L’affaire éclata en 5747-1987 : des livres avaient disparus de la bibliothèque centrale du mouvement ‘Habad à New York, abritée dans la maison voisine du 770. La constatation en avait été faite : des ouvrages précieux, des manuscrits remontant jusqu’au Baal Chem Tov avaient été dérobés dans l’intention de les vendre à des collectionneurs.

par le Rav Chmouel Lubecki

En l’honneur de la journée très spéciale du 5 Tévet, le jour où a été obtenue la victoire dans le jugement des livres, le jour où il a été révélé aux yeux du monde entier que les livres et les manuscrits de nos saints Rébbéïm sont la propriété éternelle de la communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD, – nous avons la joie de présenter ici l’histoire complète de cet épisode central de la vie du Rabbi afin d’accroître l’attachement de chacun à la source de notre vie.

Ce fascicule a été constitué grâce à différents journaux personnels tenus par certains ‘Hassidim et qui ont été publiés au fil des années. Nous les avons présentés tels quels et nous dégageons toute responsabilité quant à leur contenu. Grâce à ces écrits, nous avons pu reconstituer  toute l’histoire.

De nombreuses parties du livre sont des traductions du livre « Despite all Odds » (« Malgré toutes les difficultés » – qui décrit l’histoire du mouvement Loubavitch). Ce livre a été publié après la victoire par l’écrivain Edouard Hoffman, à l’initiative de la communauté des ‘Hassidim HaBaD, bien entendu avec l’approbation du Rabbi. Ce livre a été écrit sous forme d’enquête d’investigation et la traduction en est assurée de façon indépendante. Nous avons aussi utilisé le livre « ‘Hechbono Chel Olam », les journaux Kfar ‘HaBaD qui parurent à l’époque et des journaux personnels ainsi que des témoignages qui sont publiés ici pour la première fois.

Le chapitre « Le cri du roi » est constitué par des discours prononcés à ce sujet par le Rabbi le 12 Tamouz, le 15 Tamouz et le Chabbat Pin’has de l’année 1985 ainsi que les récits de l’entrevue privée du 14 Tamouz 1985. Nous avons traduit de façon succinte et libre et nous déclinons toute responsabilité.

Le chapitre « Ajouts »  contient des notes du Rabbi datées du 5 Tévet 1929 et écrites à Riga ainsi que le Témoignage de la Rabbanit ‘Haya Mouchka de mémoire bénie : il avait été recueilli à son domicile à l’époque du procès des livres. A propos de son témoignage en général et d’une des phrases qu’elle avait prononcées, le Rabbi avait déclaré que c’était cela qui avait fait gagner le procès.

La première fois qu’un fascicule a été édité par les élèves de la Yechiva du 770 Eastern Parkway    à cette occasion était le 5 Tévet de l’année 1992. On y trouvait des discours du Rabbi sur le 5 Tévet depuis les années 1987 jusqu’à 1991.

Ce fascicule avait été remis dans le secrétariat du Rabbi avant la réunion ‘hassidique du 5 Tévet. Le secrétariat transmis ce fascicule au Rabbi, après la prière de Maariv (du soir), et le Rabbi écrivit sur le fascicule-même : « Que D.ieu fasse qu’il ait une action continue et favorable, dans son intégralité etc. Je le mentionnerai sur le tombeau (de mon saint beau père, le Rabbi précédent). »

Tout cette documentation a été rassemblée et compilée par Rav Chmouel Lubecki.

Nous remercions tous ceux qui ont aidé à la préparation de ce livre. Ils sont trop nombreux pour être tous cités mais nous tenons néanmoins à souligner la participation en particulier de Rav Lévi Yits’hak Azimov, Rav Avraham Greenberg, Rav Mena’hem Mendel Feller et Rav BenTsione Korf.

Nous espérons que ce fascicule obtiendra un accueil favorable parmi les ‘Hassidim et aura un effet bénéfique sur les lecteurs de sorte que cette victoire sera immédiatement suivie par la Délivrance véritable et complète, avec la venue de Machia’h, bientôt et de nos jours, maintenant véritablement.

Qu’est-ce que Hé Tévet ?

Au mois de Tamouz 1985, il se produisit un « tremblement de terre » dans la capitale de Loubavitch.

Quelques mois auparavant, en hiver, plusieurs caisses de livres avaient été dérobées par un inconnu, en cachette, de la bibliothèque de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD, située au 770 Eastern Parkway, à Brooklyn.

L’émotion fut encore plus grande quand on apprit l’identité du malfaiteur qui n’était autre qu’un proche parent du Rabbi, Barry Gourari, le fils de la sœur de la Rabbanit, donc le petit-fils du Rabbi précédent, Rabbi Yossef Yits’hak de mémoire bénie. Il désirait apparemment gagner de l’argent en revendant ces livres qui avaient une valeur inestimable.

Ce fut le début d’un chapitre long et mouvementé dans l’histoire de Loubavitch.

Le public l’apprit seulement lors de la réunion ‘hassidique (« Farbrenguen ») du 12 Tamouz 1985. Dans cette réunion puis dans l’entrevue privée qui suivit pour les invités le 14 Tamouz et lors du Farbrenguen  du 15 Tamouz, enfin dans les Farbrenguens Balak et Pin’has, le Rabbi évoqua publiquement le vol. A la suite de cela, Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD publia un communiqué appelant solennellement ceux qui avaient dérobé les livres à les rapporter immédiatement à la bibliothèque.

Pour bien comprendre ce qui se passait, revenons aux événements de l’hiver 1985.

Le vol

En hiver 1985, à New York, l’équipe en charge de la bibliothèque  Loubavitch s’aperçut soudain  que des livres rares et d’une valeur certaine – tant pour la ‘Hassidout que pour le judaïsme en général – avaient disparu des étagères : certains d’entre eux concernaient des commentaires rares de livres de Kabala, d’autres étaient des commentaires extraordinaires sur le Tana’h (la Bible).

Voici ce que raconte à ce sujet Rav Chalom Dov Ber Lévine, directeur de la bibliothèque :

« Le fils de Rabbi Chmariaou Gourari et de son épouse ‘Hanna leur rendait visite de temps à autre, parfois pour Chabbat. Il s’avère que durant l’hiver 1985, il prit plusieurs livres  du bureau dans lequel Rabbi Yossef Yits’hak recevait ses visiteurs en entrevue privée. A l’époque, nous n’avions pas encore accès à cet endroit. A la sortie de Chabbat, nous le voyions sortir avec des valises et s’engouffrer dans sa voiture mais nul ne pouvait s’imaginer ou se douter de ce qui se passait.

« A un moment donné, entre Pessa’h et Chavouot, Rav Yits’hak Wilhem qui est l’un des employés de la bibliothèque et responsable de la collection  de livres de Rabbi Yossef Yits’hak me confia qu’il lui semblait que des livres manquaient. Il ne pouvait l’affirmer avec certitude car, à l’époque, il n’existait pas de catalogue de tous ces livres. Nous avons convenu de certains signes que nous avons dispersés dans la bibliothèque et, au bout d’une semaine, nous avons pu constater sans l’ombre d’un doute que des livres disparaissaient. Nos efforts pour tenter d’identifier le voleur furent vains.

« Aux alentours de la fête de Pessa’h 1985, un ‘Hassid de Loubavitch, négociant en livres anciens en Israël, apprit que des livres en provenance de la bibliothèque  de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD étaient proposés à la vente. Il en informa immédiatement le secrétariat et, à la suite de cela, on se mit à surveiller plus étroitement ceux qui entraient dans la bibliothèque et qui étaient susceptibles de dérober des livres.

« Toutes les tentatives pour attraper en flagrant délit le voleur se révélèrent infructueuses…. jusqu’à ce que Rav Barou’h Halberstam, un des secrétaires fidèles de la maison du Rabbi – et qui était aussi responsable de la collection en question – installa une caméra cachée qui fonctionna déjà avant la fête de Chavouot.

« Durant la fête de Chavouot, la caméra ne révéla rien. Ce n’est que le 22 Sivan de cette année qu’elle signala l’entrée de Barry Gourari, le neveu de la Rabbanit, dans la cave de la bibliothèque, à une heure tardive : il en sortait un peu plus tard, portant des sacs pleins de livres.

« Immédiatement, Rav Halberstam informa la Rabbanit du vol manifeste. Quand elle entendit cela, elle déclara qu’elle ne pouvait pas comprendre pareille chose : « Elle semblait complètement bouleversée ! » raconta plus tard Rav Halberstam.

« Tout de suite après que la Rabbanit eût été informée, elle demanda au regretté Rav Chnéour Zalman Gourari de faire vérifier les Mezouzot de l’étage supérieur du 770 Eastern Parkway, là où habitait sa sœur, la mère de B.G.

« Les ‘Hassidim de Loubavitch savaient que, bien que B.G. fût le petit fils de Rabbi Yossef Yits’hak et le fils du directeur de toutes les Yechivot Tom’hé Tmimim du monde, il s’était depuis bien longtemps détaché du mouvement Loubavitch : il avait à peu près 60 ans, vivait dans le New Jersey et s’était même détaché de tout ce qui constitue le judaïsme orthodoxe. A part des visites à ses parents qui habitaient au 770 Eastern Parkway, il n’avait aucun lien avec le Rabbi ou quiconque était affilié à Loubavitch…

« Quand on lui demanda de rendre les livres, il refusa en prétextant que sa mère et sa tante (la regrettée  Rabbanit  ‘Haya Mouchka) lui avaient donné la permission de prendre tous les livres  qu’il désirait. Il insista que les livres – en tout cas une partie d’entre eux –  lui appartenaient et qu’il avait l’intention de les revendre à prix d’or. Quand on  demanda à la Rabbanit s’il était vrai qu’elle avait donné une quelconque autorisation dans ce sens, elle le nia complètement : B.G. était donc pris en flagrant délit de mensonge.

« En réponse à ces vols, on changea les serrures de la bibliothèque et l’alarme fut donnée.

« Pendant ce temps, on s’aperçut que B.G. avait commencé à revendre  les quelques 400 livres qu’il avait réussi à dérober. Des négociants en livres rares avaient montré beaucoup d’intérêt, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis et en Israël : une Haggada de Pessa’h de l’année 5519 (1759 ) avait été vendue pour la somme de 69.000 dollars à un commerçant suisse. Celui-ci la revendit  à un marchand d’antiquités qui était prêt à payer  la somme de 150.000 dollars. Plus tard, les ‘Hassidim apprirent que B.G.  avait fait appel à une maison d’enchères publiques qui appartenait à l’Église de Manhattan mais les responsables s’étaient douté qu’il s’agissait de marchandise volée et refusèrent d’accepter une responsabilité quelconque dans l’achat ou la vente de ces livres.

« Comme B.G. refusait toujours de rapporter ces livres, malgré les supplications de son père, le Rabbi lui-même se saisit de cette affaire. Il s’ensuivit des négociations entre le Rabbi et son neveu, par l’intermédiaire du père, Rav Chmariaou Gourari. Le Rabbi lui demanda de régler cela à l’amiable et le plus vite possible puisque « les livres appartiennent à l’ensemble des ‘Hassidim et doivent certainement être rendus à leurs propriétaires légitimes ».

Il faut souligner que la façon dont le Rabbi traita cette affaire montre bien qu’il ne s’agissait pas d’un vol ordinaire mais qu’il s’agissait plutôt d’une accusation contre la succession du Rabbi précédent – que D.ieu nous en protège. Ceci était évident par le peine que cela causa au Rabbi et qui se manifesta publiquement comme nous le verrons plus loin .

Communiqué

Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD en Israël

On a appris dernièrement  que des objets de culte ainsi que des manuscrits – appartenant à la bibliothèque de Rabbi Yossef Yits’hak de mémoire bénie, qui se trouve dans sa maison à Brooklyn – sont actuellement dans la possession de certaines personnes : négociants en antiquités, collectionneurs etc.

Il est de notre devoir de rappeler – comme l’a fait le Rabbi Chlita dans plusieurs réunions ‘hassidiques dernièrement – qu’il est formellement interdit de faire sortir  quelque objet ou livre que ce soit de cette bibliothèque. C’est pourquoi il est non seulement interdit mais de plus, très dangereux – d’acheter ou de receler quelque objet  ou livre de cette collection.

Tout livre, objet ou manuscrit issu de la bibliothèque ou de la maison de Rabbi Yossef Yits’hak – que sa mémoire nous protège – doit se trouver uniquement dans sa maison, 770 Eastern Parkway, Beth Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD – Ohel Yossef Yits’hak Loubavitch. Toute personne qui possèderait un de ces objets est instamment priée de le rapporter dans cette maison, la maison de Rabbi Yossef Yits’hak.

Nous supplions toute personne qui a en sa possession l’un de ces objets ou qui connaît quelqu’un dans ce cas de le rapporter immédiatement à sa place naturelle (en Israël, il est possible de les déposer dans Beth Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD – Ohel Yossef Yits’hak Loubavitch à Kfar ‘HaBaD : de là, ils seront acheminés à leur place).

Nous sommes prêts à dédommager celui pour qui cette restitution causerait une perte financière pour la somme qu’il aurait déboursée afin d’acquérir ces objets en fonction des preuves qu’il apportera.

Nous sommes confiants que nos frères ne se rendront pas coupables et ne se mettront pas en danger en se rebellant contre la parole des Sages, de nos saints Rébbéim. Béni sera celui qui se conformera à ces paroles.

Nous signons avec peine et effroi au nom de l’honneur de Rabbi Yossef Yits’hak – de mémoire bénie

Le Direction

Chapitre 1

Le Rabbi s’implique

Une convocation soudaine

Une fois que les discussions avec le petit fils se soient prouvées vaines, les membres de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD furent convoqués dans le bureau du Rabbi, Roch ‘Hodech Tamouz 1985. Il s’agissait de Rav Biniamine Éliahou Gorodetzki, Rav ‘Haïm Morde’hai Eizik ‘Hodakov, Rav Morde’hai Mentlik, Rav Moché Pin’has Katz, Rav Chnéour Zalman Gourari, Rav Nissan Mindel – tous de mémoire bénie – et Rav David Raskin, qu’il vive longtemps.

Aucun de ceux qui avaient été convoqués ne savait que les autres l’avaient été aussi.

Le Rabbi s’exprima d’une façon tellement  allusive que nul ne comprit de quoi il s’agissait. Le Rabbi dit alors que si les choses ne s’arrangeaient pas à la suite de cette conversation jusqu’au 12 Tamouz, il  évoquerait le problème en public lors de la réunion ‘hassidique du 12 Tamouz. Comme nous l’avons dit, aucun des participants à cette réunion n’avait compris de quoi il s’agissait car ils n’avaient pas été mis au courant du secret.

