérité, alors il est aussi un artiste, dont l’œuvre est constituée par l’armée de croyants qu’il dirige, l’armée de la foi juive, du D.ieu d’Israël et du peuple d’Israël.

Mais quelle est son opinion sur les grands problèmes de l’heure ? Pour poser cette question au Rabbi, il me fallait d’abord le rencontrer.

La légende juive ne dit rien sur la manière dont les anges sont reçus en audience par l’Éternel, mais si elle l’avait voulu, elle aurait bien pu s’inspirer de la façon dont les choses se sont passées pour que je sois reçue par le Rabbi de Loubavitch.

Tout d’abord, comme pour être reçu par n’importe quel mortel ordinaire, il y a bien sûr le secrétaire, les heures fixes de réception et la longue liste d’attente, sauf qu’ici, le secrétaire ne vous demande pas ce que vous avez l’intention de dire à son patron. Cela ne regarde que vous et le Rabbi. De plus, même si l’on doit parfois attendre de longues journées, tout le monde est finalement reçu. Et les audiences n’ont pas lieu le jour, mais au cours de la nuit. Toute la nuit. Le jour est réservé aux études, la nuit aux audiences.

– À onze heures du soir ? répétai-je lorsque le Rabbin ‘Hodakov, le secrétaire du Rabbi de Loubavitch, me dit que c’était là l’heure de mon rendez-vous, car je n’étais pas certaine d’avoir bien entendu.

– Demain à onze heures du soir, fut la réponse laconique au bout du fil qui me reliait au Quartier Général du Rabbi à Brooklyn.

– Et pourquoi pas durant la journée ? Lorsque je posai cette question plus tard à l’un des disciples du Rabbi, il me regarda comme si je venais de la lune.

– Durant la journée, le Rabbi a d’autres occupations, fut sa réponse, d’un ton qui n’admettait pas de réplique.

En fait, j’en vins à me demander si ce n’était pas mieux ainsi : la nuit, les cieux et les cœurs des hommes ne sont-ils pas plus ouverts, mieux disposés à écouter, alors que le rideau est tombé et que l’homme est plus proche de la vérité ?

Les disciples du Rabbi font partie de sa personnalité de la même façon que, selon les ‘hassidim, tous les êtres humains font partie de D.ieu
Peut-être toutes ces pensées qui s’agitaient en moi étaient-elles déjà dues à l’action de la drogue secrète qui se fait sentir, que vous le vouliez ou non, encore avant que vous ayez rencontré le Rabbi, probablement dès l’instant où vous voulez le voir. Quel que soit votre rationalisme, toutes vos questions sceptiques commencent à rougir de honte…

En conséquence, je me présentais à 11 heures précises au 770 Eastern Parkway à Brooklyn. Pas seule, bien entendu, car il n’est pas très recommandé pour une femme de se promener sans accompagnement de nuit dans les rues de Brooklyn, et comme je devais rencontrer le Rabbi, je n’avais pas envie de rencontrer « quelqu’un d’autre » avant ; aussi j’avais préféré être convenablement escortée.

La « cour » du Rabbi
De tous les livres que j’ai lus, je ne me souviens pas d’avoir lu une seule préface. Mais des longs préliminaires que je dus subir avant de rencontrer finalement le Rabbi, je conclus qu’on ne peut se passer de certains préambules, car ils constituent déjà le début de l’histoire. Ce que le Rabbi dit est important, mais ce qui est encore plus important, pour le comprendre, lui et l’école de ‘Habad, c’est de savoir aussi à qui, quand et où, il l’a dit. Le « comment » n’importe pas moins, et peut-être importe-t-il encore plus que le « quoi ». Le Rabbi et sa « cour » sont complémentaires. Son antichambre commence à la porte de la rue. Ses disciples font partie de sa personnalité de la même façon que, selon les ‘hassidim, tous les êtres humains font partie de D.ieu. Mon entrevue avec le Rabbi commença par conséquent dès l’instant où j’entrai dans la maison et rencontrai ses disciples.

