De combien et dans combien de pays le mouvement Habad dispose-t-il d’émissaires ?
Selon les derniers décomptes, nous disposons de plus de cinq mille émissaires dans cent cinquante pays du monde. Dans certains endroits, leur nombre est doublé voire triplé en fonction des besoins.

Cette implantation est-elle gouvernée par une stratégie particulière ?
Il y a plusieurs éléments. Au départ, le Rabbi envoyait des émissaires dans les pays qui demandaient de l’aide. Ensuite, il avait instauré un système où tous les ans, il envoyait des jeunes pendant un mois ou deux pour renforcer, diffuser et développer le judaïsme. En fonction du retour, la question se posait de savoir si l’endroit en question était « prêt » à recevoir quelqu’un de façon permanente et il arrivait souvent que les jeunes qui étaient partis célibataires dans un endroit, y revenaient mariés. On peut parler de stratégie dans la mesure où le Rabbi, en mettant en place comme dans une armée des généraux et des sous-généraux, des émissaires dans de si nombreux pays en fonction des besoins et des ressources, a permis au travail de grandir et de se renforcer. Et grâce à D.ieu, nous sommes arrivés à un développement important.

Quelle est la mission des émissaires sur place ?
Le Rabbi a toujours insisté sur une chose : chaque endroit en fonction de ses besoins. Qu’ils partent dans des pays touristiques, dans des communautés ou dans des universités, leur mission est de faire vivre le judaïsme et d’offrir les conditions d’une pratique juive. Ceci étant, si dans un endroit, il y a déjà une communauté en place, le Beth Habad devient complémentaire à la communauté. Si la communauté par exemple a déjà une synagogue, il n’y a pas besoin d’en créer. C’est pareil pour le mivkvé et le Talmud-Torah.

Les épouses des émissaires ont-elles un rôle spécifique ?
Oui, quand le Rabbi envoyait un couple, il envoyait les deux et chacun avait sa mission. Au plan communautaire, la femme peut avoir en charge les cours pour dames, les repas de chabbat, elle peut s’occuper et créer un lieu scolaire et un Talmud-Torah.

Parlez-nous de ces émissaires. Qui sont-ils et comment sont-ils choisis pour partir ?
C’est un peu une question d’offre et de demande. Quand un endroit en a besoin, un émissaire sera envoyé, en général ce sont des jeunes qui partent en fonction de ce à quoi ils aspirent dans leur vie, pour eux et leurs enfants. Ils peuvent vouloir agir dans une communauté ou auprès des étudiants.

Mais comment les émissaires sont-ils formés à atterrir dans des pays parfois isolés ?
C’est dans le biberon depuis la naissance puis ils se forment sur le terrain. Dans la majeure partie des cas, les chlouhim ont déjà un beau-frère, une belle-soeur ou des parents qui sont dans des endroits similaires ou qui ont déjà vécu la chlihout. Il ne faut pas éluder pour autant les difficultés qu’ils peuvent rencontrer sur place, administratives et communautaires, ce n’est pas facile pour tout le monde dans tous les pays et il faut bien entre cinq et dix ans pour se stabiliser dans un pays et comprendre quel est son objectif.

De quels moyens y compris financiers disposent-ils ?
Un chaliah doit savoir tout faire et ensuite, il fait ce qu’il doit en fonction de ses moyens. Le Rabbi insistait beaucoup pour que chaque émissaire soit indépendant là où il est, et fasse en sorte de trouver sur place les ressources financières pour développer ses activités. Il arrive qu’au début, une partie de ses dépenses soient couvertes par le bureau central à New York mais cette aide est ponctuelle.

Le fait d’être souvent en chlihout est-il pour certains mal vécu en termes d’éloignement avec la famille d’origine ?
C’est une fierté pour des parents et pour des enfants de partir : des familles ont mérité que leurs enfants soient dispersés dans le monde. A titre personnel, mon frère et ma soeur sont à Paris mais ma femme n’a aucun de ses frères et soeurs à New York. Elle a un frère au Panama, deux soeurs en Floride, une soeur dans le Wisconsin, une autre dans le Connecticut, une à Pittsburg, une autre encore en Italie. Mes beaux-parents ont huit enfants et tout le monde est en chlouhim. On peut dire que si D.ieu a créé Whatsapp, c‘est pour garder la famille ensemble ! Maintenant c’est vrai, comment maintenir la chaleur quand un enfant s’en va? On dit que quand le feu est allumé, la casserole est toujours chaude. La réussite du mouvement Loubavitch est une réussite totalement spirituelle, transmise par la valeur et les enseignements du Rabbi et de son épouse. C’est en dehors de l’entendement et une fierté pour nous.

Expliquez-nous.
C’est dur et simple à expliquer à la fois : tout le monde veut faire la volonté du Rabbi. C’est dans le biberon, cette énergie et cette volonté de continuer dans la voie du Rabbi pour transmettre le judaïsme. C’est une grande énergie. Mon oncle Adin Steinsaltz a dit une fois que le Rabbi était un des leaders du peuple juif dont la disparition physique n’avait pas refroidi son message, bien au contraire et c’est impossible de dire comment et pourquoi parce que même de son vivant, ce n’était pas matériel. Même de son vivant, les choses qui se produisaient par son enseignement étaient au-delà de la nature. Et quand on est au-delà de la nature, je le vois tous les jours, on ne sait pas comment le demain sera fait, mais on sait comment l’aujourd’hui s’est passé.