Un rapport particulier de cette entrevue fut retranscrit immédiatement après et porta le titre de « Souvenir des paroles ». Voici ce qu’il contenait :

B.H.

Deuxième jour de Roch ‘Hodech Tamouz 1985

Aujourd’hui, jeudi 1er Tamouz 1985 – le mois de la délivrance – nous avons mérité d’entendre que nous (Rav Mentlik,Rav Gorodetski, Rav Raskin, Rav ‘Hodakov, Rav Mindel, Rav Katz, Rav Gourari) avons été convoqués dans le bureau du Rabbi Chlita à 8 heures du soir.

Le Rabbi a commencé ainsi : « Nous approchons du jour anniversaire et du jour de la délivrance de Rabbi Yossef Yits ‘hak et nous nous trouvons le jour de Roch ‘Hodech. Et bien que nous espérons, avec l’aide de D.ieu, dire tout cela au moment de la réunion ‘hassidique  du jour de la délivrance, il ne sera alors pas possible de donner des détails ; de plus il pourrait alors y avoir un intérêt mal placé. C’est pourquoi je vous le dis maintenant, à vous :

Cette maison de 770 est appelée au nom de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD. Ce nom n’a pas été donné pour échapper au fisc mais il en est effectivement ainsi : toute la maison, ses chambres et les pièces dans lesquelles on prie, on  étudie la Torah et on s’occupe de tout ce qui concerne la diffusion de la ‘hassidout car ce sont des activités spécifiques à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD.

En ce qui concerne l’héritage, la loi  stipule que si les héritiers partagent les biens, chacun procède à sa propre estimation et doit donner un « Kalbone ». Mais s’ils partagent, ils ne donnent pas le « Kalbone ».

Jusqu’à présent, il n’a pas été procédé au partage des biens de Rabbi Yossef Yits ‘hak donc tout appartient au légataire : aussi bien les livres, les fascicules, les manuscrits, les objets de culte et les ustensiles de maison appartiennent au légataire. De plus, de même que sa descendance est en vie, de même il est lui aussi en vie et il en sera ainsi pour l’éternité, sans qu’il soit procédé à l’héritage et il est évident que telle est la volonté du légataire.

Si quelqu’un venait à objecter à cela et si quelqu’un désirait le faire taire et désirait acheter un fascicule ou  un manuscrit pour me le donner en cadeau, je n’en voudrais sous aucune forme que ce soit et je ne le prendrai pas. Je l’interdis formellement. De plus on connaît la réponse du Maharam de Rotenberg qui interdisait de racheter les prisonniers pour des sommes au-dessus de leur valeur.

En ce qui concerne Eretz Israël, qu’on fasse une maison dans Kfar ‘HaBaD qui portera le nom de mon beau-père, le Rabbi et qui s’appellera : « Ohalé Yossef Yits’hak Loubavitch ». Ce sera un endroit de prière, d’étude de la Torah et de diffusion de la ‘hassidout. La somme nécessaire pour cela sera mise à la disposition : j’ai déjà l’argent nécessaire pour cela, D.ieu merci.

Je confie cette tâche à ceux qui ont été convoqués, qui ont un rapport avec Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD et souhaite qu’ils me soient associés dans cette entreprise ». Le Rabbi était décidé à ce sujet et nous avons tous accepté sa demande et sa proposition.

Nous sommes certains qu’il n’y aura pas de dispute à ce sujet de la part de qui que ce soit et que tout se passera selon sa sainte volonté, de façon bienveillante et avec pitié, de façon ouvertement bonne, ici, « plus bas que 10 Tefa’him ». Que se réveillent et se réjouissent ceux qui gisent sous terre – et lui, le Rabbi (précédent) à leur tête –  pour accueillir notre juste Machia’h, vraiment bientôt.

Cette réunion entre le Rabbi et ces ‘Hassidim dura environ une demi heure. Le Rabbi déclara entre autres  qu’il les avait choisis parce qu’ils étaient des ‘Hassidim du Rabbi précédent et que « de même que sa descendance est en vie, de même il est en vie » ;

Immédiatement après cette réunion commença à fonctionner la maison appelée Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD en Israël, à Kfar ‘HaBaD selon la volonté du Rabbi. Entre temps, une maison fut mise à la disposition provisoire par le Conseil du Kfar et, très peu de temps après compte tenu des conditions générales à l’époque, on construisit une maison exactement semblable à sa « jumelle » de New York, le 770 Eastern Parkway.

Le Rabbi évoque publiquement le méfait

Le 12 Tamouz, le Rabbi évoqua publiquement pour la première fois le vol des livres. (Il faut souligner le fait que, au début de la réunion ‘hassidique, qui était retransmise en direct à la télévision, le Rabbi ne parla pas du tout des livres et ce n’est qu’après le départ des caméramen que le Rabbi évoqua le sujet publiquement).

Le Rabbi déclara tout d’abord que les membres de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD s’étaient réunis et avaient pris les décisions suivantes :

1) Affirmer que le bâtiment du 770 Eastern Parkway appartenait à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD : « En ce qui concerne ce bâtiment, le Rabbi qui a été délivré ce jour-ci l’avait donné à l’avance à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD ; c’est pourquoi il n’a jamais payé les taxes foncières car cette organisation est exemptée de ces taxes par la loi du pays…

C’est pourquoi ils ont aussi décidé lors de cette réunion – et certainement chacun les aidera en cela – que cela sera publié bien que cela soit déjà de notoriété publique comme quoi ce bâtiment est la possession de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD. Telle était la volonté du Rabbi qui a été délivré ce jour, c’est ce qu’il a écrit et ce qu’il a ordonné : on doit enregistrer cela dans tous les documents de vente et d’achat – « Koufqué » comme on appelait cela en Russie – concernant cette maison. Il est aussi évident qu’il a voulu et qu’il a institué qu’on prie dans ce bâtiment et en particulier dans la partie du bâtiment qui lui servait de demeure privée, là où il dormait, mangeait et buvait.

2) Instituer que les jeunes gens qui étudient au Collel commencent à étudier dans l’appartement  de mon beau-père le Rabbi (précédent).

En fonction de cela, ils ont aussi décidé qu’on continuera à prier dans cet endroit…

Bien entendu, on s’efforcera de continuer à y prier et à y étudier la Torah et en particulier ses enseignements.

3) Faire inscrire sur le bâtiment dans lequel a habité mon beau père, le  Rabbi (précédent) l’inscription : « Beth Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD » avec le titre suivant « Ohalé Yossef Yits’hak ».

Il faut ajouter …qu’on appellera aussi ainsi cet étage « Beth Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD » : c’est une chose qu’on ne peut nier car c’est ce qu’a fixé le Rabbi qui a été délivré ce jour ; néanmoins, l’habitude du monde et celle de la Torah est qu’il faut donner un nom général et après cela, un second titre…

C’est pourquoi, en plus du nom « Beth Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD »,  ce sera appelé à partir de maintenant –  nous en prenons la décision, une décision sur laquelle nul n’a le droit d’objecter – également avec le second titre : « Ohalé Yossef Yits’hak ».

Ensuite le Rabbi commença à raconter le méfait :

« Nous nous trouvons actuellement dans une période d’obscurité double et triple de l’exil au point qu’il est malheureusement arrivé un événement très grave que personne n’aurait pu imaginer !

Dernièrement, des individus se sont introduits dans la bibliothèque Loubavitch – une bibliothèque qui a été établie et enrichie par mon beau-père, le Rabbi (précédent), chef de notre génération – et ils ont pris des livres.

Ceux qui y sont entrés ont estimé qu’ils parviendraient à se cacher et que personne ne les remarquerait. Mais le Rabbi s’en est mêlé et voici le miracle : quand ils en sont sortis, on les a remarqués et des gens les ont vus !

Il y a encore quelqu’un qui n’a pas rapporté ce qu’il a pris et à l’heure actuelle, il n’a apparemment pas l’intention de le faire. De plus, il complote comment il pourrait dérober d’autres livres en prétextant qu’il a des droits sur une partie des livres en tant qu’héritier ».

Certains ‘Hassidim voulurent racheter les livres de B.G.  afin de les rapporter à la bibliothèque. Mais le Rabbi refusa absolument cette solution et déclara que ceux qui avaient déjà racheté des livres seraient indemnisés s’ils montraient les preuves d’achat.

« Ce que nous désirons ici alerter et clarifier, c’est qu’il se trouve des ‘Hassidim sots. Bien que le Rabbi, chef de notre génération ait déclaré qu’un ‘Hassid est intelligent, nous nous trouvons néanmoins dans une période d’exil double et triple et un ‘Hassid veut prouver qu’il est plus intelligent que le chef de notre génération : ceci est possible à cause de la sottise. Il s’imagine que puisque, une heure auparavant, on a fait sortir un livre ou quelque chose de semblable, il va se dévouer et il ira à l’encontre de cette interdiction explicite du chef de notre génération, il donnera de l’argent pour sauver le livre et le rapporter dans la possession du Rabbi qui a été délivré aujourd’hui.

C’est pourquoi je déclare encore une fois : il faut savoir que si on lui donne un seul centime – quelle que soit sa véritable intention par cela – on agit contre la volonté du Rabbi (précédent) et, à la suite de cela, on connaît la conséquence : « Cela ne réussira pas !» non seulement dans le monde futur mais cela ne réussira pas aussi dans ce monde-ci.

Cette personne sotte qui a déjà agi ainsi devra se dépêcher de tout rapporter, de montrer la preuve d’achat qu’il a reçue (non pas qu’il a pris mais qu’il a bel et bien acheté). Sans en faire la promesse, on lui rendra l’argent bien qu’il soit sot car on a bien pitié de lui….On lui rendra l’argent à condition qu’il produise la preuve de l’achat.

Que ceci soit annoncé dans les endroits où des gens sont susceptibles d’acheter des livres de mon beau père, ou des manuscrits ou ses Tefilines ou le Sidour du Baal Chem Tov etc. Qu’on sache que c’est non seulement l’opposé de la volonté du Rabbi (précédent), mais qu’il est en vie et que c’est contre sa volonté et cela n’apportera pas la réussite ».

A la suite de cette demande du Rabbi dans cette réunion ‘hassidique, il fut écrit sur le fronton du 770 Eastern Parkway – au deuxième étage – là où avait habité Rabbi Yossef Yits’hak de mémoire bénie – « Beth Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD » et, en deuxième ligne : « Ohalé Yossef Yits’hak ». Ceci fut aussi écrit dans le Collel.

L’entrevue générale pour les invités – le 15 Tamouz 1985 au soir

Lors de l’entrevue générale accordée aux invités venus spécialement passer la fête de la libération (du Rabbi précédent), le Rabbi prononça des mots très durs en ce qui concernait le vol des livres. Nul ne s’était imaginé que le Rabbi en parlerait pendant cette entrevue mais il semble que tout cela affectait grandement le Rabbi, de toutes les fibres de son être.

Au début de son discours, le Rabbi évoqua longuement le fait que le chef de la génération est l’égal de toute la génération comme le dit Rachi dans son célèbre commentaire (dans la Paracha ‘Houkat – Nombres 21 : 21 ; voir Bamidbar Rabbah 19 : 28 et le Midrach Tan’houma ‘Houkat 23). Puis le Rabbi répéta que le chef de la génération « est en vie » grâce au fait que « sa descendance est en vie ». Le Rabbi ajouta :

« Afin que ces paroles soient encore mieux comprises et que nous puissions les ressentir concrètement, il existe plusieurs objets pour lesquels le Rabbi qui a été libéré ces jours-ci a donné sa vie, en particulier ses livres qui sont vraiment vivants ».

Le Rabbi repoussa l’argument selon lequel, depuis le 10 Chevat 1950 (date de la disparition du Rabbi précédent), il n’existe plus la situation dans laquelle « il est en vie ». Au contraire, expliqua le Rabbi, après le 10 Chevat, toutes les limitations du corps desquelles  il était  dépendant ont disparu. Il est donc  présent maintenant plus que jamais :

« Il s’ensuit que cela fait 35 ans que, d’année en année, il est encore plus vivant et plus « actif » dans tous les domaines auxquels il était attaché durant sa vie dans ce monde physique. Combien plus en ce qui concerne ses livres, ses manuscrits, ses objets personnels etc. Dans son monde futur, il est encore plus vivant et plus attaché à eux ».

Le Rabbi émit  alors une proposition : « Nos Rébbéim ont toujours ardemment désiré obtenir une possession en Eretz Israël, comme cela s’était concrétisé avec le Rabbi Emtsaï qui avait acheté un terrain en Eretz Israël et avec le Rabbi Chalom Dov Ber de mémoire bénie ; il en avait été de même avec Rabbi Yossef Yits’hak qui avait acquis un terrain en Israël, en l’occurrence le village de Kfar ‘HaBaD ».

C’est pourquoi le Rabbi proposait  que dès ce 15 Tamouz,  (jour durant lequel la lune est complète et qui est aussi le jour de la Hiloula du Ohr Ha’haïm Hakadoch – qui  était en relation avec le saint Rabbi Baal Chem Tov, auquel avait succédé Rabbi Yossef Yits’hak), il convenait d’acquérir une maison qui porterait le nom du Rabbi précédent : « Ohalé Yossef Yits’hak – Loubavitch dans laquelle  les membres du Collel étudieraient les enseignements du Rabbi précédent ainsi que la portion quotidienne du Rambam. Le Rabbi précisa que de l’argent avait déjà été déposé dans la banque pour cela :

« Nous sommes le 15 Tamouz, le jour où la lune est pleine ; or la lune représente le Mazal du peuple juif (« qui est appelé à se renouveler comme elle dans l’avenir »)… Donc en ce jour, on achètera immédiatement un terrain sur lequel on pourra par la suite construire une vraie maison ; on lui donnera le nom de « Ohel Yossef Yits’hak – Loubavitch », justement dans Kfar ‘HaBad puisque c’est lui qui a fondé ce village, c’est lui qui s’est dévoué corps et âme pour lui afin que ce soit un endroit d’amour du prochain pour parvenir à l’unité du peuple juif, un endroit d’où jailliront les sources de la ‘hassidout qui se répandront dans tout Éretz Israël et, de là, même en dehors de cette terre.