Les jeunes gens qui peuplaient les lieux, étudiant la Guémara, pouvaient à peine être considérés comme des étudiants ou des disciples. Bien qu’ils fussent assis en face de livres ouverts, ils ne donnaient pas l’impression d’étudier quelque chose qu’ils n’avaient pas connu auparavant. Ils ressemblaient plutôt à des gens qui auraient fait dans un laboratoire des expériences avec l’intellect et ses raisonnements, de la même manière que d’autres le font avec la matière : mélangeant et décomposant. Et tout ceci était accompagné de leur fredonnement mélodieux.

On a beaucoup écrit et on écrira encore beaucoup sur les mélodies ‘hassidiques. Car ce sont des airs qui n’ont ni fin et ni commencement. Ils semblent perpétuer la chanson que vous chantez pour que quelqu’un d’autre puisse la continuer après vous. En écoutant cet air, il me vint à l’idée que le Décalogue, fondement de l’humanité, n’avait probablement pas dû être écrit ou parlé selon une mélodie ‘hassidique, mais je pensais tout autant que l’humanité n’aurait peut-être pas été capable d’observer ce code sévère s’il n’y avait pas eu cette adoucissante mélodie.

Ceux qui n’étudiaient pas se tenaient debout et parlaient entre eux. Peut-être parlaient-ils de choses banales, mais l’expression de leurs visages exprimait clairement qu’ils étaient comme des soldats sur la ligne de feu, qui échangent quelques mots à voix basse avant de monter à l’action. Le commandant était pour l’instant invisible, mais sa présence se faisait sentir partout. Aucun ordre n’avait été donné, mais il pouvait être donné à n’importe quel moment et tous étaient prêts à écouter et à obéir.

« Le Corps de la Paix » du Rabbi
Moi, aussi, j’attendais mes ordres pour entrer chez le Rabbi. Il était onze heures et quart, onze heures et demie… quand viendra donc mon tour d’entrer ? J’allais justement poser la question à l’un des jeunes gens du bureau lorsqu’une jeune femme bien habillée entra, chaussée de hauts talons, ses cheveux blonds s’échappant de son foulard. Avant que j’aie pu voir son visage, je pus entendre sa voix qui s’étranglait presque : « Avez-vous déjà une réponse pour moi ? » Au lieu de lui répondre, le jeune à qui elle avait parlé se dirigea vers une pile de lettres et en retira une enveloppe en lui disant que la réponse du Rabbi était à l’intérieur. La femme l’ouvrit anxieusement et la lut sur-le-champ. Pendant quelques instants, son regard se figea. On pouvait aussi y voir des larmes – étaient-elles de joie ou de chagrin, qui aurait pu le dire ? Elle s’en alla sans saluer, mais revint tout aussitôt :

– J’ai une autre question, dit-elle, puis-je la poser au Rabbi ?

– Bien sûr, n’importe quand et sur tous les sujets que vous désirez, lui répondit le jeune secrétaire.

Son visage s’éclaira de bonheur.

– Pauvre femme, me dit-il après son départ. Toute sa vie, elle est allée chez les psychiatres, et ils ne l’ont pas du tout aidée. Comment peuvent-ils l’aider si tout ce qu’ils possèdent est le savoir et non la foi ? Ils ne l’aiment pas, ils aiment seulement leurs théories. Comment peut-on aider sans amour ?

Ce jeune homme commença à éveiller ma curiosité. J’appris ainsi qu’il était âgé de vingt-cinq ans et qu’il était récemment revenu d’une mission en Australie, où l’avait envoyé le Rabbi.