« Déjà en ce jour du 15 Tamouz et en cette année, on achètera la maison et on y étudiera les enseignements du Rabbi qui a été délivré ces jours-ci. Puisque cette année les Juifs étudient le Rambam, nous étudierons la portion quotidienne du 15 Tamouz de cette année ».

Le Rabbi voulait que tous ceux qui avaient acheté par erreur les livres les rapportent immédiatement dans cette maison de Kfar ‘HaBaD : de là, ils seraient rapportés dans leur place normale et naturelle, la bibliothèque de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD :

« Il est certain que ceux qui ont acquis par erreur un de ces livres le rapporteront aussi vite que possible : celui qui se dépêche est digne de louanges. De là, on les rapportera dans la maison de mon beau père le Rabbi, celle qui se trouve à Kfar ‘HaBaD et ils seront rapportés ici, avec joie et enthousiasme. Celui qui les rapportera le fera également avec joie et enthousiasme ».

Là, le Rabbi évoqua un miracle évident qui s’était produit au moment du vol : les gens impliqués dans ce méfait avaient subi des problèmes de santé mais dès qu’ils avaient décidé – au moins par la pensée – de les rapporter, leur santé s’était améliorée. Il était certain que dès qu’ils les rapporteraient  effectivement, leur situation s’améliorerait encore davantage :

« Ils ont vu un miracle évident dans lequel il n’était pas nécessaire  de forcer mon beau père le Rabbi à s’occuper de ce genre de sujets : dès qu’ils ont touché ces objets, il leur est arrivé le contraire de la bonne santé, que D.ieu nous en préserve, à eux ou aux personnes de leur entourage. Ils ont constaté de leurs yeux que, dès qu’ils ont pris la décision de réparer cela, leur santé s’était améliorée et il est clair que cela s’améliorera considérablement quand ils auront effectivement rapporté ces livres ».

Le Rabbi souhaita encore une fois que les membres du Collel puissent étudier les enseignements du Rabbi (précédent) et la portion quotidienne du Rambam, de façon agréable et paisible, dans la demeure du Rabbi (précédent) :

« Qu’on permette également aux membres du Collel ici d’étudier ici la ‘Hassidout et la portion quotidienne du Rambam et tout le reste, aujourd’hui même, le 15 Tamouz, alors que la lune est compète. Puis ils y resteront aussi les jours de semaine et durant toute l’année ; que cela se passe de façon agréable et d’une manière apaisante…Il est certain qu’on n’aura pas besoin d’en arriver là mais que tout ceci se passera de façon respectable, de façon agréable et sereine.

« Que les membres du Collel se mettent  à étudier le plus rapidement possible, qu’ils entrent dans la demeure du chef de notre génération, là où il vit avec son âme qui n’est plus gênée par les limites du corps et qui est de plus en plus vivante chaque année comme il est dit (dans le Zohar – parachat Terouma  p. 128, dans le Tanya (chapitre 27), Likouté Torah – parachat Pikoudé et ‘Houkat et d’autres) et comme l’a expliqué le Rabbi qui a été délivré ces jours-ci dans les discours ‘hassidiques prononcés en cet honneur : le mot « Histalek » signifie qu’il se trouve encore plus vivant que jamais ».

A la fin de l’entrevue, le Rabbi souhaita qu’avec toutes les synagogues et maisons d’étude – et en particulier celles de Rabbi Yossef Yits’hak avec tout ce qui lui appartient, y compris sa bibliothèque, ses manuscrits et ses objets personnels – nous puissions accueillir notre juste Machia’h avec joie et avec un cœur débordant d’enthousiasme.

Dépôt de la plainte

De nombreuses personnalités, en particulier des personnes aisées et influentes de la communauté, tentèrent de faire pression sur B.G. afin qu’il parvienne à un compromis avec les ‘Hassidim mais il s’y refusa absolument. Il prétextait que les livres lui appartenaient mais, bien entendu, les ‘Hassidim ne pouvaient l’admettre car cela contredisait toute leur perception des liens entre le Rabbi et ses ‘Hassidim.

Il ne restait plus beaucoup de possibilités à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD pour parvenir à un résultat. Il s’agissait d’un homme qui  avait volé des livres pour les revendre et il serait très difficile de les récupérer une fois qu’ils auraient été vendus.

Les responsables de la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD adressa un message à B.G. pour lui demander de se présenter devant un tribunal rabbinique  comme l’exige la loi juive mais il s’y refusa.

Le Rabbi désirait que Agoudat ‘Hassidé ‘HabaD obtienne une décision claire des Rabbanim selon laquelle la bibliothèque appartenait bien à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD. Rav Yehouda Kalman Marlow  et Rav Moché Bogomilsky posèrent la question à des Rabbanim – qui n’étaient pas Loubavitch ; ils écrivirent que les livres appartenaient bien – selon la loi de la Torah – à Agoudat ‘Hassidé HaBaD. Il semble que le Rabbi tenait à ce que même des Rabbanim qui n’étaient pas Loubavitch décident que telle était la conduite à tenir (et on ne pourrait pas prétendre que c’était normal de leur part puisqu’ils n’étaient pas liés naturellement au Rabbi).

Suite à cette décision, la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD déposa une plainte pour vol devant le tribunal municipal contre B.G. assortie d’une demande de geler toute possibilité de vente, avec l’espoir que cela persuaderait l’autre partie de faire marche arrière.

Ceci se passait en été et de nombreux juges se trouvaient en vacances. Rav Krinsky s’adressa donc au célèbre avocat Nathane Lévine de Washington D.C. Après que Rav Krinsky l’ait mis au courant des détails de la situation, M° Lévine estima qu’il était réaliste de saisir le tribunal  fédéral (« Eastern District » de Brooklyn) et d’exiger un arrêt suspensif immédiat.

Dès le lendemain, Rav Krinsky et M° Lévine  contactèrent le tribunal fédéral. L’affaire devait être jugée  dans ce tribunal et non dans un tribunal régional habituel parce que le voleur habitait le New Jersey – et non New York – et que les livres y avaient été transférés, donc en-dehors des limites de l’état. Rav Krinsky signa le dépôt de plainte en se qualité de secrétaire de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD tandis que le juge Gleizer – qui préside encore aujourd’hui le tribunal – signa l’ordre de geler la circulation des livres.

Le représentant du Tribunal se présenta au domicile de B.G. avec le papier signifiant la décision provisoire empêchant dorénavant toute vente de livres ; les livres restants devaient être entreposés dans une réserve sous l’autorité du tribunal.

Après cette première étape du gel de toute transaction  de ces livres, Rav Krinsky entra dans le bureau du Rabbi. Il raconte : «Immédiatement   après la prière de Min’ha, j’ai annoncé au Rabbi que l’ordre de geler toutes les transactions avait été transmis, que tous les livres avaient été saisis et placés sous séquestre dans un endroit sûr. Le Rabbi émit un soupir de soulagement. On pouvait clairement distinguer une certaine satisfaction sur son visage. Il me demanda de transmettre immédiatement ces développements à la Rabbanit et me donna d’autres instructions pour la suite ».

Avant le début du jugement, les membres de Agoudat ‘Hassidé ‘HabaD avaient demandé au décisionnaire Rav Israël Yits’hak Pikarski – de mémoire bénie – ce qu’il pensait du point de vue de la Hala’ha (loi juive) à propos d’une plainte déposée devant un tribunal civil dans ce cas-là. Il répondit que ce n’était pas seulement permis mais que c’était une obligation.

Quand ils se présentèrent devant le juge pour discuter de ce sujet avant même de déposer la plainte, le juge proposa à B.G. de se présenter plutôt devant un tribunal rabbinique mais il refusa. Il ne restait donc plus d’autre solution pour Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD que de présenter une plainte officielle devant le tribunal – malgré la peine et la honte que cela impliquait – afin de geler toutes transaction des livres.

Le 6 Éloul (23 août) 1985, B.G. présenta pour sa défense l’argument suivant lequel tous les livres lui appartenaient ; selon lui, puisqu’il était l’unique petit-fils du précédent Rabbi, il avait tout simplement le droit de récupérer l’héritage de son grand père.

Le 8 Tichri 1986, il joignit à sa demande l’appui de sa mère qui devenait donc la seconde plaignante.

Voici comment se passent ces procès, d’habitude, aux Etats-Unis : douze jurés sont choisis par tirage au sort. Ensuite, les deux parties doivent tenter de convaincre, sous l’arbitrage du juge, les jurés et c’est le représentant des jurés qui décide qui a tort et qui a raison. Selon cette décision, le juge fixe la peine et les dédommagements éventuels.

Si le procès s’était effectivement passé ainsi, B.G. aurait eu toutes les chances de son côté. En effet, comment de simples non Juifs, peu au courant des coutumes des ‘Hassidim, pourraient-ils comprendre le lien profond qui unit les ‘Hassidim au Rabbi ? C’est pourquoi la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD demanda au tribunal que, vu la singularité de ce procès, seul le juge serait habilité à se prononcer et non pas des  jurés non juifs choisis au hasard.

Le 17 Tichri, (2 octobre), B.G. exigea que le procès se déroule normalement, c’est-à-dire avec des jurés mais cette demande fut rejetée. Le 8 ‘Hechvane (23 octobre), la mère demanda elle aussi que le jugement soit déterminé par des jurés mais cette demande fut également rejetée.

La Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD fit appel à deux bureaux d’avocats : «  Miller Kassidi Leroka et Louine », de Washington, D.C. et « Chnirer Harrisson Ségal et Lewis » de Philadelphie pour la représenter devant le tribunal. Les avocats principaux étaient Nat (Nathane) Lévine de Washington et Jerry (Yossef) Schusstak de Philadelphie, l’associé de Nat Lévine. M° Schusstak avait déjà auparavant aidé la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD à récupérer en Pologne les livres de la Bibliothèque en 1969 ; un troisième bureau d’avocats aidait ces deux-là : il s’agissait de «Schloss, Stann et Douline » de New York.

Voici un extrait d’une lettre que le Rabbi adressa à l’avocat M° Yossef Schusstak (le 17 Iyar 1969 – traduction libre de l’anglais) suite à son aide efficace dans la libération des manuscrits des Rébbéim restés en Pologne, en ‘Hechvane 1968):

« Cette lettre parvient avec retard si on considère l’importance du sujet. De fait, c’est ce sujet lui-même  ou, pour être plus précis, la sensibilité de ce sujet  qui est la raison pour laquelle j’ai retardé la rédaction de cette lettre. En effet, il n’est pas facile d’exprimer par des mots – et encore moins facile d’exprimer par écrit – des sentiments personnels profonds. C’est la raison pour laquelle j’ai reporté l’écriture de cette lettre encore et encore, en espérant atteindre la sérénité nécessaire pour cela. Mais comme ces sentiments ne s’apaisent pas avec le temps, il ne sert à rien de reporter encore une fois cela.

« Bien entendu, je fais allusion à l’initiative chargée de sens selon le point de vue du judaïsme concernant le retour des manuscrits et des livres appartenant à la Bibliothèque de mon beau père, le Rabbi (précédent). Vous l’avez rendu possible grâce à vos amis et cela a déjà notablement porté ses fruits en ce qui concerne une grande partie de ces livres qui ont été réintégrés dans leur place normale, dans leur « maison ».

« Comme vous le savez, la bibliothèque Schneersohn comprend non seulement la collection des livres que mon beau-père avait acquise pour lui-même tout au long de sa vie mais aussi – et surtout –  les manuscrits et les livres qu’il avait reçus en héritage de ses saints ancêtres dans les générations précédentes. Certains d’entre eux datent aussi loin que de Rabbi Chnéour Zalman, fondateur du mouvement ‘HaBaD.

« Bien entendu, il n’est pas besoin de revenir longuement sur le sens  profond que ces manuscrits revêtaient pour mon beau-père, le Rabbi, comme pour tous les Rébbéim ‘HaBaD qui l’avaient précédé. Il avait avec eux un lien intime profond, bien au-delà de ce qu’il éprouvait pour d’autres livres et manuscrits qui n’avaient pas cette valeur sainte. Nombre de ces écrits représentent le cœur  et l’âme de la sainte littérature ‘Habad.

« C’est pourquoi vous pouvez aisément comprendre combien j’étais sensible à ce sujet – et je le serai toujours – et vous pouvez aussi comprendre les sentiments de tous les amis du mouvement Loubavitch. Vous avez agi grandement et noblement en consacrant votre temps, vos efforts et vos relations afin de ramener « à la maison » ces manuscrits et ces livres saints. C’est véritablement un cas de « délivrance de prisonniers » car ce n’est que lorsque ces trésors spirituels se trouvent dans leur maison qu’ils peuvent remplir leur fonction vitale, non seulement pour ceux qui sont directement attachés au mouvement Loubavitch ‘HaBaD mais aussi pour l’utilisation par tout le peuple juif : car c’est ainsi qu’est rendue possible la diffusion de la ‘Hassidout ‘HaBaD et la partie cachée de la Torah.

« Puisque « la récompense d’une Mitsva est la Mitsva elle-même », elle n’a pas besoin d’un « Merci beaucoup ! » d’un être de chair et de sang ; votre action noble  se situe certainement au-delà de toute expression de remerciement. Néanmoins je suis obligé d’exprimer – en mon nom personnel et au nom du mouvement à la tête duquel j’ai le privilège de me tenir et au nom de tous ceux qui profiteront effectivement ou au moins virtuellement de tout cela – notre satisfaction et nos remerciements du fond du cœur.

« Avec votre permission, en réfléchissant profondément au sujet en question, je souhaite ajouter encore un point qui est lui aussi basé sur la Torah de la ‘Hassidout HaBaD dont les vues sont une partie de notre Torah, la Torah de vérité et la Torah de vie. Pour cela, je voudrais d’abord expliquer brièvement :

« Un des principes fondamentaux de la ‘Hassidout ‘HaBaD, expliqué par Rabbi Chnéour Zalman dans « Chaar Hayi’houd Véaémouna » – qui est une partie de son important  livre, le Tanya –  (et dans d’autres endroits) est que toute chose, même un objet inanimé possède une âme ou – en d’autres mots – une graine spirituelle qui l’anime comme il est expliqué dans le premier chapitre de « Chaar Hayi’houd Véaémouna » mentionné plus haut : « Même dans ce qui est vraiment inanimé comme les pierres, la poussière et l’eau, il se trouve une âme et une vitalité spirituelle ».

« Bien entendu, il existe différents degrés dans cet aspect spirituel. Tout d’abord, il existe l’objet matériel simple qui ne contient une étincelle divine – qui le fait exister et vivre –  que par le fait qu’il a été créé. Un  degré plus haut est celui de l’objet dont on s’est servi dans un but profitable. Enfin un degré encore plus haut est celui de l’objet qu’on a utilisé pour accomplir une Mitsva. Il est expliqué dans l’enseignement de la ‘Hassidout ‘Habad que lorsqu’on utilise un objet simple pour une bonne cause, et en particulier pour une Mitsva, il passe par un processus de purification et de clarification jusqu’à devenir un objet saint (comme par exemple des Tefilines fabriqués à partir de peau et de parchemin).

« Nous pouvons appliquer cette idée au sujet qui nous préoccupe : nous avons évoqué des manuscrits et des livres qui ont une importance toute particulière, qui ont été écrits par des hommes qui ont consacré toute leur vie à la Torah et au peuple juif ; ils ont étudié la Torah de toutes les fibres de leur être et ainsi, ils ont enrichi et éclairé la vie du peuple d’Israël. Dans ce cas, il est certain et évident que même l’aspect « matériel » et « inanimé » de ces manuscrits est imprégné d’une lumière et d’une vie éternelles, d’un niveau des plus élevés. Mais quand ces manuscrits sont retirés de leur environnement naturel, de leur maison, ils sont en exil et prisonniers même si on les traite bien. Ils sont prisonniers au plein sens du terme, ils ne pourront jamais être véritablement heureux même si on leur fournit  tous leurs besoins matériels ou même spirituels car ils aspirent à retourner chez eux, à être réunis avec leur famille, leurs amis et à tout l’environnement auquel ils appartiennent. Pour cette raison, il s’agit là vraiment de « rachat des prisonniers » dans le sens habituel, une Mitsva qui est si importante. C’est pourquoi il est impossible de chiffrer la grandeur du mérite que vous-même et vos associés dans cette affaire de « rachat des prisonniers » de ces manuscrits avez acquis.

Je suis conscient du fait que certains estimeront qu’il s’agit là d’arguments mystiques et qu’ils n’entrent pas en ligne de compte. Il est inutile de préciser que je ne vous inclue évidemment pas, ni vous ni vos amis, dans cette catégorie. Mais il est possible que vous rencontriez une ou plusieurs personnes qui tenteront de réfuter ces arguments même si, au fond d’eux-mêmes, ils ne sont pas vraiment convaincus de ce qu’ils disent. De toute manière, à la lumière des épreuves que traverse le peuple juif en cette période – qui est remplie d’événements contradictoires, parfois lumineux mais parfois très loin de cela – je doute que quiconque puisse contredire en toute sincérité la vérité de ce qui a été dit plus haut sous le prétexte qu’ils ne sont pas concrets et qu’ils sont mystiques… »

Pendant ce temps, les ‘Hassidim avaient déjà réussi à racheter 120 livres vendus auparavant par B.G. et les avaient remis dans la Bibliothèque.

Le juge était Dr. Simptan qui avait compris qu’il ne s’agissait pas d’une dispute interne au mouvement Loubavitch (entre les ‘Hassidim d’un grand Rabbi disparu et un héritier naturel) mais plutôt d’une question fondamentale : les leaders spirituels du peuple juif sont-ils les seuls propriétaires de leurs biens personnels ou ceux-ci leur sont-ils seulement confiés pour qu’ils les administrent selon l’intérêt des ‘Hassidim, ce qui fait que le Rabbi et les ‘Hassidim ne forment plus qu’une entité qu’on ne peut partager.

Les ‘Hassidim n’avaient besoin d’aucune preuve pour connaître la réponse véritable. Ils savaient, sans l’ombre d’un doute, que le Rabbi précédent utilisait les livres en sachant qu’ils ne lui appartenaient pas personnellement, ni à lui ni à sa famille. Mais il était nécessaire de présenter des preuves qui convaincraient de cela un juge extérieur au mouvement. Les difficultés étaient que :

1) Comme le Rabbi précédent était mort depuis 35 ans, il fallait retrouver des documents prouvant que les livres appartenaient aux ‘Hassidim

2) Ce jugement n’avait pratiquement aucun précédent dans l’Histoire ; il était donc difficile de savoir comment un juge non juif tel que Simpton – qui ne connaissait ni les ‘Hassidim ni l’histoire de la ‘Hassidout  ‘HaBaD – comprendrait la structure et l’histoire du mouvement Loubavitch et comment il comprendrait les preuves qu’on lui présenterait.

Comme tout ceci n’était pas très connu du grand public, Reb Chalom Dov Ber Lévine décida d’écrire un article à ce sujet dans l’hebdomadaire Kfar ‘HaBaD (n° 200 – p. 22).

Avant de le faire imprimer, il en envoya la copie au Rabbi avec le message suivant : « Voici un article que j’ai écrit pour le journal Kfar ‘HaBaD ». Le Rabbi corrigea et ajouta sur le mot : « Un article » la lettre Alef, pour dire qu’il s’agissait d’un premier article qui serait suivi par d’autres.

A propos de ce qui se passait alors dans le monde ‘HaBaD et dans le monde juif en général, voici ce qui était écrit dans l’hebdomadaire Kfar ‘HaBaD (n° 206, à la date du 11 Éloul 1985) :

« Après que le juge fédéral eut interdit à l’homme qui avait pris les livres de s’approcher de la bibliothèque et l’eut forcé à remettre tous les volumes qui se trouvaient chez lui ».

Les livres rentreront à leur place

Le juge fédéral interdit à celui qui avait retiré les livres de s’approcher de la bibliothèque Loubavitch : puisque la bibliothèque avait été fondée par Rabbi Yossef Yits’hak – de mémoire bénie – elle appartenait à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD et il n’était pas correct qu’il y touche. De plus, il était obligé de rendre immédiatement tous les livres qu’il avait pris : ceux-ci lui avaient déjà été retirés et avaient provisoirement été confiés à la garde du tribunal, afin d’assurer leur retour final à leur place naturelle. Cela permettait aussi de savoir exactement quels livres avaient déjà été vendus etc.

Les meilleurs juristes des États-Unis, les cerveaux les plus brillants dans ce domaine, furent enrôlés pour que ce jugement  se passe de la façon la plus réussie, afin que Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD puisse conserver intégralement la bibliothèque qui constituait le centre international de la littérature juive et de la recherche bibliographique. L’équipe comprenait des avocats réputés de New York, de Washington et de Philadelphie dirigés par M° Nat Lévine de Washington, qui avait auparavant servi de conseiller juridique à l’ancien président Nixon et de M°Jerry (Yossef) Schustak de Philadelphie qui avait occupé à l’époque le poste d’ambassadeur des États-Unis auprès de la commission juridique de l’ONU à Genève. Il avait aussi été président de l’Union des Avocats des Etats-Unis. Ces avocats avaient aussi défendu les droits de communautés  juives dans différentes villes et avaient gagné ces procès haut la main. Il y avait encore un avocat de New York. A chacune de leurs interventions, ces juristes exprimaient leur admiration devant le mouvement Loubavitch, leur reconnaissance de son importance et de la valeur énorme de la bibliothèque entière afin d’augmenter la connaissance en général et celle du judaïsme en particulier.

Le juge fédéral lui-même exprima sa stupéfaction admirative du fait que les avocats les plus brillants des Etats-Unis s’étaient unis pour défendre la position et l’intégralité de la bibliothèque, celle-ci renfermant, comme on le sait, les livres les plus importants du judaïsme – et le fait qu’elle appartenait de façon exclusive à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD.

Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD prit des précautions particulières pour assurer la protection des livres et celle de la bibliothèque à sa place ancestrale, dans le bâtiment de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD- Ohel Yossef Yits’hak, au 770 Eastern Parkway.

Entre temps, tout ceci attira l’attention des gens qui avaient été abusés et qui avaient acheté sans le savoir des livres appartenant à la bibliothèque de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD : on leur demandait avec insistance de rapporter les livres à leur adresse naturelle. La plupart de ces livres – et parmi eux, les plus rares et les plus chers – avaient déjà été rapportés et on espérait que très bientôt, tous les livres le seraient. Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD exprima sa grande satisfaction  de cela et, surtout, de la décision prise à ce sujet par le tribunal fédéral des Etats-Unis.

Ces nouvelles suscitèrent une vague de joie parmi tous ceux qui savaient apprécier la valeur de la littérature juive de par le monde. Ils exprimèrent leur satisfaction de savoir que la bibliothèque Loubavitch qui avait servi à tant de recherches bibliographiques pour tous ceux qui s’intéressaient à la civilisation juive soit enfin protégée de tout prédateur pour ainsi continuer à poursuivre sa fonction. Une joie particulière régnait chez les ‘Hassidim de Loubavitch dispersés dans le monde entier, heureux de savoir que les efforts fournis durant tant d’années par le regretté Rabbi Yossef Yits’hak, avec l’aide de ses ‘Hassidim et de ses admirateurs pour agrandir cette bibliothèque, n’avaient pas été  vains.

Comme on le sait, les nouvelles concernant les livres qui avaient été dérobés sans permission avaient attristé tous ceux qui étaient conscients de la valeur inestimable de cette bibliothèque, surtout les ‘Hassidim de Loubavitch. Cela avait suscité un grand scandale dans le public et le soulagement était à la mesure  de l’émotion.

Au moment du bouclage de l’hebdomadaire, on apprit que la mère de celui qui avait pris les livres avait fait appel, sous le prétexte que la bibliothèque appartenait aux filles du Rabbi précédent.

Cet argument devait faire croire que les livres étaient soi-disant la propriété privée de certaines personnes et donc que les ‘Hassidim de Loubavitch et tout le peuple juif n’en possédaient pas une seule page.

Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD repoussa immédiatement cet argument en affirmant que la meilleure preuve contre cela était le fait historique qu’à l’époque de Rabbi Yossef Yits’hak s’était développé la diffusion de la ‘Hassidout à l’extérieur : en cela, la bibliothèque  avait servi un rôle majeur.

Une preuve supplémentaire de la disposition de cette bibliothèque au public était le fait qu’elle contenait aussi des livres profanes, ce qui n’était évidemment pas nécessaire pour un cercle « restreint » et encore moins pour le Rabbi lui-même.

Mais les preuves les plus évidentes étaient les instructions et les lettres de Rabbi Yossef Yits’hak, par exemple celle publiée dans les Igrot Kodech (volume 9, p. 92), adressée au docteur Alexander  Marx, bibliothécaire bien connu, dans laquelle le Rabbi Yossef Yits’hak soulignait que la bibliothèque appartenait à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD.

Dans cette lettre, le Rabbi disait entre autres : « Ces livres constituent un trésor spirituel énorme ; c’est une possession du peuple, une possession historique et scientifique ».

On sait aussi que quand les autorités soviétiques avaient obligé le Rabbi précédent à quitter le pays, il avait insisté avec force pour obtenir la permission d’emporter avec lui la bibliothèque, bien que, par cela, il se mettait en danger. Ce n’était pas pour un bien personnel qu’il s’exposait : d’ailleurs il était prêt à abandonner ses biens personnels en Union Soviétique. La seule chose pour laquelle il insista et fut prêt à se mettre en danger fut les livres, ce qui prouve bien qu’il n’agissait pas ainsi pour un bien personnel mais pour une possession de tout le peuple juif tout comme il s’était continuellement consacré à tout le peuple juif. S’il n’avait pas été toujours concerné par le bien de la communauté, il ne se serait pas mis en danger ainsi pour les livres.

La préparation du procès

En été 1986, les avocats demandèrent aux responsables de la Bibliothèque de trouver des documents prouvant à qui appartenaient les livres. C’était une entreprise très difficile et tout à fait nouvelle pour Reb Chalom Dov Ber Lévine, en charge de la Bibliothèque. « Au début, dit-il, j’ai eu du mal à comprendre ce qu’on recherchait. Ce n’est qu’après avoir discuté avec les avocats que j’ai eu une image claire du problème et que j’ai compris ce qu’il fallait rechercher pour gagner le procès. Nous nous sommes immédiatement attelés à la tâche. »

Le Rabbi précédent avait écrit de nombreuses lettres, plus de cent mille durant les dernières quarante années de sa vie. Plus de la moitié d’entre elles étaient consignées dans des livres. Pourrait-on en trouver quelques unes qui évoqueraient ce problème de propriété des livres ?  Ce fut le premier réflexe de Reb Chalom Ber Lévine. Comme le Rabbi précédent avait eu des relations avec les autorités américaines lors de son transfert de la Pologne occupée par les Nazis aux Etats-Unis, les avocats suggérèrent de rechercher dans les archives du Congrès américain.

Durant l’automne, on découvrit effectivement des centaines de documents prouvant la justesse des arguments de la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD et les avocats furent persuadés qu’ils possédaient là des preuves suffisantes. Dans ces documents des années 1920, 1930 et 1940, le Rabbi précédent demandaient à ses nombreux correspondants d’offrir des livres pour la Bibliothèque Loubavitch (et non pour sa propre collection). Ils trouvèrent également des documents prouvant que le Rabbi précédent avait acquis des livres pour la Bibliothèque avec l’argent du mouvement Loubavitch et non avec ses fonds propres. Ils trouvèrent également des preuves que des livres avaient été acquis pour la Bibliothèque après le décès du Rabbi précédent.

La preuve essentielle fut une lettre adressée par le Rabbi précédent à un important professeur, Dr. Marks de Yates. Dans cette lettre, le Rabbi affirmait sans l’ombre d’un doute que la Bibliothèque appartenait à la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBad. Voici le texte intégral de cette lettre :

B.H.
24 Adar Richone  5706 (1946)

Brooklyn

A l’attention du célèbre Professeur Dr. Marks, qu’il vive longtemps

Paix et bénédiction

Après la conquête de la Pologne par les Nazis en 1939, les bandits ont saisi plusieurs caisses remplies de manuscrits anciens et de livres de grande valeur qui étaient sous ma garde dans ma bibliothèque de la ville de Ottwotsk. Ces manuscrits et ces livres – sans compter ceux qui y avaient été rajoutés par la suite – se trouvaient dans la bibliothèque personnelle du célèbre bibliothécaire Chmouel Wiener, de qui je l’avais achetée à l’époque.

Les manuscrits : Trois grandes caisses pleines de manuscrits anciens qui, comme je l’ai dit, ont été saisis par les Nazis. Parmi ceux-ci se trouvait un manuscrit de Rabbi Chnéour Zalman, le Baal Hatanya, ainsi que des manuscrits des cinq Rabbis ‘HaBaD qui lui ont succédé sur une période de cent cinquante années environ. Ces manuscrits traitent de ‘Hassidout ainsi que des sujets de Hala’ha (loi juive), parmi eux des lettres et des échanges de correspondance qui représentent un trésor inestimable pour l’histoire de notre peuple en Russie durant les deux cent dernières années.