– Ce que je fais ici ? J’ai une femme et des enfants, mais un jour le Rabbi m’a dit de me mettre en route et je n’ai demandé ni où ni pourquoi. Nous ne questionnons pas le Rabbi. Chacun de ses mots est un ordre. Il ne dit pas de mots inutiles, imprécis. Donc je pris ma famille et nous sommes partis. Qu’ai-je fait en Australie ? Ce qui m’a était ordonné. Il y a des missions qui consistent à s’enquérir du sort des gens et à contenter leurs besoins physiques, mais ce dont les Juifs ont le plus besoin est une nourriture spirituelle et un peu d’amour. Le Rabbi m’ordonna de partir dans le but de les encourager et d’apporter la vie juive à leurs âmes. Ce fut pour moi un grand honneur d’avoir été envoyé en mission par le Rabbi, mais nous sommes des centaines et des milliers dans le même cas. Nous sommes une armée entière, c’est notre « Corps de la Paix ». Ici est notre Quartier Général. D’ici le Rabbi envoie ses soldats sur les différents fronts. Même pour un seul Juif, nous sommes prêts à nous battre, avec dans nos mains la Torah et dans nos cœurs Ahavat Israël – l’amour du prochain. Ce sont là nos armes. S’il y a un endroit au monde qu’on ne peut atteindre en voiture, nous y allons à dos d’âne. Rien ne peut nous arrêter. Nous gardons constamment à l’esprit les ordres du Rabbi, que nous devons exécuter complètement, afin de pouvoir lui rapporter à notre retour que « la mission est accomplie ».

Le soleil ne se couche jamais sur l’Empire Loubavitch
Le monde avait coutume de dire que le soleil ne se couche jamais sur l’Empire britannique, mais cette image n’est plus valable. Il n’en est pas de même avec l’Empire Loubavitch. Il devient plus fort de jour en jour, ajouta-t-il. Avez-vous entendu parler de notre maison d’édition ? C’est une des plus importantes en matière d’œuvres juives, imprimant des livres en plus de dix langues. Nous avons aussi des centaines de yéchivoth avec quelque trente mille étudiants. Connaissez-vous nos villages en Israël ? Il y aura des communautés encore plus nombreuses. Une fois par semaine nous publions un bulletin d’information, diffusé par l’Agence de Nouvelles JTA.

– Qui sont les gens qui viennent voir le Rabbi ?

– Demandez plutôt qui ne vient pas ! Des ‘Hassidim et des Mitnagdim, des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, des Juifs et des non-Juifs, des particuliers et des hommes d’État, y compris le Président d’Israël. De même en ce qui concerne sa correspondance, elle touche tout le monde et couvre tous les sujets. Bien entendu, personne, en dehors du Rabbi, n’ouvre les lettres qui lui sont adressées et auxquelles il répond lui-même.

– En général, qu’est-ce que les Juifs demandent ?

– Des questions sur la religion ou sur les moyens de gagner sa vie, sur leurs affaires privées, et son point de vue sur la politique. Il n’y a aucune question à laquelle on ne peut répondre. Là où il y a la foi, on peut répondre à tout. Pour le Rabbi, il n’y a pas de questions médiocres ou sans importance. Chaque question demande une réponse précise… Excusez-moi un instant.

Je n’avais pas entendu la sonnerie, mais le jeune secrétaire se précipita sur le téléphone et quitta immédiatement la pièce.

Instinctivement, j’ajustai mon foulard sur ma tête en prévision de ma rencontre avec le Rabbi. Il était temps, car la seconde suivante le secrétaire revint me dire, avec l’air de quelqu’un offrant le plus merveilleux cadeau : « C’est maintenant. Venez avec moi. »

Le « rendez-vous de minuit »
Lorsque la porte se referma derrière moi et que je restai seule avec le Rabbi, il était minuit, mais le Rabbi se leva de derrière son bureau pour me recevoir avec un sourire où rayonnait plutôt l’éclat solaire.

« Pourquoi personne ne parle aux jeunes ? Ils attendent cela, mais personne ne le fait. »
Si c’est cela qui vous intéresse, vous découvrez un beau visage avec une expression de bonté et de noblesse, surmonté d’un chapeau noir et orné d’une barbe grise. Vous verrez également une paire d’yeux fixés sur vous, non pas pour voir, mais pour découvrir et révéler. Alors vous ne vous sentiriez pas à votre aise au cas où vous auriez quelque chose de caché que vous ne voudriez pas montrer. Est-ce parce que le Rabbi a réellement des yeux magiques ou est-ce à cause de l’influence magique que vous avez absorbé au cours de l’attente dans l’atmosphère de ce lieu ? Cette question n’a, à ce moment, aucune importance. Ce qui importe est d’essayer de se rappeler pour quelle raison on est venu ici. Aussi je commençai par me présenter.