Ces manuscrits sont listés sous la propriété des Rabbanim membres de la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD : Rav Israël Jacobson et son gendre, Rav Chlomo Zalman Hecht qui sont tous les deux des citoyens américains de naissance. Ils sont les propriétaires officiels de ce trésor.

Les livres : plusieurs milliers de livres ; nombre d’entre eux sont très anciens, de grande valeur et très rares. Ces livres sont la propriété de la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD des Etats-unis et du Canada.

Avant que les Etats-Unis ne rentrent en guerre, le Département d’Etat avait mené des discussions avec Berlin pour récupérer ce trésor et le remettre à ses propriétaires qui sont des citoyens américains nés aux Etats-Unis. Les caisses ont été retenues par la police et gardées jusqu’à ce que le moment soit venu des les transférer aux Etats Unis. Cependant, après l’entrée en guerre des Etats-Unis, toute la négociation fut arrêtée et ne fut reprise qu’après la fin de la guerre (l’avocat qui représente les Rabbanim cités plus haut et la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD est nommé dans la marge de la lettre).

Pour que le Département d’Etat intensifie la recherche des ces manuscrits et les livres en question pour les remettre à leurs propriétaires légitimes, il faut faire comprendre à ses fonctionnaires qu’il s’agit de trésors spirituels de très grande valeur, la propriété de la nation qui a une valeur historique et scientifique inestimables.

C’est pourquoi je me tourne vers vous avec une requête du fond du cœur : en tant que spécialiste de ces questions, pourriez-vous envoyer au Département d’Etat une lettre attestant de la très grande valeur de ces manuscrits et de ces livres pour le peuple juif en général et, en particulier pour les Juifs des Etats-Unis à qui appartient ce très grand trésor ?

Après que l’équipe d’avocats eut consulté des centaines de documents dans les archives de la correspondance du Rabbi précédent, ils eurent l’occasion d’en discuter avec le Rabbi lui-même. C’était le 4 Tichri 5786 (1985), alors que le Rabbi venait d’arriver avec son Loulav (qui, comme on le sait, représente la victoire, ainsi que c’est rapporté dans un Midrach fréquemment cité dans les discours ‘hassidiques) dans la main. Durant cette entrevue qui eut lieu dans le corridor attenant au bureau de Rabbi (Gan Eden Hata’htone), durant deux heures, le Rabbi affirma que cette lettre au Dr. Marks constituait une preuve fondamentale qui montrait de façon irréfutable qui étaient les véritables propriétaires de la Bibliothèque. Le Rabbi suggéra d’en faire la pièce maîtresse de l’argumentation de la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD.

L’avocat, Reb Nathan Lévine raconte :

« Durant la même entrevue, le Rabbi conseilla de présenter l’argument suivant : si B.G. prétendait être le propriétaire de la bibliothèque, pourquoi s’était-il emparé des livres comme un voleur en pleine nuit ? Il aurait dû présenter une plainte devant un Beth Din ou un tribunal ! Puisque les livres ont été dérobés en cachette, ils doivent tout d’abord être rendus à la Bibliothèque et ensuite, qu’il présente une plainte devant un tribunal ! Par ailleurs, le Rabbi n’évoqua pas de sujet spirituel ou quelque chose de ce genre mais uniquement des arguments légaux. »

De son côté, Rav Avraham Chem Tov décrit ainsi la relation du Rabbi envers l’avocat :

« La ligne de conduite que le Rabbi désirait que les avocats, représentants du mouvement Loubavitch, devaient   présenter dans le procès était claire : d’un côté, ils devaient agir selon leurs propres opinions (en tant qu’avocats) mais de l’autre côté, ils devaient réfléchir à la façon dont le Rabbi envisageait le procès (donc en tant que ‘Hassidim) ».

Au début du procès, (le 4 tichri 1986, comme signalé plus haut), quand les avocats entrèrent dans le bureau du Rabbi pour lui demander son opinion quant à la meilleure façon  de présenter leur arguments, le Rabbi répondit qu’à son avis, toute procédure doit être « habillée dans un récipient » selon la formule ‘hassidique, c’est-à-dire présentée de façon naturelle, légale, selon les critères acceptés dans les tribunaux.

A cette époque, les ‘Hassidim tentèrent de faire participer l’avocat Nathan Lévine à des réunions ‘hassidiques par exemple mais le Rabbi déclara qu’il ne fallait pas faire de lui un ‘Hassid mais un avocat…

De plus, tout au long du procès, le Rabbi donna des conseils dans les domaines les plus variés : par exemple, d’utiliser comme document la lettre que le Rabbi précédent avait adressée en 1946 au Dr. Marks qui spécifiait que la bibliothèque  était « la possession du peuple ». Une autre fois, le Rabbi demanda de baser l’argumentation sur une autre lettre dans laquelle le Rabbi précédent déclare en quelques lignes que la bibliothèque est la possession de « Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD ».

Après cette réunion, Nathan Lévine et ses associés mirent au point la stratégie de la plainte : qui seraient les témoins du côté de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD » etc. Ils désiraient bâtir une argumentation solide qui ne pourrait être mise en doute selon laquelle, à l’intérieur du mouvement ‘hassidique en général et en particulier chez  Loubavitch, il est impensable que le Rabbi puisse utiliser l’argent de la communauté pour ses besoins personnels et surtout, qu’il puisse acheter des livres pour sa bibliothèque personnelle.

Parmi les témoins choisis, citons le Prix Nobel Élie Wiesel et les Rabbanim bien connus : Rav Emmanuel Cho’het de Toronto, Rav Ralbag du Tribunal Rabbinique de « Agoudat Harabbanim » et le Dr. Louis Jacobs de Londres (auteur d’un livre de référence sur la ‘hassidout et le Judaïsme).

Ils voulaient également prouver  qu’ « Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD » avait déjà été fondé en 1930 : déjà à cette époque, les livres appartenaient  à « Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD » et non au Rabbi précédent personnellement.

Le témoignage de la Rabbanit

Le juge demanda que la Rabbanit, étant la fille du Rabbi précédent (de la bibliothèque duquel les livres avaient été volés), apporte son témoignage. Il n’était pas possible de s’opposer à cette demande et le Rabbi lui-même estimait qu’il n’y avait pas lieu de s’y opposer car cela ne pouvait se révéler que profitable.

Le 28 Mar’Hechvane 1985, la Rabbanit témoigna dans sa maison en présence des avocats des deux parties. Elle avait demandé au Rav Krinsky de prendre place à côté d’elle à la table où elle s’apprêtait à répondre aux questions.

A la grande surprise de tous, avant qu’elle ne commence à parler, le plaignant et sa mère apparurent. Or, depuis que l’affaire avait éclaté, la sœur de la Rabbanit avait coupé tous les liens avec sa famille et s’était installée avec son fils dans le New Jersey, se séparant ainsi de son mari qui était complètement acquis à la position du Rabbi. Il était donc resté seul chez lui. Maintenant, ils réapparaissaient pour écouter le témoignage de la Rabbanit mais celle-ci ne leur accorda pas un seul regard.

Le témoignage fut filmé et la cassette vidéo fut transmise au juge.

Les avocats de la partie adverse posèrent différentes questions de différentes manières ; ils tentèrent de poser des questions pièges sur le fil du rasoir mais la Rabbanit répondit avec une clarté surprenante et avec une force qui stupéfia les avocats de la partie adverse qui espéraient lui soutirer au moins quelques mots en leur faveur, que D.ieu préserve, mais en vain. Une partie de la déposition de la Rabbanit se passa en Yiddish et fut traduite simultanément au juge en anglais. Voici quelques extraits significatifs de ce témoignage :

Question : Quand vous habitiez chez votre père, possédait-il une bibliothèque ?

Réponse : Oui, pas vraiment une bibliothèque mais il avait des livres.

Question : Pourquoi possédait-il des livres ? Et pourquoi collectionnait-il des livres ?

Réponse : C’était toute sa vie, sa passion. Il possédait des livres afin de répandre le judaïsme  en Russie soviétique.

Question : Pour quel but recevait-il et obtenait-il des livres ?

Réponse : J’ai déjà répondu – pour répandre le judaïsme  parmi les enfants juifs, pour les ‘Hadarim (classes clandestines d’enseignement de la Torah pour les enfants), pour les Yechivot (instituts talmudiques pour les adolescents). C’est pour cela qu’il gardait ces livres en Russie, à une époque où il était interdit d’étudier dans les livres de Torah. Il les confiait aux enfants et aux Yechivot, mais surtout aux ‘Hadarim.

Question : Il est important de savoir d’où vous savez que c’était la raison essentielle pour laquelle il collectionnait des livres.

Réponse : Je le sais très bien. C’était là toute sa personnalité ; c’est ainsi qu’il avait été éduqué et c’était sa raison de vivre.

Question : Expliquez ce que vous voulez dire.

Réponse : Il a été jeté pour cela en prison en Russie. Tous les deux ou trois jours, il y avait chez nous des perquisitions et on nous confisquait des objets parce qu’il était pratiquant et qu’il voulait maintenir le judaïsme  vivant en Russie, ce qui était interdit. Voici ce que je peux dire.

Question : Est-ce que l’étude et le développement de la Torah étaient-ils essentiels aux yeux de votre père ?

Réponse : Oui, à 100 % .

Question : Votre père était-il intéressé à recevoir des objets pour son usage personnel ?

Réponse : Non.

Question : Avez-vous connaissance d’objets qui lui appartenaient en propre ?

Réponse : Non, je ne me souviens pas qu’il ait possédé des objets personnels, à part ses vêtements, son Talit et ses Tefilines.

Question : Possédait-il des objets personnels quand il arriva aux Etats-Unis ?

Réponse : Je ne crois pas, non.

Question : Avait-il de l’argent pour s’acheter une maison ?

Réponse : Je ne crois pas.

Question : Votre père avait-il assez d’argent pour acheter lui-même le bâtiment du 770 Eastern Parkway ?

Réponse : Je ne sais pas, je ne crois pas.

Question : Savez-vous à qui appartenait le 770 Eastern Parkway à partir de l’année 1940 ?

Réponse : Je ne sais pas. Je ne crois pas que cela lui appartenait. Il n’avait pas d’argent pour l’acheter.

Question : Pour conclure, selon vous, les livres dont le Rabbi se servait dans son bureau et dans la cave du 770 lui appartenaient-ils ou étaient-ils la propriété des ‘Hassidim ?

Réponse : Ils appartenaient aux ‘Hassidim puisque mon père appartenait aux ‘Hassidim.

Quand la Rabbanit conclut avec ces mots, on put lire une grande déception sur le visage des avocats. Apparemment, ils avaient placé beaucoup d’espoir dans ce témoignage et ils comprirent immédiatement que celui-ci ne pouvait qu’aider les plaignants. Ils ne parvenaient même pas à cacher leur déception et, spontanément, à la fin de la dernière phrase de la Rabbanit, ils jetèrent nerveusement leurs stylos sur la table en constatant que leur combat était perdu.

Evoquant le témoignage général de la Rabbanit et plus particulièrement la dernière phrase, selon laquelle « Le Rabbi et les livres appartenaient aux ‘Hassidim », le Rabbi déclara dans un discours resté célèbre, dans sa maison, samedi soir de la Paracha Terouma 2 Adar 1988, que cela avait eu un impact énorme dans la suite du jugement au point que c’est cela qui avait amené à la victoire finale de « Didane Nétsa’h » :

« Parmi ses dernières actions (de la défunte Rabbanit) quand elle était dans ce monde, parmi celles qui étaient connues de tous – même des peuples du monde – il y eut cette réponse à propos de son père, notre Rabbi, mon beau père, chef de notre génération : « Mon père, le Rabbi, lui-même, avec ses livres et tout ce qui lui tenait à cœur, appartenait aux ‘Hassidim ! »

« Par cette réponse, la défunte exprima et déclara ouvertement que le leadership du chef de notre génération – de celui qui emplit les fonctions de nos saints Rebbéim jusqu’au Rabbi Chnéour Zalman, qui fonda la ‘Hassidout ‘HaBaD et jusqu’au Baal Chem Tov, qui fonda le mouvement ‘hassidique en général – est une chose éternelle, pour laquelle il n’y a pas d’interruption, que D.ieu préserve et ce – jusqu’à la venue de notre juste Machia’h.

« L’essentiel et la nouveauté que ceci introduisit même si cela était évident par ailleurs – est que ceci fut accepté par les « peuples du monde » et que, grâce à cette phrase, il fut décidé (à propos des livres etc…) qu’ « il en soit ainsi ! » dans la vie concrète.

« Car non seulement nous sommes en exil et nous nous conformons à la décision car « la loi du pays est la loi » mais de plus, ce jugement présente un aspect supplémentaire du fait qu’il a été émis par « les peuples du monde » – comme Rabbi Chnéour Zalman insiste dans le passage connu de « Iguéret Hakodech » à propos de la délivrance du 19 Kislev : « D.ieu a opéré des merveilles et a agi avec grandeur sur terre… aux yeux des princes et de tous les peuples qui se trouvent dans toutes les provinces du roi etc… »

« Et parmi les explications qui soulignent la grandeur du miracle de la fête de la délivrance (du 19 Kislev) – il y a le fait qu’elle est une préparation à la délivrance véritable et complète par notre juste Machia’h. Sa venue dépend  d’ailleurs de la dissémination des sources de la ‘Hassidout du Baal Chem Tov au dehors. Machia’h « arrangera le monde entier afin qu’uni, il serve D.ieu » comme il est dit : « Alors Je changerai les peuples de telle sorte  que tous parlent la même langue pour invoquer le Nom de D.ieu et Le servent d’une seule épaule ». Alors, « La Royauté appartiendra à D.ieu », c’est-à-dire que Sa royauté sera reconnue et répandue dans le monde entier.

« Il en va de même ici : – la déclaration (de la défunte Rabbanit) énoncée plus haut, à propos de la continuation et de l’éternité de l’enseignement de la ‘Hassidout et des Rébbéim jusqu’à la venue de notre juste Libérateur – a été acceptée et  été effective « aux yeux de tous les princes et de tous les peuples ».

(On trouvera l’intégralité du témoignage de la Rabbanit dans les appendices).