Mais je vis immédiatement que cela n’était pas nécessaire. Il en connaissait plus sur moi que tout ce que j’aurais pu lui dire. Il savait non seulement ce que j’avais fait, mais ce que j’aurais dû faire, et non seulement ce que je faisais maintenant, mais ce que je ne faisais pas et que j’aurais dû faire. Bien sûr, ses disciples m’avaient dit qu’il lisait les journaux et qu’il était vivement intéressé par Israël, mais malgré tout c’était impressionnant :

– Je sais qu’actuellement vous écrivez dans la presse. C’est très bien, mais ce n’est pas l’essentiel. On doit s’adresser aux jeunes, et non se contenter d’écrire à leur sujet. Pourquoi ne leur parlez-vous pas ? Pourquoi personne ne leur parle-t-il ? Ils attendent cela, mais personne ne le fait. On leur tient de beaux discours, mais personne ne leur parle directement ; après cela, les gens sont surpris de les trouver indifférents à tout !

Le Rabbi ne me parle pas en yiddish, mais en hébreu. Son accent n’est peut-être pas du plus pur hébreu moderne, mais son langage est celui de la Bible. Et quelle que soit l’émotion contenue dans ses paroles, sa voix demeure calme et sereine.

– Ce que la jeunesse attend, c’est un ordre qui doit être donné de la même voix et sur le même ton que tous les grands commandements qui ont été donnés au peuple d’Israël. Les jeunes obéiront ou n’obéiront pas, mais ils ont besoin de cet ordre. L’ennui, c’est qu’il n’y a aucun commandant pour le donner. Où sont-ils donc tous ? Aucun salut ne viendra de ceux qui suivent les ornières de leurs habitudes, mais uniquement de ceux qui déploient de nouveaux efforts en vue du progrès.

Qu’est-il advenu de tous ceux qui, autrefois, brûlaient du feu sacré de l’idéalisme ? Ils s’occupent de bagatelles, par exemple s’il convient d’augmenter les taxes et de quel taux, au lieu de penser à ce qui concerne le peuple juif dans sa totalité. Selon les lois physiques, l’énergie ne peut jamais disparaître. C’est pourquoi je crois en la force éternelle du peuple juif. Toutes les forces qui étaient les siennes dans sa jeunesse existent toujours en lui et elles n’ont besoin que d’être réveillées. Où sont partis ceux qui savaient autrefois comment les réveiller ? La majorité s’encroûte en une morne médiocrité. Et, vous le pensez certainement, rien n’est pire que le conformisme. Se laisser porter par le courant est semblable à la mort. La créativité s’exprime en nageant contre le courant. Ce dont nous avons besoin est quelqu’un qui commence à nager contre le courant. Je ne prêche pas, que D.ieu préserve, la révolte, mais seulement une contestation contre le conformisme. Et pourtant la nation juive tout entière suit l’exemple du conformisme et il n’y a personne pour la guider hors de ce chemin…

La voix du Rabbi est pleine d’amertume, mais sans accents tragiques :

– Avez-vous jamais calculé combien d’« heures-jeunesse » si précieuses sont gaspillées chaque jour ? L’utilisation de chacune de ces heures pourrait donner des merveilles. Au lieu de s’adresser à la jeunesse, les leaders font des discours théoriques, et les jeunes vont au café perdre ce temps précieux. Donnez-leur simplement un ordre comme lors d’une campagne militaire, et vous verrez comme tous se lèveront comme un seul homme. L’énergie latente n’attend que l’étincelle.

Jamais dans toute l’histoire du peuple juif celui-ci n’eut une période qui offrait autant d’occasions qu’aujourd’hui. Et pourtant, il n’y eut jamais d’autres périodes où si peu d’entre elles ont été exploitées.

La Torah aussi a besoin d’un Commandant
Il fallut soudain la sonnerie stridente pour que je prenne conscience du profond silence qui régnait dans cette pièce. La sonnerie venait de l’extérieur, probablement du secrétariat. Je compris que l’entretien était terminé. Mais il ne me vint pas à l’idée de me lever, et je restai assise, là, comme s’il n’y avait pas eu de signal. En dépit de cette invitation pressante à abréger, le son de la voix du Rabbi m’assura que ce n’était pas encore fini :

– Chaque jour qui passe est une perte terrible. Notre jeunesse est endormie et ceux qui lui parlent ne le font pas dans son langage. Car s’ils le faisaient, celle-ci se réveillerait. Et ce réveil est la chose essentielle ; la jeunesse possède une richesse immense : son énergie. Une fois qu’on l’a libérée, elle peut être contrôlée.

Observez certains jeunes religieux, ils montrent de la fougue à protéger, parfois de manière critiquable, notre patrimoine spirituel. Pourtant, ce qui compte vraiment, c’est qu’ils ont du cœur, et qu’il y a quelque chose qui brûle au-dedans d’eux, et c’est cela le principal. Les convaincre qu’ils se trompent dans la forme d’action ne serait pas trop difficile, leur énergie serait alors utilisée dans la bonne direction.

Par contre, les jeunes gens qui quittent la Terre Sainte pour étudier dans des universités étrangères ne sont pas des exemples de combat pour un idéal, signe d’une vie intérieure. Que peuvent-ils apprendre qu’ils ne puissent étudier en Erets-Yisraël ? Un jeune homme qui va de Brooklyn au Néguev et risque sa vie sur les frontières peut être appelé un « pionnier » (‘halouts). Mais quitter Israël pour étudier dans une université de Brooklyn n’est pas un acte de pionnier. Ce n’est que recherche de confort.

« L’esprit du Judaïsme est le seul idéal qui n’ait pas échoué comme tout le reste. Seules les valeurs de la Torah sont restées indemnes. »
Prenez nos étudiants des yéchivoth : ils quittent parfois un foyer confortable afin d’aller enseigner la Torah aux autres. Ils vont partout dans le monde où il y a des Juifs. Ils frappent à toutes les portes, ils se frayent un chemin vers les kibboutzim non religieux en Israël et dans les foyers assimilés de la Diaspora. L’esprit du Judaïsme est le seul idéal qui n’ait pas échoué comme tout le reste. Seules les valeurs de la Torah sont restées indemnes. Rien jusqu’à présent n’a pu leur être comparé. C’est pourquoi aucun « compromis » n’est possible à ce sujet. Il est possible de rendre plus accessible l’enseignement de la Torah par des moyens modernes, mais pas de libéraliser l’application des mitsvot. Les tentatives de compromis ne feront qu’éloigner notre jeunesse. La jeunesse juive ne veut pas de compromis.

Il était près de deux heures. La sonnerie avait cessé de retentir depuis longtemps. Avant de sortir, je ne pus m’empêcher de poser une dernière question :

– Pourquoi ne venez-vous pas donner l’ordre à notre jeunesse ?

– Ma place est là où mes paroles sont le mieux écoutées. Le retour à notre source spirituelle entraînera notre retour physique et collectif sous la conduite du Machia’h. Celui-ci sera un homme de chair et de sang, visible et tangible, un homme que le peuple suivra. Et il viendra.

– Il est en chemin depuis déjà bien longtemps, me surpris-je à répliquer.