Le Rabbi souhaita visionner la vidéo du témoignage de la Rabbanit. Immédiatement, Reb ‘Haïm Barou’h Halberstamm apporta dans la maison du Rabbi les appareils nécessaires. Ce fut Rav Chalom Ber Guinzbourg qui actionna lui-même les appareils en présence du Rabbi.

Ce jour-là, les membres de la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD se virent proposer un compromis : B.G. était prêt à rendre les livres qui avaient été volés à condition de pouvoir garder l’argent qui avait déjà été obtenu. La décision appartenait au Rabbi et, pour cela, les Rabbanim entrèrent dans le « Gan Eden Hata’htone », à côté du bureau du Rabbi pour lui soumettre cette proposition.

Rav Zalman Gourarie, de mémoire bénie, raconta :

« Le Rabbi parla avec beaucoup d’émotion, pendant longtemps et en exprimant une douleur intense au sujet des livres. Plusieurs fois, il frappa avec force de son poing sur le mur. Il affirma alors qu’il était prêt à se rendre au tribunal pour témoigner (que D.ieu préserve !) et que rien ne pourrait l’empêcher de le faire.

« Le Rabbi déclara alors, entre autres : « Comment peut-on envisager pareille chose ? ! »Le Rabbi dit alors qu’il était hors de question de rentrer dans ces considérations et d’accepter un quelconque compromis.

« Combien de Tehilim (Psaumes)…ont-ils été dits ? Combien d’argent a-t-on donné à la Tsedaka (Charité) ? Qu’en est-il du dévouement bien connu des ‘Hassidim ? Dire des Tehilim ! ». Le Rabbi apporta l’exemple des membres d’une certaine communauté qui avait décrété un jeûne à propos d’un certain sujet, ce qui prouvait combien le problème affronté leur tenait à cœur. Or ici, on ne voyait pas que cela affectait qui que ce soit ! (Concrètement, quand certains voulurent décréter un jeûne, le Rabbi s’y opposa en disant que ce n’était pas son habitude de décréter des jeûnes.)

Le Rabbi continua : « Il faut savoir qu’il s’agit d’une guerre contre tous les Rébbéim ! » et il nomma chacun d’entre eux « et on doit savoir que la guerre n’est pas pour les livres mais pour le trône (la fonction de Rabbi) et il montra du doigt la chaise (d’après un témoignage).

Le Rabbi dit encore : « C’est une guerre contre Rabbi Chnéour Zalman ! ». Par ailleurs, lors de cette entrevue, le Rabbi cita le verset : « Par tes cris, ceux qui sont rassemblés te sauveront-ils ? » (Isaïe 57). Il expliqua que même si, apparemment, le verset est à la forme interrogative, le fait est que quand des Juifs se rassemblent pour étudier la Torah, prier et donner ensemble de la Tsedaka, ils parviennent à faire venir la délivrance. Le Rabbi demanda « qu’on bouleverse le monde entier » en encourageant chacun à développer ces trois aspects fondamentaux de Torah, Tefila et Tsedaka. Et en prononçant ces paroles, le Rabbi frappa sur la porte de son bureau avec une telle force que même les personnes qui se tenaient à l’extérieur l’entendirent.

Les membres de la Communauté des ‘Hassidim ‘HaBaD comprirent que le Rabbi ne voulait à aucun prix accepter un compromis en ce qui concernait les livres.

A la suite des paroles du Rabbi, on créa un Minyane de Tehilim tous les matins au 770 Eastern Parkway. Dans le monde entier, les ‘Hassidim ajoutèrent à leur récitation quotidienne de Tehilim les Psaumes 20, 22 et 69. On rajouta également dans l’étude de la Torah et les dons à la Tsedaka, chacun selon ses possibilités.

« Le roi ne peut être appelé à témoigner »

La partie adverse exigea que le Rabbi lui-même vienne témoigner devant le tribunal, que D.ieu préserve. (On comprend bien le sens d’une telle démarche de leur part puisque les avocats auraient pu poser toutes sortes de questions avec audace et de façon discourtoise envers le Rabbi, à propos de sa nomination en tant que Rabbi etc.). Le juge devait statuer à ce propos le 13 Kislev, 26 novembre.

Ce jour-là, les membres du Kollel décidèrent d’en faire un jour de jeûne et de le consacrer à la récitation des Tehilim (Psaumes). Tôt le matin, le 770 Eastern Parkway était rempli de ‘Hassidim, jeunes et moins jeunes, qui récitaient des Tehilim sans interruption. L’atmosphère était terriblement tendue.

Quand le Rabbi arriva de sa maison à 10h 25, il avait un visage très sérieux et il ne fit pas signe de sa main pour qu’on augmente le chant.

Le Rabbi conseilla à l’avocat de plaider l’argument suivant ; puisque le Rabbi est le chef spirituel du mouvement Loubavitch et qu’il ne dépend pas de critères physiques, que par ailleurs ce jugement concerne une péripétie physique  concernant les biens du mouvement HaBaD, l’aspect spirituel du mouvement n’avait pas à être mêlé à cela. Il n’y avait pas de raison  que le témoignage d’un personnage spirituel aide à la clarification du problème.

L’un des témoins qui s’était énormément investi dans les démarches pour que le Rabbi ne soit pas appelé à témoigner devant le tribunal était le Dr. Weiss, qui n’était autre que le médecin personnel du Rabbi. Il expliqua devant le juge que puisque le Rabbi avait subi une grave crise cardiaque en 1977, il ne convenait pas de l’appeler à témoigner et à s’expliquer sur des sujets qui lui causaient de grands soucis.

On raconte qu’à propos du 13 Kislev, le Rabbi avait déclaré : « Il faut prendre en compte comment cela sera perçu par les étudiants de Yechiva ».

D.ieu merci, ses efforts portèrent leurs fruits et, dans l’après midi, le juge du tribunal fédéral statua que « le roi ne peut être appelé à témoigner », que le Rabbi n’a pas besoin de se rendre devant le tribunal en tant que témoin.

Quelques instants plus tard, la nouvelle se répandit dans le 770. On ne peut décrire la joie qui régna à ce moment-là, le soulagement des ‘Hassidim qui se mirent spontanément à chanter et à danser de toutes leurs forces.

Le soir-même, le ‘Hassid, Reb Avraham ChemTov organisa une réunion ‘hassidique dans la petite salle du 770 avec les élèves de la Yechivah. Durant de longues heures, on parla et on but, on sentait que déjà un premier pas avait été franchi en direction de la victoire finale.

Les ‘Hassidim entonnèrent spontanément une mélodie (composée par le défunt  Rav Israël Duchman) sur les paroles : « Tous les peuples de la terre sauront et reconnaîtront ce qui s’est passé le 13 Kislev ».

Le même jour, les avocats parlèrent avec le Rabbi dans le « Gan Eden inférieur » (le corridor attenant au bureau du Rabbi) durant environ deux heures. Le Rabbi déclara alors qu’en ce qui concerne le Rabbi Yossef Yits’hak, on ne peut parler d’héritage puisqu’il se trouve encore parmi nous. Les avocats demandèrent au Rabbi de qui il parlait quand il disait : « Le chef de notre génération » et le Rabbi pointa le doigt en direction de lui-même…puis le Rabbi leur dit qu’ils ne devaient pas agir comme des ‘Hassidim mais comme des avocats –« Comme il vous semble profitable pour l’affaire ». Le Rabbi rentra dans son bureau, en ressortit aussitôt et répéta       que tout devait se passer selon les critères naturels. Il ajouta : « Mais que ce soit de telle sorte que, selon vous, je gagne le procès ! ».

Résumé des preuves

La veille du procès, Rav Chalom Ber Lévine – responsable de la Bibliothèque Loubavitch et qui était chargé de préparer les documents nécessaires pour les avocats – écrivit  une lettre au Rabbi. Il y résumait l’ensemble des preuves qui seraient présentées au procès selon les instructions des avocats. Après avoir fourni tous les détails, il résumait ainsi sa lettre : « Avec tout ce matériau, les avocats sont absolument persuadés que ceci se terminera par une victoire éclatante et il est donc possible d’aller en avant avec un chant de marche de victoire ! » :

« B.H.

Pour le Rabbi

Plusieurs des responsables du dossier concernant les livres saints m’ont demandé de résumer devant le Rabbi l’ensemble des documents sur lesquels sont basées les preuves comme quoi  Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD est bel et bien propriétaire de la Bibliothèque. Depuis le milieu de la semaine dernière, l’avocat Maître Shustak me l’avait demandé et je m’efforce de le faire aujourd’hui, avec l’aide de D.ieu, au moins dans les grandes lignes :

1) Tout au long de l’existence  de la Bibliothèque, dans tous les documents sur lesquels est mentionnée la Bibliothèque, il est clairement mentionné qu’il s’agit de la Bibliothèque générale du mouvement ‘HaBaD ; depuis son arrivée sur le sol américain, c’est la propriété  de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD aux Etats-Unis.

2) Le début de la construction  de la Bibliothèque s’est fait en Russie, à une époque où il était interdit à toute communauté religieuse de posséder des biens. Il n’était donc  pas possible d’enregistrer la Bibliothèque comme une possession du mouvement ‘HaBaD : sinon, le gouvernement soviétique l’aurait immédiatement  confisquée.

3) Dès que le Rabbi eut  quitté la Russie, quand il reçut la visite du bibliothécaire, le Rabbi lui avait expliqué en détail comment construire la Bibliothèque : elle serait mise à la disposition des chercheurs. Pour cela, il fallait acquérir également des livres qui ne faisaient pas partie de la littérature rabbinique ainsi que des livres profanes et même des livres anti religieux.

4) A la même époque, quand la Bibliothèque fut érigée à Riga, on imprima du papier à lettres spécial à en-tête : « Collection de livres et de manuscrits Loubavitch ». A la ligne suivante apparaissait effectivement  les mots : « Du Rabbi Chlita » ce qui signifiait que c’était lui qui l’avait  constituée et instituée comme toutes les institutions qu’il dirigeait et qui lui appartenaient. Cependant le nom officiel montrait bien qu’il s’agissait de la Bibliothèque « de Loubavitch ».

5) Sur ces papiers et les cartes, l’adresse indiquée  est « Bibliothèque Loubavitch – Riga – Lituanie » sans aucune mention du  nom du Rabbi.

6) Le Rabbi avait demandé à tous les auteurs et éditeurs d’adresser leurs livres à « La Bibliothèque Loubavitch » et il les remerciait « au nom de la Bibliothèque ». Si les envois lui avaient été destinés personnellement, pourquoi aurait-il remercié au nom de la Bibliothèque ? Dans le même communiqué – que le Rabbi demandait qu’on publie dans la revue « Le Pardess » et d’autres, son nom n’est pas du tout mentionné (dans le texte qui est imprimé dans le livre « Igrot Kodech » ; cependant, dans le texte imprimé effectivement dans Le Pardess, il est écrit : « Bibliothèque Loubavitch du Rabbi de Loubavitch » : ici aussi, l’adresse indiquée est : « Bibliothèque Loubavitch » sans aucune mention du nom du Rabbi.

7) Quand le Rabbi écrivait des lettres en rapport  avec la Bibliothèque, il les écrivait sur le papier à en-tête de la Bibliothèque et non sur son papier personnel.

8) Même quand il écrivait pour demander qu’on lui envoie des livres, il le faisait « au nom de la collection  des livres et manuscrits de Loubavitch » et il signait : « Le directeur de la Collection des livres  et manuscrits de Loubavitch » et parfois même sans mentionner son propre nom. Quand la personne concernée envoyait effectivement le livre qui lui avait été demandé comme cadeau pour la Bibliothèque, il ne l’envoyait certainement pas au Rabbi personnellement et donc, une fois de plus, on ne pouvait pas considérer qu’il s’agissait d’un bien personnel.

9) Même quand le Rabbi demandait en son nom propre qu’on lui envoie des livres – sans préciser explicitement qu’il le faisait au nom de la Bibliothèque Loubavitch – il écrivait comme raison pour cela : « Ceux qui connaissent et apprécient le nom de Loubavitch : ils auront à cœur de m’honorer avec un bon cadeau de livres ». Il serait étrange de dire que  ces termes s’appliquent à un cadeau personnel. On peut donner comme exemple pour expliquer cela : imaginons que le Président des Etats-Unis publie un communiqué : quiconque apprécie la liberté qui règne aux Etats-Unis est invité à m’envoyer personnellement un cadeau. Il est évident que cela est inimaginable. Il est donc évident que lorsque le Rabbi  écrit : « M’honorer avec un cadeau », cela signifie qu’il s’agit d’un cadeau pour la Bibliothèque Loubavitch.

10) Tout ceci se passait en Europe. Là-bas, Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD n’était pas encore organisé et toute la Bibliothèque appartenait au mouvement Loubavitch dans son ensemble. Cependant, quand le noyau central du mouvement s’est déplacé aux États-Unis et que le mouvement est devenu officiellement Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD, toutes les possessions du mouvement ont été transférées à cette nouvelle association.

11) Ceci n’a pas commencé seulement à partir de l’année 1940 (date de l’arrivée de Rabbi Yossef Yits’hak à New York). Dès les années 1936, 1938, le Rabbi avait commencé à inscrire les possessions du mouvement sous le nom  de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD des Etats-Unis. Par exemple pour ce qui concernait la construction de la Yechiva et de l’appartement du Rabbi à Otwotsk : l’achat était – ou aurait dû être –  au nom de l’association Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD des Etats-Unis. Le secrétaire du Rabbi à l’époque, Rav Feïgin, avait écrit à ce sujet au Rav Jacobson que du fait que tout ce qui se passait en Europe à ce moment était peu stable, on avait toujours peur que les biens soient confisqués par le gouvernement. C’est pourquoi il avait été décidé de mettre toutes les possessions du mouvement sous le nom de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD des États-Unis. C’est aussi la raison pour laquelle on avait demandé à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD d’ajouter dans sa charte un paragraphe stipulant qu’elle était apte à acquérir des biens immobiliers en dehors des États-Unis.

12) Même les salaires des secrétaires furent dès ce moment payés par Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD des États-Unis : ainsi ils furent considérés comme des employés étrangers au service d’une organisation américaine.