– Il est maintenant très très proche, et nous devons être prêts à le recevoir à tout instant, car il aurait pu venir il y a quelques minutes à peine.

par Guéoula Cohen


Lettre du Rabbi adressée à Guéoula Cohen en 1967

Par la grâce de D.ieu,

5 Elloul 5727,
Brooklyn, New York,

A madame Gueoula Cohen(1),

Je vous bénis et vous salue,

J’ai bien reçu votre lettre du premier jour de Roch ‘Hodech Elloul, de même que celle qui la précédait(2). Vous avez déjà reçu une réponse officielle, concernant votre proposition de participation à un référendum. Cela n’est absolument pas l’usage en vigueur. En tout état de cause, je vous remercie d’y avoir pensé. Je dois ajouter, mais en réalité, il ne s’agit pas d’un ajout, c’est plus exactement l’objet principal de la présente, que j’ai été très déçu par la lecture de votre première lettre. Voici ce que je veux dire.

Depuis notre discussion, lorsque vous êtes venue en visite à New York, j’espère que vous vous en souvenez, au moins pour les points essentiels, je me suis enquis, j’ai demandé, j’ai recherché si celle-ci avait eu des conséquences. En effet, notre discussion, au moins comme je l’entendais, n’était pas officielle, n’était pas une “ interview ”, comme on dit en anglais. En fait, et il me semble même l’avoir signifié clairement, je savais que vous disposez de moyens, d’opportunités exceptionnelles. Or, la présente époque, en particulier ces dernières années, présente des possibilités incomparables de renforcer et de développer la position de notre peuple, les enfants d’Israël, en tout endroit où ils se trouvent, en particulier en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, très bientôt et de nos jours, par notre juste Machia’h. En conséquence, le besoin du moment fait que quiconque est en mesure d’agir, en la matière, en reçoit la responsabilité essentielle et le rôle premier, d’autant que cela est pour le bien de tous et bien souvent même pour leur salut.

Il en est ainsi également lorsque les moyens et les possibilités ne sont disponibles qu’au bénéfice du doute. A fortiori est-ce le cas lorsque le passé a fait la preuve qu’une certaine personne possède des moyens et des capacités pouvant effectivement être utilisés en ce sens. Dès lors, tout est beaucoup plus fort. Je répéterai donc, au moins brièvement ce dont nous avons parlé, lors de notre discussion.

L’expérience a montré que certains cercles de notre peuple peuvent être guidés positivement. C’est en particulier le cas des jeunes qui, bientôt, seront les dirigeants des implantations juives, y compris en notre Terre Sainte. Pour différentes raisons, l’existence quotidienne a tempéré l’enthousiasme de la jeunesse et donc limité les actions allant dans le bon sens. Ceci a eu pour conséquence des passions indésirables, allant même à l’encontre de ce qu’il faudrait. Et, l’on se justifie en affirmant que telle parole est ennuyeuse, que telle action est ancienne, qu’elle ne concerne que les générations passées. Ma proposition était donc que l’on se serve de cet empressement et de cet enthousiasme, bien qu’ils aient été ensevelis sous les tracas du quotidien, de la vie courante et terne, pour enflammer les jeunes, pour raviver la flamme cachée en eux à travers des actions positives, qui sont indispensables pour l’existence de tous et pour le bien de chacun. J’ai bon espoir qu’ils en seront motivés et que, de la sorte, ils agiront concrètement.

Or, pendant les années qui se sont écoulées depuis notre entrevue, je n’ai pas eu sous les yeux une seule action concrète qui ait été la conséquence de ces propos. Je veux dire, très simplement que, malgré mes recherches, je n’ai trouvé ni dans les périodiques auxquels vous contribuez, ni dans d’autres que j’ai pu consulter, le moindre écho d’actions que vous auriez menées en ce sens. On pourrait, certes, expliquer que vous n’avez pas adopté mon avis. Pour autant, la nécessité d’aider les jeunes à se départir de leur léthargie me parait claire et évidente. La carence de personnes dont on peut espérer qu’elles connaîtront la réussite, en la matière, est, à mon sens, si importante que l’on ne peut pas ne pas voir en cela le besoin du moment, en particulier pour celui ou celle qui a connu la réussite, dans ce domaine, de par le passé.

Il est sûrement utile de rencontrer les personnes dirigeant les différents milieux, de connaître leur avis et de le publier. Vous vous consacrez à cette activité et vous devez donc vous-même observer cette utilité. Mais, cela ne dispense absolument pas de s’entretenir directement avec ceux qui sont actifs, au sein de chaque peuple, y compris, parmi les enfants d’Israël, avec ceux dont l’empressement est plus grand que le reste du peuple, parce que ceux-là n’ont pas encore été atteints par une vie de compromis, au point que celle-ci soit devenue une seconde nature, parce qu’ils ne craignent pas de relever un défi et parce que, quand ils s’aperçoivent que leur mode de vie n’est pas ce qu’il devrait être, ils ont la force de caractère qui leur permet de l’admettre. Et, dès lors, ils adoptent un nouveau mode de vie, changent de cap, vont parfois même en sens opposé à la vie qu’ils avaient au préalable. On ne trouve pas toutes ces qualités chez les chefs de parti, ni même chez la plupart des dirigeants des différents milieux.

Bien entendu, quelques mois après notre discussion, ne voyant aucune action en résulter, n’en observant aucune conséquence, j’ai cherché une cause, une raison pour vous écrire et pour vous poser cette question, mais, pour différentes raisons, ceci a été retardé, d’une période à l’autre. Néanmoins, la raison essentielle est que je ne savais pas quelle serait votre réaction, en constatant que je formule un avis sur “ votre vie ” en me basant sur une conversation et une rencontre, bien plus que, selon cet avis, un changement de vos actions soit nécessaire, et même un changement fondamental. Il y a aussi une raison plus profonde et peut-être même plus fondamentale : vous m’avez fait part de l’état de santé de votre enfant, dont j’avais indirectement entendu parler. Or, la douleur empêche une personne d’agir, dans différents domaines, surtout quand il faut faire preuve d’empressement et lutter, pour une large part, à contre-courant, ce qui a pour effet de s’isoler.

J’ai été encore plus déçu de ne pas avoir pu vous contacter et vous convaincre de mener à bien les actions dont nous avions parlées pendant la période de la guerre des six jours, au cours de ces jours proprement dits et durant le moment qui les a suivis. Au cours de cette période, l’enthousiasme de tous les milieux de notre peuple était à son comble, en tout endroit, mais l’on manquait d’une orientation qui aurait permis un apport positif, une construction spirituelle et matérielle. Pour notre grande peine, notre peuple n’a pas trouvé les dirigeants susceptibles de le guider et d’orienter sa motivation vers des accomplissements positifs, ni même ceux qui sont en mesure de renforcer l’enthousiasme et de l’encourager. Actuellement, tout “ s’arrange ” selon la formule que l’on sait, en supprimant ces sujets de l’ordre du jour. Or, maintenant encore, je ne trouve pas la moindre trace de vos actions.

Bien entendu, ce qui est dit ci-dessus n’a pas pour objet de vous faire de la morale, ce qu’à D.ieu ne plaise. Il s’agit d’une tentative de plus pour rétablir le dialogue, au moins par écrit, en reprenant le contenu de notre première discussion et en espérant que les actions en ce sens viendront peut-être maintenant. De manière concrète, il convient de hisser la jeunesse vers l’essence immuable de notre peuple. En plus de leur éternité, ces domaines sont, selon l’expression de nos Sages(3), “ nouveaux chaque jour ”. Je citerai pour exemple la Alya intérieure, avec les innombrables appels relatifs à l’immigration en provenance des pays de largesse, dont la probabilité est beaucoup plus réduite, au moins dans l’avenir immédiat. En outre, l’expérience passée de l’intégration des volontaires a montré que les conditions ne sont nullement réunies pour que celle-ci se déroule d’une manière satisfaisante. Et, de fait, la Alya profonde a décru, d’une façon dramatique, précisément dans les cercles de nos frères, les enfants d’Israël sefardim, depuis leur arrivée en notre Terre Sainte. Or, si une demande émanait d’une femme séfarade, un appel enthousiaste pour que l’on ne prête aucune attention à ceux qui plaident pour des familles réduites, qui le font depuis de nombreuses années et qui, pour notre grande peine, ont connu une réussite exceptionnelle, en la matière, il ne fait pas de doute qu’un tel appel trouverait l’écho qui convient, le plus profond et qu’il changerait la situation. Il en est de même pour le renforcement de la vie familiale et pour tout le reste.