13) A cette époque, ce n’était pas encore toutes les possessions du mouvement en Europe qui étaient passées sous la direction de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD des
États-Unis mais seulement ceux pour lesquels cela avait été spécifié explicitement. Cependant, une fois qu’il avait été décidé de  transférer depuis l’Europe vers les États-Unis tout ce qui appartenait au mouvement ‘HaBaD (aussi bien le Rabbi que les membres de sa famille, les secrétaires, la Yechiva etc.), il s’agissait  de tout transférer : ce n’était pas un « changement de propriétaire » mais juste un changement de nom. Cette décision fut prise par le Rabbi en hiver 1939. Cela avait été confirmé par écrit et en secret par le secrétaire Rav Feïgin  au Rav Lévitine et au Rav Jacobson. Ce n’était pas encore une décision définitive mais plutôt une décision technique afin de permettre l’établissement de papiers officiels  en cas de besoin. La décision définitive ne fut prise qu’avec l’arrivée du Rav Jacobson au début du mois  d’Éloul 1939 à Otwotsk. Lors d’une Ye’hidout (entrevue privée), le Rabbi lui avait alors longuement parlé et lui avait demandé d’arranger les papiers : d’ici six mois, le Rabbi envisageait d’immigrer avec sa famille, ses secrétaires et une partie de sa Yechiva aux États-Unis. C’est effectivement ce qui se passa : la préparation des  papiers prit six mois et, en hiver 1940, le Rabbi arriva aux États-Unis.

14) Le dernier paragraphe fut expliqué ainsi : quand le Rabbi se trouvait à Varsovie en hiver 1940, il affirma à l’ambassade américaine que les manuscrits lui avaient été prêtés par le Rav Jacobson et le Rav Chnéour Zalman Hecht lors de leur séjour à Otwotsk. De fait, comme la décision de transférer le mouvement aux États Unis avait déjà été prise, la Bibliothèque appartenait déjà à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD et les manuscrits n’avaient qu’été prêtés  au Rabbi.

15) Après l’arrivée du Rabbi aux États-Unis, il déclara officiellement aux autorités américaines que la Bibliothèque appartenait à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD : ceci est prouvé par plusieurs documents.

16) Par la suite, après la fin de la guerre, le Rabbi demanda au docteur Marxs de s’efforcer de sauver le reste de la Bibliothèque (qui était restée en Pologne) parce que celle-ci appartenait à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD.

17) Même si la Bibliothèque avait jusqu’à présent appartenu au Rabbi personnellement (bien qu’il ait été démontré que ce n’était pas le cas), cette demande en elle-même suffisait  à démontrer que le Rabbi l’avait fait acquérir par Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD.

18) Il était impossible de prétendre que le Rabbi désirait que la Bibliothèque demeure sa propriété privée et qu’il n’en avait transféré la possession que pour échapper aux confiscations : cela aurait constitué un ‘Hiloul Hachem, une profanation du Nom de D.ieu ; ce serait également une grave accusation contre le Rabbi, soupçonné d’une telle conduite, que D.ieu nous en préserve. Il est évident que, même si telle était son intention essentiellement – sauver la Bibliothèque de la confiscation – il n’en demeurait pas moins que par ces paroles, il transférait effectivement la propriété de la Bibliothèque à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD. Par sa signature sur les documents officiels, cette possession était officialisée même par les lois du pays car le gouvernement n’avait permis l’acheminement de cette Bibliothèque que parce qu’elle  constituait un bien communautaire.

19) La dernière partie de la Bibliothèque, celle qui était restée en Pologne, n’avait pu être sauvée en 1946. Mais par la suite, en 1949 et 1951, le gouvernement américain avait récupéré les livres juifs volés par les Nazis et les avait distribués parmi les bibliothèques communautaires juives aux Etats-Unis. La Bibliothèque Loubavitch avait elle aussi demandé et obtenu de pouvoir  récupérer certains livres en sa qualité de bibliothèque communautaire.

20) L’une des conditions pour obtenir ces livres avait été qu’il était interdit à ces bibliothèques de revendre ces livres qui devaient rester en leur possession.

21) Ceci avait impliqué des frais mineurs que la Bibliothèque devait couvrir par elle-même. Les factures avaient été payées par la caisse de  Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD aux Etats-Unis, ce qui prouvait bien que la Bibliothèque appartenait à cette organisation.

22) Tout ceci avait eu lieu en été 1950, donc après le décès du Rabbi. Il est évident que ces livres n’avaient pas été acquis pour le bénéfice de ses héritiers (pour que ceux-ci aient quelque chose à revendre) mais bien dans l’intention d’agrandir la Bibliothèque Loubavitch.

23) L’un des colis envoyés par la compagnie qui s’occupait de cette affaire portait l’indication suivante : « Ce paquet comprend des livres qui avaient appartenu à votre Yechiva, c’est pourquoi il est expédié maintenant à votre Bibliothèque ». C’était bien la preuve qu’il ne s’agissait pas de livres appartenant à un particulier, en l’occurrence aux héritiers du Rabbi.

24) En 1966 (environ), il y eut chez l’avocat M° Hecht une discussion à propos des frais de succession entre les héritiers du Rabbi. Le problème était de savoir s’il fallait inclure dans cet héritage les livres de la Bibliothèque. On avait d’ailleurs procédé à une évaluation approximative d’une petite partie  de cette bibliothèque (environ 5000 des 50.000 volumes). Finalement il avait été décidé de ne pas les inclure dans le calcul des impôts puisqu’ils appartenaient à la Bibliothèque et ne constituaient pas un bien personnel. C’est ce qu’affirma l’avocat, M° Hecht, et ceci fut prouvé par les documents officiels.

25) A partir de 1968,  Rav Halberstam devint le responsable de l’appartement situé au 770 Eastern Parkway, y compris de tout ce qui concernait la Bibliothèque. Par la suite et jusqu’à présent, les dépenses pour l’entretien  et le personnel (incluant le bibliothécaire) se sont élevées jusqu’à 100.000 dollars. Pas un centime n’a été demandé aux héritiers du Rabbi qui avaient déclaré officiellement que cela concernait la Bibliothèque et qu’ils n’étaient en rien concernés par ses dépenses. Tel est le témoignage de Rav Halberstam.

C’est ainsi que nous sommes arrivés à la conclusion que durant toute les années d’existence de la Bibliothèque, depuis 1928 jusqu’à  aujourd’hui, il était clair et prouvé dans les moindres détails que la Bibliothèque appartenait au mouvement ‘HaBaD en général et à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD en particulier.

Fort de tout cela, l’avocat n’a aucun doute que le jugement sera prononcé en notre faveur et que nous pouvons nous présenter au procès avec une marche de victoire.

N.B. Malgré cela, je n’ai évoqué ni les écrits qui sont transmis de Rabbi en Rabbi ni le sujet du « Maamad », à propos desquels j’ai déjà écrit vendredi.

Le Procès

Le 29 Mar’héchvane (13 novembre) 1985, le juge Simpson décida que le procès se tiendrait sans les jurés et qu’il commencerait le 19 Kislev (2 décembre), le jour où les ‘Hassidim célèbrent la libération (en 1798) du Admour Hazakène des prisons tsaristes, jour qui est considéré comme un jour faste dans le monde juif. Tous virent dans cette date un signe évident de la Providence divine et furent dès à présent persuadés de la victoire. Par contre B.G. demanda à repousser la date : cette faveur ne fut pas accordée par le juge.

L’audience des témoignages commença de fait le 20 Kislev.

Voici comment se passerait le jugement : à partir du 20 Kislev et jusqu’au 8 Tévet auraient lieu les auditions. Puis, à partir du 9 Tévet et jusqu’au 10 Chevat, aurait lieu un résumé présenté par les deux parties ainsi que les objections de chacune des deux parties contre l’autre.

Durant les 23 jours d’audience, des jeunes garçons de Yechiva et des ‘Hassidim assistèrent aux débats dans le tribunal. C’était un spectacle impressionnant ; chaque jour, un autobus plein de ‘Hassidim  arrivait devant le tribunal de Down Town à Brooklyn. Les ‘Hassidim emplissaient les tribunes réservées au public, priaient et récitaient des Tehilim (Psaumes). Parmi les ‘Hassidim, on remarquait particulièrement le regretté Rav Morde’hai Mentlick qui dirigeait la Yechiva principale du 770 Eastern Parkway : il portait la ceinture de prière. On vit aussi souvent d’autres Rabbanim et personnalités importantes de la communauté Loubavitch.

Voici la description que fit (dans son livre Despite All Odds) l’écrivain Édouard Hoffman de la salle d’audience du tribunal à cette époque :

« Durant le procès, on constata de nombreuses choses contradictoires   : d’un côté, on voyait le drapeau américain symbolisant la liberté, le fait de n’être soumis à aucune autorité mais de l’autre côté, on remarquait le groupe de Juifs orthodoxes qui se tenait comme dans une synagogue orthodoxe : les hommes et les femmes étaient séparés. La salle du tribunal était remplie de Juifs anxieux pour le sort réservé aux livres de la Bibliothèque ‘HaBaD qui avait été la préoccupation constante du Rabbi précédent : maintenant, à cause d’événements complètement extérieurs, ils dépendaient – de par la volonté de D.ieu – d’un non Juif, le juge Simpson ».

Une bonne partie des documents du Rabbi précédent étaient rédigés en hébreu ou en Yiddish. Il était donc nécessaire de les traduire et la traduction devait être la plus exacte possible. L’essentiel des discussions entre les deux parties porta justement sur les différences d’interprétation des traducteurs. Sur une table se trouvaient en permanence les volumes des Lettres du Rabbi Yossef Yits’hak (qui avaient été compilés par Rav Chalom Dov Ber Lévine) et chacun tentait de prouver la justesse de ses opinions  par les lettres qui y étaient recensées.

Chacune des deux parties amena des témoins à la barre afin de confirmer son explication des faits. Les ‘Hassidim savaient que la partie ne serait pas facile mais ils se rendaient compte aussi qu’il n’y avait jamais eu de précédent. Le juge resta impassible et garda le silence durant toute les audiences : il était impossible de deviner par l’expression de son visage vers quelle conclusion il penchait.

Pour mieux comprendre, voici le compte rendu de ce qui se passa au tribunal :

20 Kislev : la partie adverse demanda à ce que la date du jugement soit repoussée mais le juge refusa et demanda à ce que Reb Yehouda Krinsky commence à témoigner. La partie adverse demanda à ce que lors de sa déposition, Reb Chalom Dov Ber Lévine quitte les lieux mais le juge refusa à nouveau.

L’avocat de la partie adverse avança que cela faisait quarante ans que Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD n’avait pas fonctionné (il faut signaler que le Rabbi avait évoqué cet argument dans l’un de ses discours et en avait déduit qu’il fallait agir à ce propos avec encore plus d’énergie et d’enthousiasme). Reb Krinsky démontra combien cette accusation était dénuée de tout fondement.

21 Kislev : tout comme la veille, Reb Krinsky lut des lettres et la partie adverse posa des questions à leur sujet.

22 Kislev : ce jour-là, la partie adverse présenta une personne venue d’Angleterre pour témoigner en sa faveur. Tandis qu’il parlait, on lui demanda pourquoi il avait été renvoyé de sa synagogue. Il répondit que ce n’était pas  parce qu’il ne savait pas étudier mais parce qu’il n’agissait pas…

Par ailleurs, il y eut une discussion animée à propos de ce que signifie le concept « Beth ‘Hayénou ».

23 Kislev : Reb Krinsky continua son témoignage et on lui posa des questions quant à son travail exact au sein de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD.

26 Kislev : en sa qualité d’«expert du mouvement  Loubavitch », Rav Zalman Posner témoigna en faveur de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD. On lui posa des questions à propos du « Maamad » (la contribution volontaire des ‘Hassidim aux dépenses du Rabbi) et à propos de la fortune personnelle de Rabbi Yossef Yits’hak.

27 Kislev : ce fut le tour de Rav Chalom Dov Ber Lévine – principal responsable de la Bibliothèque de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD – de témoigner. Au début, les avocats de la partie adverse ne désiraient pas qu’il témoigne sous prétexte que tout ce qu’il allait dire avait déjà été dit auparavant et que ce serait une perte de temps. Le juge sortit alors pour quelques instants puis revint en annonçant que Rav Lévine pouvait parler. On lui posa alors toutes sortes de questions sur son travail : il répondit très bien et de façon très claire à chaque question.

Dans l’après midi, on projeta sur écran la déposition de la regrettée Rabbanit ‘Haya Mouchka : celle-ci avait été enregistrée dans sa maison (voir le chapitre : « Le témoignage de la Rabbanit »). Quand la Rabbanit déclara que le Rabbi et les livres appartiennent aux ‘Hassidim, on put remarquer que le juge appréciait cette réflexion même s’il ne dit rien.

Ce fut alors au tour du regretté Rav Chnéour Zalman Gurarie de plaider en faveur de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD puis le juge posa plusieurs questions à BG., entre autres quels livres lui avait donné son grand père : il répondit qu’il ne s’en souvenait pas.

28 Kislev : on fit témoigner un certain Professeur Mark Israël mais il fut bien vite évident qu’il n’avait pas le titre de professeur quand il déclara que, selon la Torah, il n’y avait aucune interdiction de mentir et que c’était pour cette raison que, lorsque Rabbi Yossef Yits’hak affirmait que la bibliothèque appartenait à Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD, c’était un mensonge (que D.ieu nous en préserve !) afin d’échapper aux griffes des Nazis. On lui demanda alors l’explication du verset « D’une parole de mensonge, tu t’éloigneras », il répondit  qu’il s’agissait de « choses de mensonge » mais pas de paroles…

Veille de Roch ‘Hodech Tévet : on entendit la déposition d’un témoin de la partie adverse mais les avocats détruisirent ses arguments un à un. La partie adverse demanda alors au juge d’interdire aux ‘Hassidim d’assister aux débats sous prétexte qu’ils remplissaient toute la salle et ne laissaient pas de place aux autres. Le juge répliqua que ce n’était pas vrai et que, justement, ils se conduisaient de façon exemplaire.

4 Tévet : on entendit le témoignage de ‘H .L. et celui-ci prétendit que Rabbi Yossef Yits’hak avait menti (D.ieu préserve ! ) mais on lui fit remarquer qu’il était impliqué dans cette affaire puisqu’il mangeait tous les jours dans la famille de  B.G.

De plus, il avait brûlé des lettres du Rabbi Yossef Yits’hak et, en plus, le Chabbat ( !). Le juge lui demanda s’il était vrai qu’il avait détruit des documents etc. et il répondit qu’il avait agi ainsi parce qu’ils contenaient des éléments privés qui n’avait pas à être rendus publics. Le juge lui demanda pourquoi il ne l’avait fait que maintenant, soit plus de 35 ans après le décès du Rabbi…

5 Tévet : Rav Ralbag, membre du Tribunal Rabbinique de Agoudat Harabbanim témoigna en faveur de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD.