J’ai cité comme exemple des domaines dont nul ne conteste l’aspect fondamental, en notre Terre Sainte, de l’extrême gauche à l’extrême droite, mais il est clair que la quasi-totalité de notre peuple résidant en Terre Sainte est dégrisée des avances et des attraits qui ont été exercés pour l’écarter du chemin de notre Torah, Torah de vie, notre Torah éternelle. Un appel pour revenir à la source, à un mode de vie basé sur la Torah et ses Mitsvot trouvera “ également ” un écho judicieux. Il permettra des actions dans certains cercles qui s’élargiront et qui se multiplieront de plus en plus. Car, au final, le cœur de chaque Juif et de chaque Juive est en éveil pour notre Torah et pour ses Mitsvot(4). Néanmoins, il est nécessaire de trouver le point ou, en d’autres termes, la Mitsva convenant à l’état d’esprit de tel milieu ou de telle personne, de commencer en s’adressant à tel cercle et à telle personne pour évoquer telle Mitsva. C’est ainsi qu’au final, “ une Mitsva en attire une autre ”(5).

Je connais l’argument, l’affirmation suivante : comment faire de la morale aux autres alors que l’on n’a pas soi-même atteint la perfection dans sa propre vie ? Mais, l’on voit bien que cet argument n’est qu’un prétexte, cachant une absence de volonté d’agir en ce sens. En effet, seul le Saint béni soit-Il est parfait et le peuple n’a jamais manqué de personnes faisant de la morale, pour des raisons positives ou bien pour des objets divers et variés. Autre point, qui est essentiel, à notre époque, nous n’avons pas le temps d’attendre que celui qui fait la morale et invite à l’empressement atteigne lui-même la perfection pour commencer à agir. Il n’y a pas d’autre solution que de mener ces deux objectifs conjointement, de prôner la morale et l’empressement pour soi-même et, simultanément, pour son entourage.

Ma lettre s’est allongée et je résumerai donc brièvement ce qui est exposé ci-dessus. Il est encore plus clair pour moi que lors de notre première rencontre que vous avez la capacité de guider et que vous en avez le moyen. C’était alors mon avis et je le pense encore. Chaque jour qui passe sans que vous vous serviez de vos moyens pour faire revenir la jeunesse est une perte. Et, il est bon d’en faire de même pour les adultes, bien que cela soit plus ardu. Il faut leur permettre d’accéder à une vie positive, une vie digne de ce nom, une vie basée sur notre Torah et ses Mitsvot, desquelles il est dit(6), au nom de tout le peuple d’Israël : “ On vivra par elles ”(7). Et, le plus tôt sera le mieux. Bien entendu, s’il y avait une évolution positive, concernant votre enfant, je serais heureux d’en avoir connaissance. Je vous remercie d’avance de bien vouloir m’écrire, à ce sujet. Avec ma bénédiction afin de me donner de bonnes nouvelles de tout cela et, selon la formulation traditionnelle, d’être inscrite et scellée pour une bonne et douce année,

M. Schneerson,

Notes

(1) L’une des dirigeantes de la droite en Erets Israël, qui avait rendu visite au Rabbi, puis avait relaté cette visite dans un article paru dans le journal Maariv du 19 Tévet 5725. Par la suite, celui-ci fut publié également dans l’album, Ha Rabbi, tome 1, à partir de la page 68.
(2) Voir le Likouteï Si’hot, tome 33, à la page 240.
(3) Selon le commentaire de Rachi sur le verset Tavo 26, 16. Voir, notamment, le Sifri et le commentaire de Rachi sur le verset Vaet’hanan 6, 6.
(4) Voir le Zohar, tome 3, à la page 95a.
(5) Selon le traité Avot, chapitre 4, à la Michna 2.
(6) A’hareï 18, 5.
(7) Le Rabbi souligne les mots : “On vivra par elles”.