6 Tévet : on entendit un témoignage en faveur de la partie adverse mais il fut invalidé point par point : il démontra seulement son ignorance… De même, il fut démontré que, chez les Rebbéim, il n’y a aucune place pour un mensonge quel qu’il soit : en effet, lorsque Rabbi Chnéour Zalman avait été détenu en prison et qu’il aurait pu mentir car sa vie était en danger, il n’avait néanmoins proféré aucun mensonge.

Durant le procès, le Rabbi écrivit à Rav Aharone Dov Halperine – éditeur de l‘hebdomadaire Kfar ‘HaBaD – : Une continuation des livres en ce qui concerne la terre d’Israël – et le plus rapidement possible. Qu’il fasse précéder la guérison à … – pour la diffusion des sources de la ‘Hassidout et des sources du judaïsme etc. On ne presse que (ceux qui sont empressés – NDT). Qu’il en fasse un rapport immédiatement afin qu’il soit mentionné sur le tombeau (du Rabbi précédent NDT) »

Rav Halperine  raconta : « Au début je ne compris pas du tout de quoi il s’agissait. Rav Hodakov me demanda de lui téléphoner d’ici une heure. Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai compris une partie de ce que cela signifiait : une semaine auparavant avait pris fin la partie des audiences du procès des livres… Maintenant, Rav ‘Hodakov m’expliquait que c’était de cela que parlait le Rabbi lorsqu’il écrivait « Une continuation des livres en ce qui concerne la terre d’Israël ».

Comme on s’en souvient, aux alentours du 12 Tamouz 1985, le Rabbi avait demandé d’ériger à Kfar ‘HaBaD un « Beth Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD » qui serait appelé comme son « jumeau » du 770 Eastern Parkway à New York. En attendant, cela fonctionnait dans un bâtiment qui avait été mis à  disposition par le Comité du Kfar. Rav ‘Hodakov me dit : « Vous devez écrire cette semaine dans le journal qu’à la suite de ce qui avait été écrit dans le numéro de la semaine précédente, dans un reportage sur votre visite à New York, à propos de l’action  et de la propriété  de Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD, vous désirez y associer l’action de son jumeau israélien, Beth Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD, avec son action en faveur de la communauté à Kfar ‘HaBaD.

Rav ‘Hodakov me recommanda également d’insister dans mon article sur les points suivants : des dizaines de jeunes gens y étudient continuellement  la Torah ; il s’y tient des dizaines de cours de Torah, aussi bien de Guemara que de ‘Hassidout ; on y trouve une grande bibliothèque qui s’enrichit régulièrement de nouveaux volumes, au service de toute la communauté et, en particulier, de ceux qui étudient la Tora en profondeur. On y prie et on s’y réunit pour des réunions ‘hassidiques en présence d’un nombreux public. Toute cette action communautaire sera transférée – avec l’immense bibliothèque –  dans le nouveau bâtiment de Beth Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD à Kfar ‘HaBaD.

L’annonce de la victoire

Les premiers signes d’une victoire probable se remarquèrent déjà dans la réunion ‘hassidique du 19 Kislev 5747 (1986) : en effet, le Rabbi évoqua longuement le sujet de « Didane Notsa’h » (notre victoire). Ceci se confirma durant ‘Hanoucca quand le Rabbi dirigea une réunion ‘hassidique plus longue que d’habitude, à propos de la libération de Rabbi Chnéour Zalman. En particulier, le Rabbi précisa plusieurs fois que « Les ‘Hassidim vaincront ! ». Chabbat Miketz, qui était aussi le dernier jour de ‘Hanoucca, le Rabbi était particulièrement joyeux durant la réunion ‘hassidique et, à la fin, il déclara :

« Pour les Juifs, il y eut lumière, joie, allégresse et reconnaissance, qu’il en soit ainsi pour nous ! » Lumière, joie et allégresse, comme cela se comprend simplement et comme cela est expliqué dans les Midrachim de nos Sages, car on nous annoncera de bonnes nouvelles, et en particulier parce qu’on ajoutera dans la joie, encore plus que d’habitude ! »

Les ‘Hassidim comprirent déjà qu’il se passerait quelque chose, quelque chose de joyeux.

Et le mardi, le jour dont il est dit qu’il est écrit deux fois « qu’il était bon » (dans le récit de la création du monde), le 5 Tévet 5747, au matin, on avertit le secrétaire Reb Youdel Krinsky, que le jugement avait été tranché au tribunal et qu’il devait aller le chercher.

L’avocat, Maître Lévine, voulut prévenir le Rabbi ; pour cela, il téléphona à Reb Chnéour Zalman Gourarié et lui annonça qu’il y avait du neuf. Celui-ci prévint Reb Binyamine Klein, le secrétaire du Rabbi. Reb Klein pénétra dans le bureau du Rabbi et lui annonça « Didane Notsa’h ».

Le jugement s’étale sur 41 pages et décrit la nature des relations entre le Rabbi et les ‘Hassidim. A la fin, il était écrit :

« Après audition des témoignages lors du procès et après examen des nombreux documents apportés par les deux parties, je suis arrivé à la conclusion que la bibliothèque n’était pas un bien particulier de Rabbi Yossef Yits’hak Schneersohn au moment de son décès. En conséquence, l’argumentation contraire est réfutée et annulée. Comme la plainte n’est basée que sur une question d’héritage, le coupable n’a aucun droit sur la bibliothèque. L’ « Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD » est reconnue comme seule propriétaire de droit et est donc en droit de demander la restitution des biens.

« Le coupable est dans l’obligation de restituer immédiatement les livres et autres objets en sa possession et qui ont été dérobés sans permission – à « Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD ».

« La restitution  des biens consiste en 456 livres qui ont été dérobés de la bibliothèque. 102 d’entre eux ont été vendus à des marchands de livres et des collectionneurs ; la plupart d’entre eux ont été rachetés un par un par « Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD ». Le reste des livres se trouve dans un dépôt d’objets sous séquestre dans le New Jersey, sur ordre du tribunal ».

Rav Krinsky entra dans le bureau et quand il  annonça au Rabbi  la bonne nouvelle, le visage de celui-ci s’éclaira : on voyait qu’il était très heureux.

Rav Krinsky demanda au Rabbi s’il célébrerait la victoire par une réunion ‘hassidique (Farbrenguen) mais le Rabbi répondit : « Il faut encore réfléchir à ce propos ». On pouvait voir que le Rabbi tentait de retenir toute manifestation extérieure de joie de sa part et c’est aussi ce que l’on ressentit du discours qu’il prononça après la prière de Min’ha. On aurait dit que le Rabbi savait que l’affaire n’était pas encore terminée (il semble que le Rabbi n’a voulu vraiment célébrer la fête de Didane Nétsa’h que l’année suivante, le 5 Tévet 1988).

Lors de la même occasion, quand Rav Krinsky était entré chez le Rabbi pour lui transmettre la nouvelle, le Rabbi lui demanda soudain des détails à propos d’une certaine personne pour laquelle il avait demandé une bénédiction le jour précédent. Puis le Rabbi lui donna plusieurs autres consignes, en particulier téléphoner aux avocats pour les remercier de leurs efforts mais aussi à la Rabbanit pour lui annoncer le verdict et lui demander quelque chose. Rav Krinsky raconte que, dès qu’il sortit du bureau, il appela la Rabbanit : de la conversation qu’il eut avec elle, il était évident qu’elle aussi avait déjà compris que l’affaire n’était pas terminée.

La nouvelle du verdict se répandit à la vitesse de l’éclair et de nombreux ‘Hassidim – aussi bien les ‘Hassidim de Loubavitch aux quatre coins du monde que toutes les personnes pour qui le souvenir des actions de Rabbi Yossef Yits’hak était important – ainsi que toutes les personnes éprises de vérité et de justice accueillirent avec une joie indescriptible  le verdict de la Cour Fédérale de New York établissant une fois pour toutes et de manière indiscutable l’appartenance de la grande bibliothèque à l’association internationale Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD. Il indiquait aussi que tout ce qui se trouvait dans les locaux du 770 Eastern Parkway de Brooklyn appartenait bien à la communauté des ‘Hassidim de Loubavitch, selon le vœu de Rabbi Yossef Yits’hak. Immédiatement une foule immense se rassembla devant le 770 et se mit à chanter, danser et trinquer « Le’haïm » avec un enthousiasme et une fougue impossibles à décrire.

La surprise fut grande quand le Rabbi fit annoncer que la prière de Min’ha se déroulerait en bas, dans la grande synagogue (ce n’était  que durant les fêtes de Tichri que le Rabbi y priait en semaine) au lieu de la petite synagogue en haut. Avant le début de la Amida, le Rabbi demanda qu’on lui apporte un ‘Houmach et, à la fin de la prière, le Rabbi prononça un discours particulier dont voici un extrait :

« Lorsque Rabbi Schnéour Zalman fut emprisonné puis délivré parce qu’il était accusé de répandre les enseignements ésotériques de la Torah, il comprit qu’il devait justement augmenter cet enseignement de ‘HaBaD de façon systématique.

« C’est ainsi qu’on comprend l’enseignement divin à propos des événements actuels : l’argument  prétendait que Agoudat ‘Hassidé ‘HaBaD n’est pas une organisation vivante et active. Nous devons donc en conclure un enseignement pour notre conduite actuelle : tout en manifestant la  joie la plus grande, il faut augmenter la diffusion des sources de la ‘Hassidout jusque dans les domaines extérieurs, sans aucune mesure avec ce qui a été fait jusqu’à présent… »

A la fin de ce discours, le Rabbi déclara :

« A la suite de ce qui s’est passé avant etc. nous avons eu : « Selon la peine est la récompense », pas seulement comme une  « récompense » mais aussi d’une façon de « trouvaille », c’est-à-dire quelque chose qui est au-delà de toute proportion par rapport à la récompense ».

Il semble que le sommet de cette joie fut atteint le Chabbat  qui suivit le 5 Tévet, Chabbat Vayigach quand le Rabbi s’écria :

« Il faut signaler et publier le fait que nous sommes à une époque et dans un endroit particuliers : il ne manque plus qu’une seule et unique chose et puisque l’homme doit parler dans les termes de son maître – selon l’expression de mon beau-père, le Rabbi (précédent) – «Tenez-vous tous prêts pour la construction du troisième Beth Hamikdach (le Temple) avec l’arrivée du fils du Roi David, le Machia’h.

« Il en résulte que chaque Juif doit accomplir la mission qui lui est confiée afin d’amener et dévoiler le Beth Hamlikdach qui est « construit et aménagé » dans le ciel ;  il suffit de le faire descendre se révéler ici bas, tout de suite et immédiatement, véritablement et concrètement !

« Ceci doit s’exprimer particulièrement danst ce qui a un lien avec le Beth Hamikdach :

Établir de « petits sanctuaires », des maisons d’étude, de prière et de bienfaisance, ce qui est la fonction et le but des Beth ‘Habad en tout endroit… »

Les ‘Hassidim comprirent par ces paroles que maintenant commençait pour le Rabbi une nouvelle époque, une ère nouvelle de dynamisme et de largesse.

« Tous ceux qui ont proclamé maintenant : « Notre victoire ! » pensaient certainement à la victoire de mon beau-père, le Rabbi (précédent), chef de notre génération. Ils doivent donc savoir que tout ce qui vient à la suite de « Notre victoire », c’est la victoire du chef de la génération ! C’est pourquoi, lorsqu’on agit, il n’est pas possible que ce soit une action personnelle, de sa propre initiative, c’est-à-dire de façon  indépendante et « que chacun agisse selon ce qui est droit (ou tordu !) à ses yeux » ! Mais ce doit être la Victoire du Rabbi de la génération qui vaincra certainement, de façon agréable et dans la  sérénité.

« On connaît le proverbe qu’a répété plusieurs fois le Rabbi (précédent) : Un ‘Hassid est intelligent ! Il n’attend donc pas et ne tente pas d’agir autrement mais se lance à priori sur les traces et dans la voie des nos Rébbéim : et dans notre génération, il s’agit de mon beau père, le Rabbi !

En ce qui nous concerne : il a déjà été raconté dans le Midrach l’histoire de « Notre victoire » et il n’est pas besoin d’être un grand érudit ; il suffit d’expliquer le sens simple du Midrach et on en voit immédiatement l’enseignement, comment doit s’exprimer la joie de « notre victoire ».

« Chacun d’entre nous possède deux âmes : l’âme divine  et l’âme animale, comme cela est expliqué dans le Tanya. L’âme divine est liée à la divinité tandis que l’âme animale est liée au mauvais penchant. Ces deux tendances règnent sur le Juif. L’esprit du bien, le penchant vers le bien lui dit qu’il faut accomplir les consignes du chef de la génération tandis que l’esprit du mal, le penchant vers le mal commence à l’emmêler dans des arguments etc. Et comme il est « doué pour son travail », il trouve toutes sortes de ruses et de preuves comme quoi telle n’était pas l’intention du Rabbi : pas dans cette période et pas dans cet endroit ! Telle chose, on ne l’exprime qu’à l’intérieur (de la communauté des ‘Hassidim) et telle autre chose signifie réellement autre chose etc., avec tous les détails que l’esprit du mal , le penchant vers le mal peut trouverainsi que les arguments » (comme il est connu dans les écrits des « Richonim » que le mot « Amtala » (argument) est formé des lettres « Émeth Lo », c’est-à-dire qu’il n’a aucune vérité).

« C’est pour cela que vient l’enseignement du Midrach : comment vaincre et annuler l’esprit du mal ? C’est en  rassemblant de nombreux Juifs dans le but de s’aider les uns les autres, chacun avec ses capacités et en chantant «Notre victoire, notre victoire ! ». Sans cela il n’est pas certain qu’on puisse vaincre l’esprit du mal. Malgré cela, par le fait qu’on déclare « Notre victoire, notre victoire » comme il convient, selon la volonté du chef de notre génération, on vainc l’esprit du mal et on l’annule complètement, jusqu’à ce qu’on voit une goutte de sang à la surface de l’eau, ce qui est une preuve  que la vitalité du mal, du penchant vers le mal a été annulée. De là nous apprenons que le critère pour cela, c’est de chasser l’esprit du mal, du penchant vers le mal jusqu’à l’annulation de sa vitalité et de son sang : alors on peut être sûr de « Notre victoire, notre victoire » !